– Vous avez pris part au dernier film du tunisien Abdelatif Ben Ammar, Les palmiers blessés. C'est une nouvelle expérience pour vous… Abdellatif Ben Ammar m'a contactée pour me proposer un rôle après m'avoir vue dans la comédie Mascarades de Lyès Salem, projetée aux journées cinématographiques de Carthage(JCC) de 2009. Il a vu et apprécié mon travail. Il est venu en Algérie et m'a expliqué son scénario. J'ai apprécié sa manière de raconter son scénario. J'ai compris que c'est un réalisateur qui sait ce qu'il veut. Cela m'a amenée à l'écouter avec intérêt avant de lire le scénario. Il m'a donné une journée pour lire le texte. Après un passage à Tunis, les choses se sont accélérées. J'ai rapidement campé le rôle de Nabila, l'épouse du musicien algérien vivant à Bizerte. On m'a donné une semaine pour me mettre dans le bain. C'était un acte professionnel de la part de Abdellatif Ben Ammar, un cinéaste qui respecte son travail et ses comédiens. Et l'artiste a vraiment besoin de cela, travailler avec des gens qui connaissent la valeur de l'art. J'ai vite compris ce que Ben Ammar voulait de Nabila et je me suis adaptée. Il m'a laissée devenir Nabila sans me bousculer. Il m'a toujours dit que si la caméra m'appréciait, elle viendrait vers moi. Ce n'était donc pas à moi d'aller vers la caméra ! – Nabila a apporté beaucoup de gaieté et de fraîcheur à un film porté sur le drame, la douleur… C'est vrai. Nabila couve un mal en elle, mais elle le cache. Il est difficile d'être gai lorsqu'on cache un mal. Le rôle n'a pas été facile. Nabila a fui l'Algérie des années 1990, parce qu'elle avait peur. Mais Nabila et son époux,Nourreddine, étaient pris entre deux feux : partir et avoir ce sentiment d'être lâches et voir les choses se dégrader sans pouvoir rien faire. Quand on est au pays, on est en plein dans le bain. A travers Nabila, j'ai exorcisé ce que nous avons enduré durant la décennie noire. Je devais me guérir à travers ce personnage. Il fallait montrer tout le mal qu'elle vivait à l'étranger. Dans Les palmiers blessés , Chama ( Leïla Ouaz) se lance à la recherche de l'histoire de son père. C'est à nous aussi en tant qu'algériens de chercher l'histoire que nous avons vécue durant la décennie noire. – Oui, mais pourquoi il n'y a-t-il pas eu de films algériens sur la décennie noire, mis à part des long métrages tels que Rachida de Yamina Bachir Chouikh ? Il n'y pas eu beaucoup de films parce que la plaie est encore ouverte et la douleur ne s'est pas encore apaisée. Nous avons besoin de nous reposer un peu. Ici, à Tunis, à minuit, les gens circulent encore dans la rue. Cela m' a étonnée, car à Alger, les rues sont désertes dès la tombée de la nuit. A Alger, je m'endors à 21h30 ! Après cette heure, je ne suis plus responsable de ce que je suis en train de dire. A Alger, l'esprit du couvre-feu est toujours là. Il y a une génération, celle qui est née dans les années 1970 et 1980, qui n'a pas vécu. Elle n'a vu que les bombes et le terrorisme. Notre génération va écrire des scénarios sur cette dure période. La génération qui nous a précédés a vécu des jours heureux. Lorsqu'on se mettra à écrire, cela sera facile. Les idées vont couler de source. Nous allons même être étonnés de ce que nous allons écrire. – Pourquoi, selon vous, Mascarades a eu un grand succès auprès du public algérien ? Ce succès vient de la simplicité du film. Sensible, le réalisateur Lyès Salem, a choisi des comédiens selon son idée, son point de vue, de ce qu'il voulait faire. Les gens veulent s'amuser un peu. Ils ont trouvé une certaine fraîcheur dans la comédie Mascarades. Malgré le mal, il y a toujours ce désir de vivre, de rêver. Les jeunes veulent vivre. Dans cette comédie, chacun rêve. Dans le film, on voit le pays, sa beauté, le Sahara…A l'extérieur, certains ont voulu nous briser, briser ce beau pays…Tout ce que nous avons vécu doit nous servir, constituer une force pour nous, pour le futur. Le terrorisme n'a pas réussi à briser l'unité des algériens. Le savoir-vivre existe toujours en Algérie. Et le pays est toujours solide. Je crois que c'est là le message de Mascarades. – Avez-vous d'autres projets ? Avant de venir ici, à Tunis, j'ai terminé le tournage avec Rachid Belhadj du film Les parfums d'Alger. C'est un film qui raconte l'histoire d'un père moudjahid qui part à la recherche de la fille de son compagnon d'armes. Il avait fait le serment à son compagnon de s'occuper de sa fille. Un viol va avoir lieu et le fils va devenir terroriste. La sœur ne croira pas du tout au fait que son frère soit devenu un émir, car jeune, il était sage et ne pouvait même pas faire de mal à une fourmi. C'est l'image même de l'Algérie, le mal est à la maison, à l'intérieur, mais la honte doit être maintenue à huis clos.J'ai beaucoup aimé le film de Rachid Belhadj. Le cinéaste, qui est venu avec une équipe italienne, a un souci, celui de monter le 7e art algérien. Il mérite tout le respect. Les parfums d'Algérie sortira, en principe, en 2011. Il est vrai que nous n'avons pas la quantité en matière de production cinématographique mais nous avons la qualité. Les films algériens raflent toujours des prix dans les festivals. Nous avons notre propre touche artistique. – Avez-vous des produits à la télévision ? Pour la télévision, je suis très sélective. Je ne fais pas n'importe quoi. Le cinéma a son propre public, mais la télévision c'est le grand public. Il n'y a pas le droit à l'erreur au petit écran ni de dire n'importe quoi. On entre chez les familles et l'on doit donc être à la hauteur.