M. Tlamsi Chabane (*) Introduction Certains auteurs ont beaucoup écrit sur le sujet et leurs analyses ou dissertations abondent malheureusement toutes dans la même direction : les sociétés algériennes ne sont pas prêtes pour adopter le NSCF (qui matérialise en fait une version light ou allégée des IFRS). C'est le constat d'échec que prédisent déjà nos spécialistes émérites ! Alors pourquoi tant d'acharnement de la part de ceux qui sont censés porter dans leur cœur la énième chance de voir la profession de comptable débarrassée des vieux carcans et réflexes qui l'ont confinée, des années durant, dans un cadre purement secondaire, servant juste à calculer, un fois par an, le fameux impôt des sociétés à verser au Trésor public. D'ailleurs, si la comptabilité se réduisait juste à déterminer une fois par an le résultat fiscal, je me demanderais à quoi serviraient les années de labeur à l'université ainsi que l'apprentissage de modules, comme l'analyse financière, la théorie financière, les mathématiques financières, les statistiques et probabilités… Je me demande aussi si c'est la peur du changement auquel ne peuvent se convertir nos experts comptables du fait que le NSCF représente un vraie cassure par rapport aux travaux comptables de bricolage par lesquels était connu le PCN et/ou la peur de perdre des monopoles sur certaines niches d'entreprises stratégiques qui motivent ce pessimisme grandissant dès qu'il s'agit de remettre sur la table de discussions le sujet de la réforme comptable. Pis encore, les articles que j'ai eus à lire font ressortir le même constat peu reluisant : le NSCF n'est pas à implémenter à l'heure actuelle. Donc je me demande quand est-ce qu'on voudrait le mettre en œuvre : en 2020 ? 2030 ? 2040 ? ou à l'extinction de l'humanité ? Donc, au lieu de renforcer le débat sur le NSCF en participant par exemple à l'enrichissement de la normalisation comptable algérienne, certains préfèrent néanmoins tirer à boulets rouges sur cette ultime initiative de faire avancer la profession comptable et financière dans notre pays. Pas la peine donc de gaspiller tant de salive et de papier dans la mise en échec du NSCF, autant dépenser cette énergie dans ce qui est plus bénéfique pour les préparateurs (les entreprises en général de quelque secteur qu'elles soient) et utilisateurs de l'information financière. Il faut rappeler aussi que le NSCF a pu redonner à la science comptable en Algérie ses lettres de noblesse. Aujourd'hui, l'on peut dire adieu aux innombrables bilans cadrés dépouillés de toute sincérité et fiabilité du moment que le référentiel est conçu de telle manière qu'il puisse limiter le recours à la comptabilité récréative basée sur l'emploi de multiples techniques de manipulation comptable. Avec l'avènement du SCF, l'appellation «comptabli» ou «comptabliya» – mots utilisés dans le jargon des entreprises pour désigner les employés dont l'unique tâche est la tenue des comptes et la préparation des G50 – disparaîtra pour laisser place à cette nouvelle dénomination de la fonction qui est «cadre comptable financier» dont les principales missions consistent en la préparation d'un jeu d'états financiers d'une pertinence irréprochable aux fins de production d'informations financières probantes sur la situation financière, la performance et les flux de trésorerie des entreprises. Avant d'entrer dans le vif du sujet, il me paraît utile et primordial de revenir un peu en arrière et relater le cadre comptable et les circonstances dans lesquelles s'est effectuée la réforme de la doctrine comptable en Algérie. L'ancien cadre comptable algérien (1975 – 2007) L'ancien plan comptable, qui aura duré plus de 30 ans, était caractérisé par les faits ci-après : La domination de la fiscalité sur la préparation des états financiers a eu pour effet de privilégier l'intérêt du fisc (optimisation des recettes de l'Etat) au détriment des autres utilisateurs de l'information financière. En somme, le fisc dirigeait les règles de préparation de la liasse fiscale. Au lieu de préparer des états financiers en guise de reporting, les entreprises se contentaient, par le biais du PCN, de remplir une série de tableaux (même pas des états financiers au sens