Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.
L'idée de la distribution digitale nécessite un développement, mais nous n'en sommes pas très loin Chiheb Eddine Bellih .Compositeur et producteur de musique
Après une expérience de plus de six ans sur les plateformes de vente en ligne et streaming, Chiheb Eddine Bellih est le jeune artiste algérien le mieux placé pour connaître les services de distribution digitale de la musique en Algérie. Producteur et compositeur de musique, Chiheb a ouvert en 2012 Electrad, une agence digitale résolument créative spécialisée dans la vente digitale et le développement des marques sur les réseaux sociaux. Premier service de streaming en Afrique du Nord et seul partenaire avec Vevo, il a un contrat de distribution, ce service a pu créer des chaînes Vevo pour plusieurs jeunes artistes algériens, comme Djam, Yamsine Amari, ou encore Meziane Amiche. Au mois de mars dernier, après le piratage du tube Despacito, beaucoup de changements ont eu lieu. Le système Vevo a été mis à jour, les tarifs aussi, Electrad music s'est retrouvé contraint de laisser tomber le service de distribution digitale. La boîte se retrouve aujourd'hui en stand-by, dans l'attente d'éventuels changements durant la nouvelle année. En 2013, Chihab Eddine Bellih a présenté son projet à l'ONDA, une stratégie pour passer à l'ère du digital et booster l'industrie musicale algérienne, mais n'a pas trouvé porte ouverte.
Des plateformes de vente et streaming de musique ont introduit leurs services en Algérie. Quel état des lieux faites-vous de la distribution digitale de la musique et sommes-nous prêts à passer le cap vers le virtuel ? La distribution musicale est passée des vinyles aux cassettes, puis sur CD. En 2003, Apple a lancé iTunes, la première plateforme de vente de musique en ligne. Après iTunes, plein d'autre plateformes ont émergé. A savoir Spotify, Deezer ou encore Napster qui ont mis en avant le service streaming. En Algérie, on n'a pas tout de suite passé ce cap. On est resté dans l'air du CD durant plusieurs années et jusqu'à aujourd'hui où on se rend compte que les distributeurs ne sont plus nombreux. Pourtant, la plateforme Deezer est lancée en Algérie depuis à peu près 5 ans, Spotify vient d'introduire ses services en septembre dernier. Désormais, on peut dire qu'on est prêt à passer à l'ère du digital, mais beaucoup de problèmes bloquent l'avancement. Durant des années, les artistes algériens n'ont pas eu accès aux services de ces plateformes parce qu'elles n'avaient pas fait la récolte d'informations autour des artistes et de la musique algérienne. Car, avant toute offre de services, il faut d'abord mettre en place une bonne base de données. Maintenant qu'il y a trop de demandes, les sites ont étrenné leurs services en Algérie. Comment peut-on bénéficier de ces services, aussi bien le consommateur que l'artiste ? En bénéficier, c'est simple pour le consommateur. Il faut avoir une carte de crédit et faire un abonnement mensuel pour avoir un accès illimité à la musique. Mais pour l'artiste, ça reste un peu compliqué. Au début, il faut avoir un label ou une maison de disque qui sous-traite avec les plateformes, car ce sont elles qui procurent les codes ISRC et UPC. ISRC est un code-barres international destiné au single. L'UPC est un code hyper détaillé qui définit l'album. Ces codes deviennent ensuite comme un titre pour l'artiste, ils lui garantissent ses droits. Le souci, c'est qu'ils sont hyper chers. Afin qu'ils reviennent moins chers, il faut les acheter par quotas d'un ou deux millions. En plus de cela, les plateformes n'ont pas le droit de signer un contrat ou avoir un contact direct avec l'artiste. Sortes de disquaires en ligne à la base, ils ne peuvent avoir des contacts qu'avec des distributeurs ou des labels. En Algérie, on n'a pas la production pour deux millions de code-barres. Les distributeurs ne peuvent pas assumer de pareils quotas à des prix élevés. Moi-même j'ai lancé un service de distribution numérique, mais ça n'a pas marché. La demande n'y est pas, les artistes ne peuvent pas assumer les tarifs… Faut-il insister malgré ces difficultés ? C'est vrai qu'avant, on se contentait du timbre de l'ONDA et hop, l'album est dans les bacs. Mais il faut savoir que malgré les prix à payer, la distribution digitale est aujourd'hui la meilleure alternative qui garantit la meilleure protection du produit avec des services plus sérieux et fiables. D'ailleurs, heureusement que les conditions ont changé. Les artistes ne sont plus obligés de passer par un label ou une maison de disque pour faire de la distribution digitale. En tant qu'indépendants, leur musique pourra être placée avec les plus grands artistes et les meilleurs classés des plateformes de musique. En effet, une petite révolution a eu lieu en 2010 où des labels indépendants se sont imposés et ont pu faire de la distribution physique et digitale. Juste après, de nouveaux services de distribution digitale sont apparus. Ces derniers ne conditionnent pas la signature d'un contrat avec un label pour distribuer un produit musical sur internet. Grande surprise, puisque ces services permettent d'économiser jusqu'à 60% du bénéfice qui étaient réservés au label. Cependant, avec ces nouveaux distributeurs, il faudra payer pour chaque service. Par exemple, si vous voulez publier un album sur toutes les plateformes de streaming, ça sera 50 dollars. Le single pour 25 dollars. Par contre, avec un abonnement annuel à 300 dollars, l'artiste peut publier sa musique à n'importe quel moment et durant toute l'année. En ce qui concerne l'ouverture du compte, ça se fait d'une manière très simple et basique. Sur chacun des sites, il y a un espace réservé aux artistes où ces derniers devront remplir un formulaire et commencer ensuite la publication des albums et singles s'ils le souhaitent. Chaque publication est accompagnée d'une fiche technique du produit musical et du code-barre adéquat. Si ça ne marche toujours pas en Algérie, c'est parce que l'idée nécessite un développement, des bases de données avec une équipe technique, un bon hébergement stable et sécurisé… Il y a plein de petits problèmes techniques, mais on ne peut pas dire qu'on est loin. Qu'en est-il de la rentabilité ? La rentabilité se compte par Coût par stream. Ce CPS est très différent entre l'Algérie et les Etats-Unis par exemple. Si on écoute de la musique depuis les USA, l'artiste gagne par exemple 0,7 dollar ; par contre, quand on l'écoute à partir d'Algérie, il gagne 0,0007 dollar. Ce taux est atteint par rapport à la publicité qui n'est pas fiable en Algérie. Sur ces sites, on gagne grâce à la publicité ou des abonnements. Les sociétés algériennes n'investissent pas dans la publicité sur internet. Dans le cas où le consommateur est abonné, l'artiste DZ gagne les mêmes revenus que les autres, mais s'il n'est pas abonné et consomme son délai de trois mois pour écouter gratuitement sur la plateforme, il aura un revenu très faible sur chaque vue. C'est une autre raison pourquoi on n'arrive pas à avancer vers le digital. Si on investit et qu'on lance un service, ça ne sera pas d'une rentabilité importante. Pour un million de vues, un artiste algérien peut gagner jusqu'à 100 dollars, alors qu'aux USA l'artiste gagne jusqu'à 3000 dollars.