La journée du dimanche étant consacrée au cinéma palestinien, le réalisateur Rachid Masharawi qui est intervenu à l'issue de la projection de son tout dernier long métrage, L'Anniversaire de Leïla, programmé hors compétition, a dû faire œuvre de pédagogie pour expliquer que « tenter l'audace de l'autocritique n'est pas de la complaisance envers l'occupation israélienne ». Sur cette question, il est intransigeant mais, pour le président du jury du FIFAO3, il est juste temps de passer à une autre étape. « Le spectateur étranger et celui des pays arabes sont conscients de la situation des Palestiniens. L'Anniversaire de Leïla est venu montrer une autre vérité puis, parce que la question palestinienne est connue, apporter un autre regard », explique le cinéaste qui rappelle que pour ce qui est du témoignage, du documentaire sur ce qui se passe en Palestine, il a lui-même réalisé plusieurs films du genre. L'Anniversaire de Leïla met en scène un « taxi driver », qui, de par sa formation de juriste (et donc épris de justice mais surtout d'ordre), en instance de trouver un travail qui sied à sa stature, se retrouve confronté au désordre et aux contradictions de la société palestinienne évoluant dans un chaos urbain indescriptible. « Mon souci, c'est la rue palestinienne, notre dure réalité, un certain regard sur nous-mêmes pour arrêter de dire à chaque fois que c'est la faute à l'occupation », confie-t-il en déclarant avoir privilégié par ailleurs la dimension cinématographique dans son acception universelle au détriment du discours politique direct présent dans certaines œuvres mais dont il ne minimise pas l'impact. Tout fonctionne comme si avec ce dernier film, on passe de la reconnaissance de l'existence politique d'un peuple vers la reconnaissance de son existence dans la réalité. « Nous sommes un peuple comme tous les autres, c'est-à-dire que nous avons des qualités mais aussi des défauts, nous aimons, nous haïssons, etc. Mon personnage principal veut fêter l'anniversaire de sa fille en compagnie de la femme qu'il aime comme n'importe quel citoyen du monde, juste peut-être avec moins de tracas », concède M. Masharawi, qui, tout en développant cette dimension rapportée à l'Homme dans l'universalité de sa conception, évoque le rapport entre le cinéma et le réel, un rapport privilégié mais qui ne perd pas de vue la dimension artistique qui l'habille. C'est cette idée qui lui fait dire que dans son film, la ville est un personnage à part entière. Conscient par ailleurs du fait que, y compris dans le monde arabe, les stéréotypes sur la Palestine sont encore légion, il va démontrer que « c'est parce qu'il y a une impuissance arabe à faire quelque chose pour la cause palestinienne que certains pays produisent des films suscitant la compassion du spectateur ». Il n'est pas contre l'idée d'encourager toute initiative en faveur de son peuple, mais il veut être plus objectif, montrer toutes les nuances de couleurs qu'il y a entre le noir et le blanc dont se contentent les visions manichéennes de la réalité. Plaçant l'efficacité et l'utilité du cinéma pour la cause palestinienne dans le long terme, il prône l'enrichissement de la filmographie pour non seulement faire mieux connaitre les choses, mais aussi pour être crédible. « Un film ne doit pas être toujours et seulement une réaction (à un événement tragique, à une campagne médiatique hostile, etc.), mais une véritable action cinématographique. » Etre à l'avant-garde en somme et c'est sans doute pour cela que la volonté d'être jugé selon les critères strictement artistiques ou techniques, comme n'importe quel autre cinéma du monde, a été exprimée à maintes reprises. « Pour les difficiles conditions de tournage, nous avons appris à nous y habituer », rassure le réalisateur qui a évoqué les conditions de travail selon les étapes par lesquelles la région est passée, de la première Intifadha en 1987 à Ghaza où ceux qui filmaient risquaient parfois leur vie, à celle des check-points à cause de la dispersion géographique de l'Etat palestinien et des identités « bureaucratiques », imposées aux habitants palestiniens de Jérusalem.. Enfin, Je suis Gaza, un film sur les conséquences des derniers bombardements qui n'est pas du même réalisateur, a été projeté le soir en plein air.