du NSCF actuel) dont l'utilité se résume juste à fournir quelques indications sur leurs performances passées (souvent à prendre avec des pincettes). Le PCN ne traite pas de beaucoup d'opérations, à l'instar du crédit-bail, des regroupements d'entreprises, la consolidation, les contrats à long terme, les impôts différés, les avantages post-emploi, l'activation des frais développement, le changement des méthodes comptables, etc. En ne définissant pas les éléments qui constituent les états financiers (actifs, les passifs, les charges, les produits et les instruments de capitaux propres), le PCN ouvrait très grandes les portes aux innombrables manipulations dont se serviraient certains préparateurs pour présenter une information biaisée et déconnectée de la réalité des transactions, et du coup induire en erreur les destinataires de l'information financière : – absence d'organisme ou de corps de normalisation et d'interprétation comptable. Faiblesse de la recherche comptable et mise à jour quasi-absente du PCN mis à part quelques velléités entreprises par-ci par-là : plans comptables sectoriels en particulier. – Faible lisibilité des comptes (absence d'annexes explicatives, absence de données comparatives, maintien des valeurs historiques – sauf exception). – Le PCN ne pouvait pas donner de solutions aux multiples questions et autres problématiques comptables dans tous secteurs confondus Absence d'un cadre conceptuel même implicite qui a provoqué d'une part, la stagnation de la comptabilité (incapable d'avancer) et d'autre part, l'incapacité du PCN à résoudre les nouvelles problématiques et beaucoup de situations (par industrie…) Le nouveau cadre comptable algérien (2008 à ce jour) Conscientes de ces faiblesses relevées par les innombrables critiques adressées par des dirigeants, responsables et leaders d'institutions économiques, financières, politiques mondiales et d'autres professionnels gravitant dans le giron financier, les autorités compétentes locales avaient vite amorcé le projet de la réforme comptable (qui ne pouvait y échapper du fait du vent des réformes économiques et financières entreprises depuis que le pays s'était rendu conscient de la nécessité de ces réformes dans l'optique de faire face aux phénomènes de la mondialisation de l'économie mondiale et de la globalisation des marchés financiers) qui a fait l'objet d'un appel d'offres, remporté par le Conseil national de la comptabilité (CNC) français avec un financement de la Banque mondiale. Après soumission, par le CNC français, de trois scénarios possibles pour la réforme du PCN, le CNC algérien opta pour la solution 3 consistant à adopter les standards internationaux IAS /IFRS, bien que ce choix remette en cause la pratique et l'ensemble du système d'éducation (moyens pédagogiques et enseignement). En fait, la première raison qui a amené l'Algérie à adopter un nouveau système comptable est son choix d'adopter les normes internationales pour rapprocher notre pratique comptable de la pratique universelle. Le NSCF permet donc aux entités algériennes de fonctionner avec un socle conceptuel et des principes plus adaptés à l'économie moderne et de produire une information détaillée reflétant une image fidèle de leur situation financière. Il faut aussi rappeler que le NSCF a été officialisé par un dispositif juridique composé principalement des textes juridiques suivants : la loi n°07-11 du 25 novembre 2007 portant système comptable financier, le décret exécutif n°08-156 du 26 mai 2008 portant application des dispositions de la loi n°07-11 du 25 novembre 2007 portant système comptable financier, l'arrêté 26 juillet 2008 fixant les règles de comptabilisation et d'évaluation et enfin l'instruction du MINEFI N°02 du 29/10/2009. Le NSCF a été mis au point par le Conseil national de la comptabilité algérien, en étroite collaboration avec le Conseil national de la comptabilité français (CNC). Ce nouveau référentiel englobe dans les faits plusieurs éléments : – un ensemble de textes comptables normés et beaucoup plus détaillées qu'auparavant, très fortement inspirés des IFRS. – Une nomenclature de comptes qui converge fortement vers l'actuel plan de comptes français PCG version 