Dernier tournant avant El Aouana. La vue qui se dégage de la route sinueuse est surprenante de verdure et de coteaux. El Aouana (ex-Cavallo), parsemée de chênes-lièges auxquels se mêlent quelques broussailles maquisardes, fait tout de suite montre de ses rondeurs avec ses rochers tout en douceur. El Aouana : De notre envoyée spéciale On oublie la route, on la cherche pour la trouver au passage entre deux mamelons. La mer qui accompagne le parcours s'est d'un coup entièrement effacée. Les éléments ont perdu toute mesure dès lors que l'immensité marine se cache derrière un labyrinthe de verdure. On est assommé comme en perte d'équilibre. La chaleur ajoute à la pesanteur ambiante et quelques particules volètent dans l'air. De la neige avec cette chaleur ? Passé le dernier tournant, les mamelons de la montagne du parc national de Taza se font de bonze. Les chênes-lièges qui bordent la route sont ocres et les quelques feuilles qui ont résisté au feu et à la chaleur ont pris une couleur de rouille. Le tronc craquelé de liège a laissé place à une enveloppe noire, rigide et sèche. Les incendies Des gardes-fôrestiers sont à proximité ,reconnaissables à leur tenue vert tendre. Des éléments de la protection civile s'attèlent à déplier le tuyau devant servir à éteindre le feu. Un feu qui n'est pourtant pas grand. A peine une petite flamme qui s'embrase encore davantage à la rencontre d'une broussaille sèche. Un feu presque insignifiant tant il semble facile à maitriser. Mais un feu qui avance lentement, sûrement et qui laissera un visage meurtri aux mamelons de El Aouana. Certains fôrestiers, préférant garder l'anonymat, accuseront les militaires siégeant dans les guérites. « Ils veulent dégager la vue qui mène à la route, alors ils brulent », explique l'un d'eux. Mi-harassé, mi compréhensif, le fôrestier se sent impuissant. La situation sécuritaire dans la région est encore sensible et des prêches sauvages se font entendre le lundi, passant outre aux instructions du ministère des Affaires religieuses. En même temps, il s'agit d'un parc national, protégé par décret présidentiel… Le travail d'entretien est si grand, surtout à l'approche de la saison estivale et tant d'efforts sont fournis pour éviter les incendies, semble se lamenter le fôrestier qui confiera que de rudes batailles se sont engagées parfois avec les services de l'armée pour ne pas laisser des pans entiers de forêt brûler. En attendant, des baigneurs barbotent sur les îles faisant face à la commune d'El Aouana. Des navettes font l'aller-retour entre la terre et l'ile. Le soir venu on n'est finalement pas surpris de voir des feux de camps se former sur l'île, gîte d'animaux en tout genre. Une aire marine protégée La côte jijelloise est bondée de monde. Toutes les plages ont été envahies par des Algériens venus des quatre coins du pays. De Biskra, Laghouat, Sétif, Tipaza, Alger, Tizi Ouzou, Boumerdes et bien d'autres des gens ont fait le trajet jusqu'aux abords de Jijel pour profiter de son bleu azur et de ses plages dénuées de toute forme de pollution. Sauf que cette fréquentation n'est pas sans conséquence sur ce littoral appartenant au parc national de Taza. La particularité du parc national de Taza situé dans la wilaya de Jijel réside dans le fait que ses vastes étendues de chêne-liège et de chêne-zen sont protégées par décret présidentiel de 1985 mais également de posséder également un front de mer de 9 km. L'une des rares réserves à avoir un débouché sur la mer et qui devra bénéficier prochainement d'une attention toute particulière. Une attention qui protégera le parc et ses atouts naturels mais également la population lors des saisons estivales. Le wali de Jijel, les formateurs des forêts de Kissir à El Aouana, le directeur du parc national de Taza mais également le directeur du Fonds mondial pour la Nature (WWF-MePan) ont lancé, courant juillet, le projet-pilote d'aire marine protégée au Parc national de Taza. Le projet fait suite au partenariat pour les grands écosystèmes de la Méditerranée en vue de la conservation de la biodiversité marine et côtière et le développement des aires marines protégées. Le projet qui devra durer 4 ans a pour but d'établir un diagnostic afin d'apporter des réponses sur les questions telles que l'activité de pêche et le tourisme balnéaire. Ces deux activités peuvent grandement porter préjudice à l'écosystème marin et pour qu'elles puissent avoir lieu sans risque pour la nature, il convient de découper le secteur en différentes zones. Par exemple, les zones de ponte ou les habitats et les herbiers pourront connaître des restrictions. Il s'agit là d'une forme de gestion visant à concilier développement et protection du littoral. C'est l'objectif même du plan d'aménagement côtier préconisé par WWF et qui consiste à répartir de façon intelligente les activités touristiques, halieutiques et de loisirs. Les zones devant servir d'étude sont concentrées entre le phare de Jijel jusqu'à la commune de Ziama Mansouriah, dans la wilaya de Bejaïa. Il faut savoir que MedPan Sud regroupe cinq autres projets-pilotes en Croatie, Lybie, Turquie et Tunisie et maintenant en Algérie. L'objectif du réseau est de favoriser les échanges entre les gestionnaires d'aires marines protégées.