En signant un accord de cessez-le-feu avec le Premier ministre israélien, Ariel Sharon, mardi, à Charm El Cheikh, en Egypte, le président palestinien, Mahmoud Abbas, ne s'attendait sûrement pas à ce que la fragile trêve qui en a découlé soit aussi rapidement mise à l'épreuve. En effet, dès mercredi soir, les obus de mortier ont commencé à s'abattre sur plusieurs colonies de peuplement juif de la bande de Ghaza et en territoire israélien. Les dizaines d'obus de fabrication artisanale, qui n'ont pas fait de victimes parmi les Israéliens, ont continué à tomber jeudi. Ces tirs ont été revendiqués par le mouvement radical Hamas qui, dès la clôture du sommet, avait annoncé ne pas être tenu par ses résultats, reprochant à Abou Mazen de ne pas avoir coordonné ses prises de position avec les différents mouvements palestiniens. Sami Abou Zohri, porte-parole du mouvement, était clair à ce propos (voir El Watan du 10 février 2005). « Nous considérons que la déclaration de cessez-le-feu bilatéral ne concerne que l'Autorité palestinienne, car il était convenu que tout accord devait être discuté entre l'Autorité palestinienne et les différents mouvements palestiniens, ce qui n'a pas été fait. » D'autres mouvements palestiniens ont aussi revendiqué ces attaques contre les colonies israéliennes. A la suite de ces tirs, une rencontre prévue jeudi entre Dov Weisglass, conseiller de Sharon, et Saëb Erekat, ministre palestinien chargé des négociations, a été reportée. « Ces tirs sont une violation grossière du cessez-le-feu et doivent stopper », a indiqué dans un communiqué Sharon, qui a convoqué son cabinet restreint pour examiner la situation dans la bande de Ghaza. L'on relèvera que les Etats-Unis ont réaffirmé jeudi leur « ferme soutien » au président palestinien. « Nous ne concluons pas sur la base de cette attaque qu'il y a un manque de volonté ou de détermination de la part du président Abbas » pour faire cesser les violences, a déclaré le porte-parole adjoint du département d'Etat, Adam Ereli. Il a également indiqué que Washington comprenait que l'accord de Charm El Cheikh (Egypte) soit difficile à mettre en œuvre rapidement. Par ailleurs, jeudi, à l'aube, un grave incident s'est produit à la prison centrale de Ghaza, où des dizaines d'hommes armés ont réussi à pénétrer et se faire justice eux-mêmes, en tuant trois détenus, responsables de l'assassinat de certains membres de leurs familles. A noter que dans cette prison, cet incident n'est pas le premier du genre. Avec la disponibilité d'armes à feu entre les mains des citoyens de la bande de Ghaza, les conflits personnels dégénèrent rapidement en actes violents, très fréquemment mortels. Plus de 50 personnes jugées et condamnées à mort par les tribunaux attendent leur exécution, qui selon les familles de leurs victimes tarde à venir. Ces familles accusent l'autorité d'un manque de fermeté envers les assassins, ce qui les pousse à agir de la sorte. Ajouté aux attaques contre les colonies israéliennes, cet incident semble avoir mis le président palestinien en colère. « Le président Mahmoud Abbas a donné des instructions fermes aux services de sécurité d'assumer pleinement leurs responsabilités et de faire face à toute violation de l'accalmie », convenue entre lui et les différents groupes palestiniens, selon un communiqué de son bureau. Dans le même élan, il a révoqué trois hauts responsables sécuritaires dont le général Abdelrazak El Majaida, chef de la sûreté nationale dans la bande de Ghaza et en Cisjordanie ; le général Omar Achour, chef de la sûreté nationale au sud de la bande de Ghaza et le général Saeb El Aajez, chef de la police. Ce dernier a déclaré qu'il a présenté sa démission suite à l'incident de la prison. Cette fermeté montre à quel point le président palestinien est décidé de continuer sur la voie qu'il s'est tracée, celle du règlement du conflit israélo-palestinien par le biais des négociations. Il souhaite seulement que les Palestiniens lui fassent confiance. Dans ce contexte marqué par la précarité et souvent l'incompréhension, le président Mahmoud Abbas était attendu hier à Ghaza pour des discussions avec les mouvements radicaux afin de les persuader de respecter l'« accalmie » qu'il avait convenue avec eux fin janvier. « Le président Abbas va rester quelques jours à Ghaza pour rencontrer les différentes factions, dont le Hamas et le Jihad islamique, et tenter de consolider l'accalmie », a déclaré un responsable de son entourage parlant sous couvert de l'anonymat. Le Hamas affirme vouloir respecter l'« accalmie » convenue avec le président de l'Autorité palestinienne tout en se réservant le droit de riposter à toute « agression israélienne ». Son porte-parole, Sami Abou Zouhri, a ainsi affirmé hier que les tirs d'obus de mortiers étaient une riposte à la mort jeudi d'un Palestinien grièvement blessé la veille par des tirs de l'armée israélienne dans le sud de la bande de Ghaza. « Notre position consiste à préserver l'accalmie jusqu'à l'annonce de notre position définitive en ce qui concerne une éventuelle trêve et cela n'aura pas lieu avant notre rencontre avec Abou Mazen (surnom de M. Abbas) », a-t-il toutefois ajouté. « Nous voulons qu'ils nous informe de ce qui s'est passé au sommet de Charm El Cheikh et réponde à nos interrogations », a-t-il ajouté. Khader Habib, un responsable du Jihad islamique a également affirmé que le mouvement arrêtera sa position concernant une éventuelle trêve après la rencontre avec M. Abbas. Autant dire que M. Abbas n'aura pas la partie facile. Bien au contraire, des provocations ne sont toujours pas à exclure. Surtout du côté israélien qui doit prouver sa bonne foi.