2005. – La mise en place d'un certain nombre de principes ou d'obligations formelles, notamment en termes de consolidation et d'annexes comptables. – Un cadre conceptuel semblable à celui des IAS/IFRS : le NSCF reprend en un seul texte tous les principes comptables et concepts de base qui sont obligatoires pour fournir aux tiers une information financière fiable, complète et sincère sur laquelle peuvent s'appuyer les différentes parties prenantes de l'entreprise afin d'évaluer celle-ci avec sincérité. Certes, le délai et la manière dont a été mené le projet de remplacement du PCN a étonné plus d'un et pris de court les entreprises ainsi que les auditeurs pour qui, le projet NSCF s'est réalisé sans que le MINEFI prenne la peine de les consulter ni encore moins de prendre en compte leurs avis quant à la méthodologie et à la démarche idoine pour conduire le projet de la réforme comptable. En dépit de cela, le MINEF paraît tout à fait déterminé à mener coûte que coûte à terme la mise en application du NSCF à partir du 1er janvier 2010. A mon humble avis, je crois que d'un côté, un grand pas a été franchi en ayant réussi à arrêter la mouture finale du contenu du référentiel comptable qui va servir de base à la préparation des reportings financiers des différentes entités économiques, mais de l'autre côté, d'autres challenges très urgents restent à relever si les objectifs de la réforme comptable doivent être atteints. Les vrais challenges dont je parle dans cet article peuvent être résumés par les recommandations détaillées ci-après : – 1- la réforme des programmes et manuels de formation de la comptabilité dans les établissements universitaires, ouverture de spécialités et de classes de doctorat en IAS /IFRS. Il est aussi impératif de donner plus d'importance aux spécialités jadis peu valorisées par le système d'enseignement, à l'instar de la théorie financière (actualisation, probabilité, techniques de prévisions. – 2- L'enseignement de la normalisation comptable anglo-saxonne basée sur le système de la consultation de larges pans d'intervenants dans les questions comptables (cabinets d'audit, régulateurs boursiers, autorités nationales de normalisation comptable…) et des normes IAS/ IFRS en vue de former les futures générations. La création d'un institut de hautes études comptables dont la mission serait de fournir, aux entreprises algériennes, des cadres financiers compétents à forte valeur ajoutée, qui leur manquent aujourd'hui. – 3- La mise en place de programmes de réactualisation des connaissances de nos experts comptables et commissaires aux comptes est très très urgente si l'on veut faire avancer la réforme comptable chez nous. Comment ? en fait, il y a plusieurs approches qui peuvent être adoptées à l'effet d'aligner la pratique de l'audit des comptes avec la pratique universelle surtout en prévision de la certification des comptes à établir en NSCF. La formation de qualité constitue de prime abord un préalable à la refonte du métier de l'exercice du commissariat aux comptes en Algérie mais pas l'organisation des séminaires de quelques jours dissipées par-ci par-là par des consultants vieillots français en pré-retraite ou post-retraite qui ne connaissent de l'immensité d'un sujet comme les normes internationales que ce qu'ils ont pu lire dans les quelques bouquins écrits en français ! Il est aussi bénéfique de s'imprégner de l'expérience des grands cabinets d'audit internationaux (à savoir, les fameux big Four : Pricewaterhouse Coopers, KPMG, Ernst & Young, Deloitte Touche Tohmatsu et Grant Thornton, Mazars, BSD) dont l'approche d'audit est sectorielle, en d'autres termes, leurs auditeurs, experts comptables se spécialisent par secteur d'activité : pharmacie, energie et mines, biens de grande consommation et distribution, transports, etc. Cette spécialisation par secteur se révèle en revanche inexistante chez nous, ce qui peut être très contraignant dans le cadre du conseil et de l'orientation des entreprises notamment lorsqu'il s'agit de buter sur une mauvaise interprétation d'un principe comptable ou sur difficulté d'appliquer un principe à une transaction spécifique ou pour améliorer le mode de reporting des résultats