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Des failles dans des relations exemplaires
ETATS-UNIS-ARABIE SAOUDITE
Publié dans L'Expression le 20 - 08 - 2002

Les rapports entre Washington et Riyad se détériorent de jour en jour et glissent vers le bas.
Des proches de la famille royale saoudienne sont directement visés par des plaintes en rapport avec les attentats de New York et de Washington du 11 septembre 2001. A première vue, ces plaintes, déposées jeudi dernier par les avocats des familles des victimes des attentats du 11 septembre, relèvent de la stricte pratique judiciaire.
Cependant, en est-il réellement ainsi lorsque l'on note que parmi les nombreuses organisations ou entités et individus touchés par ce recours auprès de la justice figurent, en particulier (outre l'Etat soudanais et de nombreuses banques saoudiennes et émiraties), trois princes de la famille régnante saoudienne? Quand l'un de ces princes n'est autre que le sultan Ben Abdelaziz Al Saoud, ministre de la Défense saoudien, il y a alors lieu de s'interroger, d'autant plus qu'il est accompagné sur le banc d'infamie des princes Turki Al Fayçal Al Saoud, ancien chef des services secrets saoudien, et Mohammed Fayçal Al Saoud, directeur de l'importante banque financière Faisal Islamic Bank. Aussi, l'implication de princes de l'entourage de la famille royale minimise de fait le caractère judiciaire de cette plainte pour lui donner une connotation politique qui va au-delà du seul souci de faire payer les éventuels «commanditaires» du terrorisme international. Ainsi, nonobstant sa situation particulière, il est à tout le moins curieux que le prince Sultan se voit accusé de soutenir le terrorisme international, et plus singulièrement d'être l'un des financiers de la nébuleuse Al-Qaîda d'Oussama Ben Laden. Ce qui lui ferait endosser une certaine responsabilité dans les attentats contre les Etats-Unis. La paranoïa américaine va-t-elle jusqu'à ne plus distinguer entre ses amis et ses ennemis? Cela d'autant plus que le prince Sultan fait partie du premier cercle du roi régnant et, en tant que ministre de la Défense, principal interlocuteur des Etats-Unis.
Cette dégradation dans les relations entre Washington et Riyad s'explique d'autant plus mal que les Etats-Unis mettaient beaucoup d'espoirs dans le soutien du royaume Saoudien à l'attaque qu'ils projettent contre l'Irak. Peut-on, en effet, demander à l'Arabie saoudite de souscrire à ce projet d'attaque contre l'Irak lorsque le numéro trois du royaume est mis à l'index dans une affaire de terrorisme? Cependant, le refroidissement des rapports entre Washington et Riyad ne date pas seulement de ces derniers évènements qui, à la limite, peuvent être assimilés à un autre moyen de pression contre Riyad. De fait, après le 11 septembre, l'Arabie Saoudite a fait l'objet d'une virulente campagne menée par la presse américaine qui, faisant semblant de découvrir la nature intégriste du pouvoir wahhabite, l'a accusée, sans nuance, de soutenir le terrorisme international. En réalité, la détérioration des rapports entre les deux pays fait suite aux velléités de Riyad d'alléger la présence militaire américaine en territoire saoudien. Voeux exprimé directement par le prince Sultan à son homologue de l'Administration Bill Clinton, William Cohen, en septembre 2000. Quelques semaines avant la prise de fonction de l'administration républicaine du président élu George W.Bush. Certes, ce dernier a fait de l'élimination de Saddam Hussein son objectif prioritaire au Moyen-Orient. Mais qui a réellement intérêt à envenimer des relations déjà marquées par la suspicion, notamment dans le difficile contentieux proche-oriental ou l'Administration Bush, prenant ostensiblement fait et cause pour Israël, est allée jusqu'à rejeter le plan de paix présenté par le prince héritier Abdallah Ben Abdelaziz.
En fait, certaines parties de l'Administration Bush donnent l'impression de vouloir pousser au clash entre les deux pays, alors que Washington a encore besoin de la confiance de ses «alliés» des monarchies du Golfe. Bush, qui a déjà rayé Yasser Arafat de ses agendas et veut éliminer le président Saddam Hussein, ne semblant guère apprécier la probable accession du prince héritier Abdallah au trône saoudien, préparerait en fait une reconfiguration politique plaçant le Moyen-Orient sous la bannière étoilée avec un seul Etat réellement souverain: Israël. Le fait de trouver aujourd'hui l'Arabie Saoudite dans le collimateur américain peut être interprété comme un avertissement aux monarchies du Golfe, mais aussi un indicatif des limites d'indépendance que Washington compte laisser à des émirs et rois qui contestent la politique de Bush au moins sur deux points: le dossier palestinien et la menace d'attaque contre l'Irak. Au Moyen-Orient, c'est à une véritable entreprise de «pacification» que se livre l'Administration américaine qui veut mettre tous les régimes arabes au pas. Le soutien sans nuance au criminel Ariel Sharon, bourreau du peuple palestinien, le rejet du plan de paix au Proche-Orient du prince héritier Abdallah, l'obstination à vouloir changer le régime d'un Etat souverain, sont autant d'indices qui montrent que le président Bush, qui fait peu cas du droit international et des notions de souveraineté des Etats, veut imposer la totale hégémonie américaine sur le Moyen-Orient arabe.


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