Congrès du CME Montréal a accueilli du 12 au 16 septembre le XXIe Congrès mondial de l'énergie. Cette rencontre regroupe 3500 dirigeants issus de tous les secteurs de l'énergie et 300 exposants. Contrairement aux rencontres de l'agence internationale de l'énergie AIE (qui défend exclusivement les intérêts des pays de l'OCDE) ou celles de l'OPEP (qui défend exclusivement les intérêts des pays exportateurs de pétrole), la mission du CME est de «promouvoir l'approvisionnement et l'utilisation durable de l'énergie pour le plus grand bénéfice de tous ». Au Congrès de Montréal 2010, plus de 200 conférences sont prévues et chaque journée sera consacrée à l'un des 4 thèmes suivants : – Répondre à la demande d'énergie : un enjeu planétaire demande des solutions planétaires – Quel serait le système énergétique le plus adéquat pour assurer une stabilité à long terme? – Des solutions énergétiques pour une planète vivante – Politiques, réglementations et financements. Bilan sommaire de l'énergie Aujourd'hui, à l'échelle de la planète, les 12.5 Gigatep d'énergie consommée sont à plus de 80% d'origine thermique. Malgré les immenses progrès dans le développement de nouvelles sources d'énergie propres et renouvelables, la situation ne devrait pas changer sensiblement, du moins pas pour les deux prochaines décennies. Les lignes qui suivent présentent un état actuel des lieux et des perspectives qui se dessinent. Pétrole Le règne du roi pétrole comme 1re source d'énergie a commencé il y a un demi-siècle et sa royauté sera maintenue encore au moins un quart de siècle, avec une production mondiale qui dépasserait alors 100 Mb/j dont l'OPEP assurera plus des 2/3, contre moins de 40% actuellement. De prime abord, malgré la polémique entre géologues et économistes sur le pic pétrolier et les « ajustements comptables «prouvés que font certains pays et multinationales pétrolières, la raréfaction du pétrole est très improbable avant le milieu du présent siècle. Par contre, la baisse des réserves peut devenir préoccupante après 2030, même si de toute évidence, le pétrole lourd et les progrès technologiques arriveront à la rescousse. Ainsi, les réserves récupérables de pétrole lourd de l'Orenoque (Venezuela) et de l'Athabasca (Canada) sont si importantes qu'on les compare avec celles du Moyen-Orient. De plus, c'est désormais dans un horizon prévisible, que l'on commence à envisager un recours aux schistes bitumeux et aux procédés de liquéfaction du charbon. Mais, les nouvelles lois environnementales et, surtout, la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre conduiront inévitablement à limiter l'utilisation de ces différents pétroles non conventionnels à très forte intensité carbonique. Après 2050, il est évident que l'épuisement des réserves pétrolières est inexorable, ce qui rend inéluctable la transition préalable et progressive vers des sources d'énergie alternatives. A ce propos, on peut dire qu'à quelque chose malheur est bon et que la hantise suscitée par la dernière hausse des prix du pétrole est salutaire, dans la mesure où elle a mis fin à la léthargie quasi systématique, entretenue par une offre jusqu'ici plus que suffisante et par des prix du pétrole qui sont encore inférieurs à leur niveau du lendemain du 2e choc pétrolier (1980). Gaz Son émergence a commencé avec les deux chocs pétroliers, entraînée par la «ruée sur le gaz» pour la production décentralisée d'électricité. L'autre avantage est que cette source pollue deux fois moins que le pétrole et le charbon. C'est pourquoi, on considère à juste titre, que toute part du marché gagnée par le gaz au détriment de la filière thermique au charbon ou pétrole est une contribution somme toute positive à la préservation de l'environnement. Les réserves mondiales de gaz ont régulièrement augmenté et, de nos jours, le ratio réserves/production dépasse 60 ans. Par contre, en Amérique du Nord, les réserves de gaz conventionnel sont très limitées, de l'ordre de 10 