des entreprises. Le rapprochement avec ces cabinets mastodontes d'audit dont le poids exercé sur la recherche et la normalisation comptable (vous n'avez qu'à visiter leurs sites internet où pullulent toutes sortes d'études sectorielles et inter-entreprises sur l'adoption des normes dans le monde) n'est plus à démontrer, contribuera incontestablement à relever le niveau de compétences de nos auditeurs, à mieux accompagner et conseiller efficacement les entreprises et surtout à donner de l'importance à la recherche comptable qui faisait défaut dans les circuits d'audit algériens. – 4- Il faut également enrichir nos bibliothèques par des livres, revues, périodiques et autres supports d'information. En effet, je considère honteux que nos bibliothèques soient privées de telles ressources documentaires. A l'heure actuelle, je n'ai pas encore visualisé un article ou un travail de recherche sur un sujet de réflexion comptable du genre : le cadre conceptuel est-il complet et souffre-t-il de faiblesses pratiques ou comment le NSCF peut-t-il résoudre la comptabilisation des gratuités de biens et de services du secteur des télécoms ou de la pharmacie par exemple ? Le NSCF dans sa version de juillet 2006 nécessite-t-il une autre mise à jour et comment ? C'est-à-dire comment procéder à la réflexion de façon unilatérale, à savoir le MINEFI ou bien recourir à la procédure de l'appel à des commentaires par l'émission d'un avant-projet ou d'un document de discussion préparé par de vrais professionnels de la normalisation comptable ? Bien que certains rares bouquins soient, par ailleurs, écrits par certains de nos professionnels comptables, leur contenu ne dépasse malheureusement pas le stade de l'initiation ou la sensibilisation voire la PCNisation du NSCF, c'est-à-dire en mettant l'accent sur la mémorisation des schémas comptables (qui restent à vérifier !) plutôt que d'inciter les lecteurs à exercer leur jugement professionnel en vue de comprendre la réalité économique (principe de la primauté de l'économique sur la forme oblige) des transactions à reporter dans les états financiers. Cette démarche adoptée dans ces bouquins n'est donc pas efficace car elle ne fait que banaliser ce référentiel. Etant donné que le NSCF adopte l'approche basée sur des principes robustes par opposition à celle du PCN basée sur des règles fiscales rigides, la compréhension préalable de la portée réelle et économique de la transaction (achat, vente, prêt, location, acquisition….) précède toujours la passation de l'écriture comptable. Et pour ce faire, le comptable doit avoir bien saisi les directives contenues dans le cadre conceptuel et les dispositions des différentes principes de comptabilisation et d'évaluation accompagnant le texte intégral du NSCF. – 5- Les universités, instituts et écoles supérieures de formation doivent aussi jouer pleinement leur rôle de formateurs privilégiés de la ressource humaine de qualité, et ce, en signant par exemple des accords de partenariat et d'échange de savoir-faire avec les grands cabinets d'audit implantés en Algérie. – 6- La normalisation doit être en principe du ressort des organisations professionnelles privées (Ordre des experts comptables…) comme cela est le cas dans les pays à tradition anglo-saxonne ou plus récemment en France avec la création de l'ANC, mais exceptionnellement en Algérie, elle devra continuer à être dirigée et pilotée par les pouvoirs publics pour de multiples raisons dont l'incapacité, ou peut-être l'inexpérience, des institutions comptables privées à s'acquitter parfaitement d'une aussi grande responsabilité. Néanmoins, le risque dans une telle démarche réside dans le fait de voir la normalisation comptable verrouillée et condamnée à la stagnation, et ce faisant, le référentiel risque de subir le même sort qu'a connu jadis le PCN, à savoir un référentiel démodé, déphasé et ne répondant plus aux exigences actuelles. En effet, l'expérience dans le monde a montré que si l'initiative de la mise à jour de la littérature comptable venait de façon unilatérale (des pouvoirs publics), la normalisation perdrait toute son utilité puisqu'elle aurait un caractère imposatoire (comme en France). Dans l'autre cas où le