« Cinecitta » du Tunisein Brahim Letaief est un vrai régal dans le divertissement en choisissant de mettre en scène les péripéties liées aux difficultés de produire un film et en choisissant comme protagonistes parmi ceux qui n'apparaissent habituellement pas à l'écran : le scénariste (Abdelmonem Chouayat) le producteur (Mohamed Ali Bendjama) et le chef opérateur (Mohamed Grayaa). Ceux-ci, las d'attendre l'approbation des commissions d'aide, décident de braquer une banque pour réaliser leur rêve. Cette scène est en elle-même un clin d'œil aux films de gangsters. Usant d'une technique pouvant être apparentée au procédé de mise en abîme de la littérature en racontant une histoire qui se joue en même temps, le réalisateur va multiplier les clins d'œil à l'histoire du cinéma et même de la télévision en passant des grands classiques du cinéma italien et américain aux contemporains, tels Roberto Benigni (La vie est belle) ou, pour la télévision, « prison break ».Ce film qui a pour sous-titre « 7 rue Habib Bourguiba » est un hommage à une ancienne salle de cinéma située sur la même rue, indique le réalisateur en réponse à une question sur la représentation de la société tunisienne dans le film. Pour lui, la Tunisie est omniprésente dans la manière d'être des personnages mais que, étant issu de cinéclubs d'une part et que son film traite justement de cinéma, il ne pouvait pas ne pas évoquer les poteaux indicateurs de l'histoire de cet art en se basant sur des scènes qui font désormais partie de la mémoire collective du spectateur ou téléspectateur tunisien avant tout. L'acteur Mohamed Ali Nahdi, présent au festival a estimé qu'il ne s'était jamais autant éclaté dans son rôle de voisin dans l'immeuble où l'équipe s'est installée, un acteur à la recherche d'un rôle qui va le propulser à Cannes. Pour rester dans les clins d'œil, la scène de la montée des marches du plus prestigieux festival de cinéma, un travail minutieux de superposition d'images, est aussi hilarante. « Je me réjouis que le public algérien ait réagi exactement de la même manière que le public tunisien, ce qui prouve que, autant la langue pratiquée par les acteurs que le langage cinématographique ont été compris de la même manière et donc partagés, se réjouit le cinéaste tunisien qui a exprimé l'espoir que les pays du Maghreb (en particulier) puissent se doter un jour d'une véritable industrie du cinéma. L'autre film, égyptien, projeté ce même jour est une œuvre de Mahmoud Kamel qui a imaginé une maladie « imaginaire », la perte cyclique de la mémoire suite à une opération chirurgicale, pour habiller la trame de son récit, une histoire d'amour. Là, nous sommes dans les quartiers huppés du Caire mais l'histoire est détachée de tout contexte social, même pas celui de la classe aisée égyptienne. A chaque crise, le protagoniste (Tim Hassen) doit réapprendre à vivre, à reconstruire son univers et ses relations. Son seul salut réside dans le fait que, architecte de formation, il sait toujours dessiner des plans, comme un enfant sait construire des maisons avec un jeu appelé en Egypte Mikano (d'où le titre du film), ce qui arrange les affaires de son frère (Khaled Assaoui) qui utilise ses dons pour gagner leur vie à deux mais qui, en le cachant aux yeux du monde, doit supporter une double vie, lourde de mensonges. Quant Amira (Nour) entre en scène, avec son propre passé, l'édifice s'écroule mais en même il libère chacun d'eux en leur faisant assumer leurs choix respectifs. Cette focalisation sur une intimité qui ne touche même pas du doigt une quelconque maladie rare, fait dire au réalisateur qu'il a expérimenté des rôles de composition. Une thèse difficile à admettre sauf si on considère comme telle la profusion de gros plans sur des visages angéliques hyper maquillés.