ans. C'est pour cela que l'on a assisté à une floraison de près de 40 projets de terminaux méthaniers pour importer du gaz naturel liquéfié (GNL), dont 8 au Canada. Pendant que les grands acteurs et autres majors énergétiques étaient obnubilés par la recherche d'un approvisionnement sûr (Russie, Qatar, Afrique…), la production de gaz naturel non conventionnel (essentiellement gaz de schistes) par de petits acteurs a connu un essor colossal qui a bouleversé l'équilibre gazier dans le monde et l'effondrement des prix. Aujourd'hui, alors que les Etats-Unis sont redevenus le 1er producteur mondial et que le territoire nord-américain est encore loin d'être totalement prospecté, on parle déjà de réserves de 100 ans. A date, il se dessine clairement qu'eu égard à la prolifération des découvertes de gaz de schistes, la majeure partie des projets de terminaux méthaniers, y compris ceux du Québec (Rabaska et Cacouna) seront vraisemblablement abandonnés. Charbon Malgré son glorieux passé, le charbon est encore considéré comme la mal-aimée des énergies car très polluant. Pourtant, toutes les projections montrent qu'il est indispensable pour la planète à long terme, car stable sur le plan géopolitique et abondant, avec plus d'un siècle de réserves. Aussi, les pays charbonniers sont autarciques et les deux plus grandes puissances énergétiques tirent la majeure partie de leur électricité à partir du charbon, avec 50% pour les Etats-Unis et 80% pour la Chine. Fait important, depuis le début du nouveau millénaire et l'augmentation du prix du pétrole, la part relative du charbon comme source d'énergie a connu une augmentation substantielle, ce qui suscite à juste raison l'inquiétude des environnementalistes. Néanmoins, des percées majeures de la technologie sont en train de changer la donne, surtout avec les nouvelles techniques de capture et de séquestration du CO2 qui, sans être forcément la panacée, peuvent contribuer à réduire substantiellement le niveau de pollution des 5000 centrales thermiques au charbon et au gaz qui émettent plus de 10 Gigatonnes de CO2éq. Nucléaire Le développement de la filière nucléaire a commencé après le 1er choc pétrolier et son indéniable succès peut être illustré par l'exemple de la France qui a atteint une indépendance énergétique de 50 %. Aussi, des améliorations significatives ont été apportées dans le fonctionnement et la sécurité des centrales nucléaires, ce qui a permis d'allonger leur durée de vie. Aujourd'hui, le nucléaire représente environ 15 % de la production mondiale d'électricité et son utilisation représente un choix privilégié pour les pays asiatiques en développement dits à économies émergentes. Mais, les accidents de Three mile Island (États-Unis) et, surtout, celui de Tchernobyl (Ukraine) ont sérieusement compromis le développement du nucléaire dans le futur. D'ailleurs, aucune nouvelle centrale nucléaire n'a été construite aux États-Unis depuis 25 ans et aucune en Europe occidentale (abstraction faite des projets finlandais et français) et au Canada depuis plus de 10 ans. Aussi, la gestion des rejets radioactifs et le risque de prolifération nucléaire ne permettent pas de considérer cette énergie comme durable. Mais, l'intérêt stratégique de l'énergie nucléaire ne peut être renié, de même que sa capacité à réduire les émissions de GES. Par contre, on peut légitimement se poser des questions sur l'intérêt économique de développer cette filière, sans subventions. C'est probablement dans les années à venir que le débat sur la place du nucléaire dans une perspective de développement durable prendra de l'importance. On ne peut évidemment parler du futur sans évoquer le projet international Iter, un réacteur expérimental qui permettrait au monde de maîtriser la fusion nucléaire, et non la fission comme c'est le cas aujourd'hui avec les centrales nucléaires classiques. L'immense attrait de la fusion s'explique par la possibilité de produire une très grande quantité d'énergie