travail ferait participer les principales parties prenantes au processus de l'établissement des normes comptables (c'est le due process), la qualité des normes serait meilleure. Concernant la composition du collège du CNC algérien qui, faut-il le souligner, est désigné dans les textes législatifs comme le seul et unique organe de normalisation comptable, moi j'aurais préféré qu'il on eût fait appel à candidatures pour recruter en premier lieu des chercheurs et des universitaires déjà familiarisés avec la normalisation anglo-saxonne (US GAAP, UK GAAP, Australian GAAP, Canadian GAAP et j'en passe) et Dieu sait combien il y en a dans les universités et instituts européens et nord-américains. Ce sont eux qui peuvent faire évoluer les débats sur la réforme et la modernisation de la normalisation comptable mais pas des fonctionnaires des ministères ou des membres de l'ordre des commissaires aux comptes dont la carrière et l'expérience sont intimement liées au défunt plan comptable PCN de l'ère socialiste 1975. Une autre question qui me turlupine a rapport avec le champ d'action et les prérogatives du collège du CNC composé de 23 membres. J'espère que la réponse à cette question n'est pas celle à laquelle je pense, à savoir que le CNC sert uniquement à garnir la devanture et faire miroiter une image que l'Algérie a officieusement un réel organe de normalisation comptable. Cela dit, je me demande en fait s'ils ont les compétences et ressources physiques et financières nécessaires pour camper convenablement le rôle qui leur est dévolu ? Vont-ils réellement faire de la normalisation, à savoir trouver des solutions ou des recommandations qui conduiraient à rechercher des solutions à des questions que soulèveraient probablement des utilisateurs, des préparateurs ou même des auditeurs (exemples : avantages de fidélisation de la clientèle dans le secteur des télécom, les contributions de la clientèle ou les prix réglementés dans le secteur de l'énergie, les frais de prospection et recherche des gisements dans le secteur des mines et énergie ? Ou bien le CNC recommandera-t-il dans ce cas de se référer aux normes IFRS et/ou interprétations y afférentes ? – 7- Il faut également se focaliser sur une bonne communication et sensibilisation sur les nouveautés et les objectifs du NSCF. D'aucuns pensent que le NSCF n'est qu'une simple translation des comptes (c'est-à-dire un changement de numéros de comptes) rien de plus, tout en oubliant qu'en réalité le NSCF amorce une vraie cassure avec les vieux textes du PCN qui ont dévalorisé le statut de la science comptable et financière. Les étudiants, en se ruant sur l'acquisition des dépliants du plan des comptes, ignorent en fait tout de la réalité de ce référentiel. S'il y avait la communication, une mission généralement assurée par les cabinets d'audit et les enseignants, les étudiants auraient au moins compris que la maîtrise du référentiel passerait par la compréhension de l'objet du cadre conceptuel et des différents paragraphes qui constituent le socle de l'application du NSCF. Pendant que les sources d'information et de suivi de l'actualité relative aux normes internationales et la normalisation à l'anglo-saxonne pullulent sur la toile, à l'image des sites mentionnés après, l'Algérie brille malheureusement par l'absence d'un site algérien dédié au NSCF ou aux normes IFRS : – Le site www.focusifrs.com – Le site de IMA France – Les sites des principaux cabinets d'audit : Grant Thornton, Mazars, Pricewaterhouse Coopers et j'en passe – Le site de l'IASB et du FASB – Les divers blogs, – 8- Les jeunes cadres comptables et financiers doivent s'émanciper un peu afin d'accueillir rapidement et efficacement cette nouvelle organisation comptable du référentiel applicable aux entités économiques. Car la révolution émane toujours et demeure véhiculée par les jeunes universitaires. Mais hélas, chez nous l'intelligentsia juvénile universitaire est réduite à subir et encaisser les échecs perpétuels de l'enseignement universitaire. Rien qu'à voir leurs mémoires de fin d'études, on se fait rapidement un idée sur le niveau réel de nos futurs dirigeants et gestionnaires financiers. Le constat est certes amer et désolant, mais