Le roi Fahd d'Arabie Saoudite est décédé, hier, à l'âge de 84 ans, après avoir régné pendant près de vingt ans. Le prince héritier Abdallah Ben Abdel Aziz Al Saoud, son demi-frère, lui succède. Le ministre de la Défense, sultan Ben Abdel Aziz Al Saoud, accède, pour sa part, au statut de prince héritier. Hospitalisé fin mai dernier, le monarque saoudien était gravement malade depuis une dizaine d'années. Le pouvoir était exercé de facto par le prince Abdallah, âgé de 82 ans. La santé du roi Fahd a commencé à se détériorer depuis une embolie cérébrale subie en 1995. Le roi Fahd a accédé en 1982 au trône de l'Arabie Saoudite, un pays qui détient les réserves de pétrole les plus importantes du monde et est le premier exportateur de brut. Né en 1921, le roi Fahd était le huitième fils d'Abdel Aziz Ben Saoud, le fondateur du royaume. Il était devenu prince héritier en 1975 lors de l'accession au trône de Khaled, à la suite de l'assassinat du roi Fayçal. Dès son arrivée au pouvoir, le roi Fahd s'est posé en leader du monde islamique. Il a commencé par se donner, en 1986, le titre de gardien des deux Lieux Saints de l'islam, La Mecque et Médine. De l'Afghanistan, alors occupé par les troupes soviétiques, au Maghreb, en passant par l'Afrique, il joue la carte financière pour contrer le communisme ou soutenir des mouvements islamistes, avec l'aval public ou tacite des Etats-Unis. Mais contrairement à ses espérances, son règne ne sera pas de tout repos. Il aura été marqué par une chute spectaculaire des cours du pétrole et deux guerres du Golfe. Le roi Fahd aura aussi à subir le retour de manivelle de certains de ses choix. En particulier celui ayant consisté, durant les années 1980, à encourager les mouvements islamistes dans le monde dans la mesure où son pays finira également par être confronté au terrorisme d'Al Qaîda. Ainsi, la dégringolade de 20% des cours du brut le contraint à engager des réformes économiques, notamment des coupes claires dans les subventions publiques. Il se consacre aussi à développer la puissance militaire du royaume en dépensant, entre 1985 et 1991, plusieurs dizaines de milliards de dollars. Mais en dépit de cet investissement, les forces armées du royaume ne sont pas de taille pour faire face, en 1990, à la menace irakienne. Après l'invasion du Koweït par l'Irak de Saddam Hussein, en août 1990, Fahd prend la décision « historique » d'autoriser le déploiement de troupes américaines dans son pays, berceau de l'islam et qui abrite les deux Lieux Saints les plus importants de cette religion. La guerre du Golfe, en 1991, et l'arrivée des troupes de la coalition anti-irakienne sur le territoire saoudien commencent alors à briser, selon les spécialistes de l'Arabie Saoudite, les tabous d'une société fondée sur le wahhabisme. Mais le mécontentement monte sur fond d'immobilisme politique et de crise financière due au faible niveau des cours du pétrole et à la facture de la libération du Koweït. Dans l'espoir de prévenir toute agitation des islamistes, Fahd décide en 1992 de lancer les premières réformes politiques de l'histoire du royaume. Mais l'alliance militaire avec Washington a provoqué la colère des fondamentalistes, notamment des jeunes Saoudiens qui, comme Oussama Ben Laden, sont rentrés triomphants d'Afghanistan après avoir combattu l'Armée rouge. A partir de 1995, des soldats américains périssent dans des attentats à Riyad. Depuis mai 2003, les attentats revendiqués par Al Qaîda se sont multipliés sur le sol saoudien. Une quarantaine de policiers et plus de 100 activistes islamistes ont péri depuis cette date. La répression déclenchée par les autorités a contribué à atténuer la forte tension avec les Etats-Unis née des attentats du 11 septembre 2001, dont 15 des 19 auteurs étaient des Saoudiens. Mais le problème du terrorisme est encore loin d'être réglé par Riyad. Devant cette donne, il est évident que le choix de la modernité et de la démocratie est inévitable pour l'Arabie Saoudite et son nouveau roi.