avec moins de matières premières et sans rejet de déchets radioactifs de très longue durée. Néanmoins, les défis techniques sont encore immenses et le développement de cette filière ne pourrait se faire avant le milieu du présent siècle. Énergies renouvelables Parmi les énergies renouvelables, c'est, de loin, l'hydroélectricité qui tient encore le haut du pavé puisqu'elle permet de produire plus de 16 % de toute l'électricité générée. Aussi, il reste encore un bon potentiel hydroélectrique à développer en Chine, Canada, Brésil, Congo. Mais depuis un quart de siècle, l'énergie éolienne est la source qui connaît la plus forte croissance dans le monde, de plus de 25 % par an. D'ambitieux programmes de développement de la filière éolienne ont été lancés dans presque tous les pays du monde, avec l'émergence particulière d'abord de l'Europe (Allemagne, Espagne, Danemark), puis du couple énergétiquement infernal Chine-USA, ces dernières années. L'énergie éolienne est encore appelée à continuer à se développer à un rythme très élevé, pouvant même atteindre 3000 TWh en 2020, soit 12 % de la demande mondiale d'électricité. L'énergie solaire n'a pas encore connu l'essor de l'éolien. Néanmoins, le marché est en pleine croissance, de plus de 25 % et des programmes incitatifs initiés (Allemagne, Espagne, Japon, États-Unis…) ont permis d'atteindre des puissances installées de plus en plus notables. C'est incontestablement la source qui présente les meilleures perspectives et qui fait le plus rêver. Il y a de quoi pavoiser quand on sait que si on arrive à récupérer seulement 1 % de l'énergie incidente du soleil sur les déserts de notre planète, cela suffirait pour faire face à 5 fois les besoins énergétiques de toute la planète Terre. D'autres sources d'énergie renouvelable, à l'image du géothermique, de l'énergie marémotrice… connaissent également un essor remarquable, mais les puissances en jeu ne sont pas de nature à peser dans la balance énergétique globale. Quant au développement de l'hydrogène, du stockage et des piles à combustible, leur avenir est encore incertain, tributaire du bilan carbone et d'une hypothétique percée scientifique dans les matériaux. Efficacité énergétique Il est incontestable que la meilleure des énergies est celle que nous économisons par l'introduction de nouvelles technologies. Dans le domaine du génie électrique et depuis plus de 10 ans, nous sommes acteurs et témoins de l'immense économie d'énergie que peut introduire l'usage de moteurs électriques à très haut rendement. Il faut spécifier que les moteurs consomment plus de 60 % de l'électricité industrielle et une amélioration de 1 à 3 % de leur rendement a un impact économique incommensurable, sachant qu'il y a plus de 35 millions de moteurs en fonctionnement juste en Amérique du Nord. Une loi avant-gardiste votée par le Sénat étasunien va rendre obligatoire l'usage de ces moteurs à très haut rendement à partir du 19 décembre 2010; le Canada suivra en janvier 2011 et l'Europe en juin 2015. Le leadership nord-américain dans l'économie d'énergie dans les entraînements électriques a été permis grâce à des mesures incitatives et…législatives. C'est le passage obligé. Énergie et pays pauvres On ne peut parler de l'énergie dans le monde sans rappeler que pas loin du quart de l'humanité n'a pas accès à l'énergie quand, dans le même temps, c'est cette même population qui serait la plus affectée par les changements climatiques provoqués par la consommation débridée de cette énergie. Gageons que cette lapalissade serait de nouveau réaffirmée plusieurs fois à Montréal. Conformément à l'esprit des congrès du CME qui est de s'assurer que le monde dispose de l'énergie dont il a besoin pour se développer, le vrai gage serait de présenter des pistes de solution pour que les pays développés versent des arrhes, eu égard à leur dette climatique. Des financements de projets dans l'énergie solaire peuvent constituer un créneau par excellence à privilégier.