Encore une note qui ajoute à la grande brouille. La suspecte absence de la déclaration de politique générale que devait faire le Premier ministre devant l'APN. Autant dire que cette défection n'a pas été ratée par les commentateurs et les analystes habituels. Elle a donné lieu, comme toujours, à des spéculations qui ramènent le sujet tout droit sur l'avenir politique (immédiat) d'Ouyahia dans cette période trouble, où précisément le personnage tente tout pour se faire remarquer et accréditer auprès de l'opinion son ambition présidentielle qu'il n'ose pas encore annoncer officiellement. Le fait de ne pas avoir assisté à l'ouverture de la dernière réunion gouvernement-walis avait déjà suscité les pires interrogations, toutes enclines à le mettre dans une mauvaise posture. Zapper cette cérémonie inaugurale a été interprété, en effet, comme une «interdiction» décidée d'en haut pour le mettre dans l'embarras. Plutôt le fragiliser au moment où il pensait être dans une phase ascendante. La déduction est vite trouvée : il ne serait donc plus en odeur de sainteté avec le cercle présidentiel auquel il n'a pourtant jamais cessé de jurer fidélité. Même les walis ont été déroutés par ce faux pas alors que l'ouverture de la rencontre avec les membres de gouvernement devait s'appuyer sur une intervention du Premier ministre. Il a fallu attendre le lendemain pour que tout rentre dans l'ordre. Ouyahia était cette fois bien présent au deuxième jour pour démentir toutes les manigances construites sur son dos. Ceci pour dire qu'il n'en faut pas beaucoup pour «décider» d'une carrière ou d'une projection sur la scène d'une personnalité politique, surtout quand elle est associée directement à la lutte des clans. Autant dire que celles du chef de l'Exécutif paraissent particulièrement sensibles à la déformation médiatique relevant parfois carrément de l'imaginaire, preuve en est que les mêmes analystes n'arrivent pas à sortir d'une argumentation à sens unique en reproduisant les ingrédients déjà ressassés pour évoquer avec un sens aigu de la certitude sa défaillance devant les parlementaires. L'annulation de la déclaration de politique générale est ainsi un prétexte de plus pour servir de nouveau le conflit latent qui l'oppose au Palais avec cette arrière-pensée que l'homme n'a plus la cote avec les décideurs. Comprendre alors que sans la bénédiction de ces derniers, Ouyahia n'aurait aucune chance d'aller jusqu'au bout de son projet. Evidemment que tout cela reste de la spéculation de bas étage qui a pour effet de faire diversion. On pourrait même dire qu'au lieu d'affecter l'ambition d'un postulant plus que jamais convaincu de pouvoir effectuer la fameuse rencontre avec son destin qu'il a rêvée, ces extrapolations rendent au contraire son image plus «accessible» à une opinion publique désemparée qui constate par elle-même que derrière le vide laissé par Bouteflika, les grandes statures présidentielles devant lui succéder ne se bousculent pas au portillon, et que par conséquent ignorer celle d'Ouyahia serait une grave erreur d'appréciation. La personnalité du Premier ministre qui revient de plus en plus dans la liste des prétendants est ainsi prise presque naturellement comme «option» de première ligne malgré toute l'impopularité qui l'entoure, et tous les observateurs avertis de la réalité algérienne en ces temps pré-électoraux ne pourront que le confirmer. Certes, rien n'autorise encore à pressentir avec un fort pourcentage de réussite que le chef du RND sera le futur Président dans la probabilité où Bouteflika renoncera à son cinquième mandat, mais beaucoup d'indices ayant trait à son poids dans l'échiquier, à son parcours, à ses soutiens et à sa stratégie montrent qu'il a du potentiel pour figurer parmi les favoris. Les favoris du système étant entendu que si le Premier ministre se lance dans la course, ce n'est sûrement pas pour porter l'unique couleur de son parti qui reste dans le sérail une quantité négligeable malgré son allégeance indéfectible aux cercles du Pouvoir. On n'en est pas encore dans notre pays de pouvoir assister à un candidat vainqueur d'élection en étant un pur produit émanant de sa famille politique. Cette démarche est concevable dans les pays démocratiques. Il faut, chez nous, de multiples «combinaisons» incluses dans le fameux registre du consensus pour faire sortir l'homme providentiel qui, décidera-t-on, sera en mesure de diriger le pays. Tous les Algériens savent maintenant qu'une élection comme la présidentielle, autrement dit la plus importante et la plus déterminante d'entre toutes les consultations populaires, n'est généralement jamais laissée au hasard des urnes. Certes, elle peut paraître classique dans sa forme avec des candidats bien alignés sur la ligne de départ chacun proportionnellement à sa notoriété et sa personnalité dans la société, avec des campagnes électorales tonitruantes et beaucoup de bruit médiatique, mais elle est toujours soumise à un compromis entre les décideurs qui savent à l'avance qui sortira du chapeau. On pourra jurer que l'élection n'est pas truquée, mais personne n'est dupe pour ne pas comprendre que c'est l'homme qui fera consensus notamment auprès de l'institution militaire qui sera «désigné». Tous les Présidents élus sont passés par là. Le dernier en date, Bouteflika, avait été approché par les militaires avec lesquels il s'était entendu avant d'accepter la mission. Il a tout essayé pour réduire l'influence du compromis en refusant d'être un trois-quarts président durant les deux premiers mandats, mais visiblement le poids de l'armée dans le choix du président de la République reste encore très déterminant. Ce qui signifie que pour avoir un vote démocratique, on repassera… Et le Premier ministre qui se sent prêt pour le défi sait que l'urne vient après le compromis. En véritable produit du sérail, il pense qu'il pourrait répondre à toutes les attentes. Il travaille en tout cas pour. Ses atouts sont la fidélité au système, sa stature politique, son intelligence à trouver les bonnes formules du… compromis. Son impopularité et le manque d'unanimité chez les gradés sont pour lui des facteurs défavorables. Mais il reste dans la matrice qui peut pour l'heure suffire à son bonheur en attendant la grande consécration. Même s'il sera un Président par défaut.