Le Premier ministre israélien Ariel Sharon adore mettre dans l'embarras la direction palestinienne, à sa tête le modéré président, Mahmoud Abbas. C'est cet amer constat qui a découlé de la rencontre des deux hommes, mardi, à Jérusalem-Ouest. Sharon n'a rien accordé à ses interlocuteurs. Zéro sur toute la ligne. Tout ce qui pouvait conforter un tant soit peu la direction palestinienne et son président auprès de l'opinion publique et des mouvements palestiniens a été crûment et durement refusé. Pas de libération proche de prisonniers. Pas de retrait israélien des villes palestiniennes de Cisjordanie occupée. Pas de réponse concrète sur le devenir de la colonisation et du mur de séparation raciste érigé par Israël dans cette portion des territoires palestiniens occupés. Pas de réponse sur le devenir de la ville sainte d'El Qods. « C'était une rencontre difficile et n'a pas été à la hauteur de nos attentes ni celles des Arabes et de la communauté internationale », a déclaré le Premier ministre palestinien Ahmad Qorei, qui a participé au sommet. La réunion des deux délégations, dans la résidence du Premier ministre israélien, s'est déroulée dans un climat tendu. Sharon a donné le ton dès le début, en critiquant sévèrement, vingt minutes durant, le peu d'efforts fournis, selon lui, par les services sécuritaires palestiniens dans la mise au pas des mouvements palestiniens armés, dont il exige le démantèlement pur et simple. Le chef des Travaillistes à la Knesset (Parlement), Ephraïm Sneh, a carrément accusé M. Sharon d'avoir délibérément refusé de renforcer l'autorité de M. Abbas en restant sourd aux demandes que celui-ci a formulées lors de la rencontre, notamment en ce qui concerne la libération de détenus et le transfert aux Palestiniens du contrôle sécuritaire de villes de Cisjordanie. Sharon « n'a aucune intention d'aller de l'avant dans le processus de paix après le retrait de Ghaza, et c'est pourquoi il ne tient pas vraiment à ce qu'Abou Mazen (Mahmoud Abbas) reste en place », a déclaré le député à la radio publique. « Si nous n'allons pas au devant de ses demandes, il s'affaiblira encore plus face au (mouvement radical islamiste) Hamas. Il faut l'aider plutôt que lui faire la leçon », a-t-il ajouté en faisant allusion aux exigences répétées de M. Sharon. Sachant que le résultat inéluctable d'une telle démarche est l'installation, pour longtemps, de la guerre civile dans les territoires palestiniens, le Premier ministre de l'Etat hébreu entreprend d'énormes pressions en ce sens sur le président palestinien Mahmoud Abbas, qui, pour sa part, résiste bien, en refusant d'entreprendre des actions armées contre les militants palestiniens. « Arrêtez le terrorisme d'abord et on parlera après du transfert de villes et de la libération de prisonniers », aurait lancé Sharon à ses interlocuteurs. Abbas a, pour sa part, affirmé avoir « tout fait » pour préserver la trêve et « n'a pas un mandat du peuple » pour désarmer les mouvements palestiniens, comme le réclame Israël. A la fin de leur rencontre, les deux hommes n'ont pas tenu de conférence de presse conjointe. Parlant lors d'une réunion publique après le sommet, Sharon a exigé « la fin totale du terrorisme » pour appliquer la Feuille de route, le dernier plan de paix international qui prévoit la création d'un Etat palestinien indépendant. « Pour le bien des deux parties, nous avons décidé que le retrait se ferait en coordination totale avec les Palestiniens », a-t-il ajouté en référence au retrait prévu de la bande de Ghaza, ajoutant qu'il « ne tolérera pas » qu'il se fasse sous le feu des organisations radicales palestiniennes. Il a menacé les Palestiniens d'une grande et dure opération militaire en cas de perturbation du retrait israélien par les militants palestiniens. Une nouvelle flambée de violence est à craindre après les résultats négatifs de cette réunion au sommet. Ses prémices sont apparues déjà durant les jours précédents, avec plusieurs actions ayant entraîné mort d'hommes des deux côtés. Dans ce cas, on assistera à la fin de la fragile trêve conclue entre Sharon et Abbas à Charm El Cheikh, en Egypte, le mois de février dernier. Les conclusions de cette réunion sont multiples. Dans les plans de Sharon, les Palestiniens ne peuvent être considérés comme des partenaires. Israël continue d'appliquer sa politique du fait accompli. Aucune pression sérieuse n'a été entreprise par la communauté internationale sur le gouvernement israélien afin qu'il modifie un tant soit peu sa politique expansionniste. Les règlements politiques, tels que la Feuille de route, n'ont pas de place dans l'agenda du Premier ministre israélien. Tout ceci amène à considérer que Palestiniens et Israéliens se dirigent lentement, mais sûrement, vers un avenir sombre, où la paix et la sérénité ne peuvent avoir de place.