Après 136 jours de détention, le président mauritanien a été libéré manu militari. C'est fait! Le président mauritanien, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, a été libéré, hier, sur ordre de la junte militaire. Immédiatement après son arrivée dans la capitale, le président a pris la route pour regagner son village natal de Lemden (250km de la capitale), afin d'y préparer son retour à Nouakchott. Détenu depuis 136 jours dans des villas, d'abord à Nouakchott, puis à Lemden, le président était officiellement en résidence surveillée. Cette libération n'a pas été sans susciter des questions sur les conditions dans lesquelles le président a été ramené à Nouakchott. En effet, son entourage a aussitôt déploré qu'il ait été convoyé contre son gré par des officiers, en pleine nuit, jusqu'à la capitale. Hier matin, une source sécuritaire, ne souhaitant pas être citée, avait annoncé: «Sidi a été réveillé entre deux et trois heures du matin par les militaires qui prétendaient être porteurs d'un message. Le président aurait souhaité rester à Lemden, mais les militaires ont tenu à ce qu'il les accompagne à Nouakchott.» Selon cet ancien haut responsable sous le régime du président, «deux membres du Haut conseil d'Etat (junte) se trouvaient dans le véhicule militaire qui a amené le président à Nouakchott, les colonels Mohamed Ould Meguedt et Mohamed Ould El Adi», et d'ajouter: «Aussitôt après son arrivée dans la capitale, le président a pris la route dans un véhicule personnel vers son fief de Lemden. Il souhaite y revenir pour préparer son retour à Nouakchott, dans la sérénité et selon son propre agenda». «Sidi», dont la candidature à la présidentielle de 2007 avait été soutenue par les officiers les plus influents, avait été destitué par ces mêmes officiers le matin du 6 août. Il venait d'annoncer le limogeage des chefs des quatre corps de l'armée, dont le commandant de la garde présidentielle, le général Ould Abdel Aziz. Pour légitimer le putsch, ce dernier n'a pas cessé d'attaquer les 15 mois de gestion de «Sidi», qu'il présente comme l'ancien président rêvant d'être encore président. Craignant une réaction hostile et importante de la rue, la junte a fait réprimer, puis interdire les manifestations des anti-putschs qui réclament toujours le rétablissement du président dans la plénitude de ses prérogatives. De son côté, l'Union européenne (UE) menace toujours la Mauritanie de sanctions qui pourraient passer par une suspension des relations diplomatiques ou de l'aide au développement (hors aide humanitaire). Cette position semble ne pas laisser indifférent le nouveau pouvoir. En effet, ce dernier organisera, le 27 décembre prochain, ce qu'il appelle «des états généraux de la démocratie», journées de concertation qui doivent, notamment fixer la date d'une élection présidentielle. Mais le président renversé ne l'entend pas de cette oreille. Il a opposé un non catégorique à cette concertation, dans un entretien au journal français Le Monde daté de dimanche. «Répondre oui, ce serait légitimer le coup d'Etat et s'incliner devant le fait accompli», a-t-il affirmé, se disant «fermement décidé à lutter pour faire échouer ce coup d'Etat». A 71 ans, le président se défend d´être l´homme faible que dépeignent ses détracteurs. Il s´est révélé, en détention, tenace et combatif. Le bras de fer est lancé. De là à savoir qui aura le dernier mot, les paris sont ouverts.