Mauritanie. De notre envoyé spécial C'est hier – le jour même où l'ambassadeur mauritanien en Israël est rentré à Nouakchott, rappelé par le général Ould Abdelaziz sous la pression des manifestants qui ont violemment protesté contre l'attaque israélienne sur Ghaza – que se sont clôturées les journées de concertation qui se tiennent à Nouakchott depuis le 27 décembre ; une tentative de normalisation de la crise instituée par le coup d'Etat du 6 août dernier. Si tout n'est pas entièrement joué, la suite des évènements semble assez claire. Contrairement à ce qui a été annoncé hier, Ahmed Ould Daddah, le président du RFD, parti d'opposition mais partie prenante des journées de concertation, n'a pas confirmé la candidature du général au pouvoir Ould Abdelaziz pour l'élection présidentielle fixée au 30 mai prochain et a laissé planer le doute lors d'une conférence de presse tenue lundi. Pourtant, à Nouakchott, tout le monde sait aujourd'hui qu'il sera difficile, voire impossible, d'empêcher le général président du HCE (Haut Conseil d'Etat), d'accéder par des élections à la présidence en se retirant deux mois avant le scrutin pour être en règle, la Constitution interdisant en effet à un militaire en exercice de se présenter à un scrutin. Ahmed Ould Daddah, candidat à l'élection présidentielle, non encore déclaré, était sorti déçu il y a trois jours, au lendemain d'une consultation privée avec le général Ould Abdelaziz : « Nous sommes contre la candidature de militaires, qu'ils soient généraux, officiers ou simples soldats. » Alors qu'il pouvait faire basculer les journées en annonçant son retrait du dialogue pour 24 heures, Ahmed Ould Daddah a préféré réintégrer les assises, donnant de fait une caution politique au régime putschiste. Le général au pouvoir, après avoir bien géré ces journées de concertation en s'engageant à « respecter toutes ses recommandations », sort gagnant pour l'instant, en marginalisant les partisans du président destitué, Sidi Ould Cheikh Abdellahi, mais doit maintenant gérer l'autre front, celui d'Israël. La Mauritanie est le troisième pays arabe après l'Egypte et la Jordanie à abriter une ambassade d'Israël et sa population est de plus en plus hostile à l'établissement de relations diplomatiques avec l'Etat hébreu. Après le rappel de l'ambassadeur suite aux violentes manifestations de lundi à Nouakchott, où la population avait appelé à fermer l'ambassade – tout comme les 1500 participants aux journées de concertation réunis au Palais des congrès – il semble peu probable que le général Ould Abdelaziz aille plus loin. Qualifié de « populiste » par ses adversaires politiques, le général putschiste a utilisé une carte en avançant à pas prudents sur un terrain brûlant. En ces temps où il doit convaincre l'opinion nationale et obtenir une caution internationale pour se présenter aux élections, l'Europe et les USA verraient d'un mauvais œil la fermeture de l'ambassade d'Israël. Mais à Nouakchott, terre de paradoxes et de contradictions, tout peut rebondir.