il faudrait quand même réfléchir sérieusement à endiguer ce recul de niveau en mettant en place des programmes adéquats et des méthodes d'enseignement modernistes en rapport avec les exigences du milieu professionnel des entreprises. Je trouve de surcroît aberrant que nos universitaires continuent encore à rabâcher le PCN 1975 (déjà abrogé par la loi 07-11) dans leurs manuels tandis que le MINEFI exhorte les entreprises à basculer vers le NSCF. – 9- Les principaux acteurs doivent aussi accorder leurs violons et éviter les querelles et luttes intestines qui n'arrangent aucunement l'évolution de la pratique comptable. Que l'ordre des experts comptables accuse le coup et avale la pilule en prenant acte de l'urgence de réformer en profondeur l'activité algérienne de révision des comptes en prévision de l'adoption graduelle par les entreprises algériennes du NSCF 2010. La dernière décision prise par le MINEFI de mettre sous sa tutelle le fameux ordre des experts comptables, est la résultante logique du recul flagrant et de la régression criante du niveau de la recherche et de la créativitité de nos professionnels qui, au lieu de s‘imposer par leurs compétences en matière de maîtrise des sujets comptables contemporains, ils brillent par leur inertie et immobilisme. Ils ont laissé le champ libre à la réingérence des autorités publiques compétentes dans la réglementation de l'activité professionnelle comptable. Cela leur apprendra une chose qu'il n'y a que la compétence qui garantit le respect. Ne dit-on pas que celui qui n'avance pas recule ? Au lieu de se chamailler pour l'accaparement de tel ou tel marché juteux sur le plan financier, il aurait été plus judicieux de penser à joindre l'utile à l'agréable, à savoir penser à faire beaucoup de fric tout en faisant avancer une science noble comme la comptabilité. Les exemples sont légion et il n'y a qu'à voir les pratiques des experts comptables issus des pays d'outre-mer. – 10- Il faut également mettre sur pied une cellule de veille composée des professionnels com- ptables financiers à l'effet de suivre l'évolution des normes IFRS et de participer éventuellement dans le processus de normalisation de l'IASB par la communication de la position algérienne par rapport aux problématiques comptables étudiées par l'IASB. La création d'une Autorité de normalisation comptable devant réunir des chercheurs et des professionnels comptables pour interpréter les nouvelles normes algériennes, trouver des solutions à des problématiques comptables soulevées localement, concevoir des guides d'application, réaliser des études ou des analyses et actualiser le SCF par rapport aux normes internationales IAS/IFRS. A ce sujet, il est utile de savoir que sont actuellement ouverts (voir le site de l'IASB) à la discussion, des sujets aussi importants que : – la comptabilisation du chiffre d'affaires (bâtiments, accords à prestations multiples…). – Les contrats de location (projet qui ne cadre pas avec l'approche actuelle du NSCF, bof, peu importe). – Les instruments financiers (leur dépréciation et le coût amorti). – Les activités à tarifs réglementés (pharmaceutique, énergie électrique, télécoms, eau…). – Les modalités de détermination de la juste valeur, etc. – 11- Il faut relever la nécessité de créer une direction comptable au sein de l'administration fiscale dont l'intérêt consiste à achever le rapprochement des règles fiscales avec les dispositions et exigences du nouveau référentiel comptable applicable aux entreprises, du moins les points les plus significatifs comme les immobilisations (corporelles et incorporelles, le chiffre d'affaires et les charges afférentes…). A défaut d'une connexion, le NSCF créerait plus de retraitements complexes – donc plus de charge de travail – pour les préparateurs notamment pour ce qui a trait au recours presque accru aux impôts différés pour permettre justement de concilier les objectifs de la comptabilité et des obligations fiscales. – 12- Il faut songer à créer des lois de sécurité financière à la Sarbanne Oxley ou celle de l'AMF (Autorité des marchés financiers) pour sévir toute personne tentant à des fins personnelles (augmentation de ses droits aux bonus) ou pour dissimulation de situations compromettantes pour les préparateurs des ETAFI, d'user de techniques ô combien nombreuses de falsification des comptes financiers. Notre COSOB doit se voir dotée d'une cellule d'investigations et d'études aux fins de faire respecter les dispositions du NSCF aux entreprises du moins pour celles qui sont inscrites à la Bourse locale ou celles ayant une responsabilité publique. – 13- Encourager les gens à maîtriser et parfaire leur anglais, et particulièrement l'anglais financier et des affaires car il faut savoir qu' il y a peu d'écrits et de points de vue émis dans la langue française ou dans d'autres langues (pour s'en convaincre veuillez visiter les sites IASB et celui de l'ANC français). Par conséquent, la maîtrise de l'anglais permet d'accéder à une immense documentation souvent gratuite (contrairement à celle écrite en français) en matière de normes internationales. La vraie source de changement et de proposition provient constamment des organisations professionnelles et de normalisation anglo-saxonnes, tandis que les autres pays se laissent bercer par l'inactivité ou l'attentisme. – 14- Stimulation de la recherche comptable, révision de la technique d'enseignement de la comptabilité et initiation des cadres dirigeants des entreprises à la comptabilité et surtout à séparer la fiscalité de la comptabilité. En effet, beaucoup pensent que la comptabilité n'est que le miroir de la fiscalité (voici donc un vieux réflexe dont il faut se débarrasser). La fiscalité se base sur des règles rigides qui servent de base à la détermination de la l'assiette d'imposition et du calcul de l'impôt sur les résultats fiscaux. Ces règles font complètement fi de la réalité économique des événements comptabilisés et ne privilégient pas la comparabilité des résultats dans le temps ni dans l'espace. Tandis que le NSCF, dont l'approche est basée sur des principes (en fait, ils sont classés selon quatre catégories : principes de comptabilisation, d'évaluation, de décomptabilisation ainsi que de présentation et des informations à fournir) requiert souvent l'exercice du jugement professionnel de la part des préparateurs des états financiers pour l'application de ces principes dans un contexte particulier. 15- Révision ou remodelage de la présentation (ou la trame) du texte intégral du référentiel NSCF. En vue de faciliter sa compréhension et son exploitation par un très grand nombre d'utilisateurs, une présentation mieux structurée (par sections ou par postes) aurait été préférable à celle qui est adoptée actuellement (une proposition en la matière est en cours de préparation qui sera divulguée prochainement dans mon futur bouquin). En guise de conclusion Je termine mon article en disant que si l'on s'entête à obliger les entreprises à adopter rapidement le nouveau référentiel sans avoir pris toutefois les mesures d'accompagnement adéquates (les recommandations ci-dessus), alors tous les efforts fournis, le temps consacré et les budgets investis n'auraient été au bout du compte qu'une énième tentative illusoire de se débarrasser des réflexes hérités du PCN. Donc, il est temps de faire aujourd'hui un choix entre deux alternatives qui sont : soit de conduire convenablement la modernisation de la littérature comptable nationale afin d'améliorer les reportings financiers de nos entreprises, et du coup rassurer les investisseurs et les partenaires potentiels étrangers et locaux dont les décisions (investissements directs étrangers) d'allocation des fonds se fondent en partie sur la sincérité et la pertinence des informations préparées suivant le référentiel comptable qui fait l'unanimité dans plus de 100 pays dans le monde entier (à savoir les normes IAS /IFRS dont s'est fortement inspiré le SCF algérien ; soit laisser les choses telles qu'elles sont (sans les mesures d'accompagnement citées dans le présent article) avec le risque de revenir à la case départ (PCN). Conseil : il est important de revoir la stratégie de la mise en application du NSCF afin de ne pas assister à une mise en échec prématurée de ce référentiel comme ce fut le cas avec le PCN. (*) Cadre supérieur en finances & comptabilité et spécialiste IFRS/IAS/NSCF 2010