Les œuvres de l'écrivain et journaliste palestinien Ghassan Kanafani, mort à 36 ans à Beyrouth en 1972 après un attentat à la voiture piégée, demeure toujours d'actualité. La nouvelle Aaid ila Haïfa (le retour à Haïfa) a été écrite au début des années 1970. Elle a été, entre autres, adaptée par la compagnie théâtrale jordanienne Toukous. Le monodrame, joué par le comédien jordanien, Ghenam Ghenam et mis en scène par Yahia El Bechtaoui, a été présenté, dimanche soir, à la salle Hadj Omar, au Théâtre national Mahieddine Bachtarzi, à la faveur du deuxième Festival international de théâtre d'Alger (FITA) qui se tient jusqu'au 25 octobre. Le public est plongé dans «le spectacle» dès l'entrée à la salle. Saïd, le père de Khaled, accueille les présents, supposés venir lui présenter leurs condoléances. Il serre la main à tout le monde avec un franc «aâdama Allahou adjrakoum». Dans la salle, le Coran est récité et le public est invité à prendre place sur des chaises installées sur scène. Saïd a perdu son jeune fils, Khaled, décédé dans les prisons israéliennes. Khaled voulait être résistant. «L'armée israélienne l'a tué. Les frères palestiniens, qui s'entretuent, ont également participé à l'exécuter», crie Saïd. Le texte a été revu pour l'adapter à la situation actuelle. La guerre froide entre le Hamas à Ghaza et l'Autorité à Ramallah est perçue comme un facteur participant à l'éloignement de toute solution au problème palestinien. Saïd et Safia, son épouse, ont perdu leur fils aîné Khaldoun à Haïfa en avril 1948 après le débarquement des troupes britannique et la création d'Israël. «Un bateau britannique nous a pris à Akka (Acre). On nous a installés non loin d'une prison», se rappelle Saïd. Il est relayé par la célèbre chanson Min sijn akka talâat janazah (une procession funèbre est sortie de la prison d'Akka). Il vivra dans la douleur de l'enfant perdu. L'enfant ? Le pays ? La terre ? Khaldoun naîtra loin de Haïfa, ses arbres, sa baie et sa mer. Il sera pris en charge par une famille juive et deviendra soldat israélien. Saïd et Safia ne perdent pas espoir de le retrouver. «L'homme n'est pas identité et passeport, l'homme est une cause», répondra Khaldoun qui parle hébreu et qui est convaincu de son identité. Saïd profite pour dénoncer les armées arabes qui «s'étaient effondrées devant les troupes israéliennes en six heures» lors de la Naksa de 1967. Un béret, une chaise, deux supports métalliques et un cadre ont suffi pour décorer une pièce qui aurait pu accepter tous les accessoires possibles ! Comme une rivière en crue, le conflit du Moyen-Orient a déjà traîné avec lui des morts, des vies, des espoirs, des attentes, des trahisons, des douleurs, des intrigues, des… Ghenem Ghenem a joué sincèrement le rôle du père éploré. Il était presque entièrement envahi d'émotions à la fin de la représentation. «Cette pièce est un retour sur une immense blessure», nous a expliqué Firas Khaled Erimouni, président de la compagnie Toukous, à la fin de la pièce. «Des grandes questions sont posées dans le texte de Ghassan Kanafani à la société palestinienne, au monde arabe et à la communauté internationale», a-t-il ajouté. Il a reconnu l'existence d'une distance entre le texte original et la pièce. «Beaucoup de choses ont été ajoutées pour s'adapter à l'évolution de la situation et au changement de contextes. Il y a une dénonciation claire des différends inter-palestiniens», a souligné Firas Khaled Erimouni. Selon lui, Aid ila Haïfa fait partie du théâtre de la résistance. «La culture est une arme. De même pour les valeurs esthétiques et philosophiques», a-t-il appuyé. Ce monodrame n'a pas encore été présenté à Ramallah ou à Ghaza. «Mais nous avons reçu une invitation pour le faire à Ramallah le mois prochain. Produit en 2009, ce monodrame a été présenté en Jordanie et aux Emirats arabe unis», a indiqué le président de Toukous. Créé en 2000, cette compagnie compte une quarantaine de comédiens. «Nous faisons beaucoup de recherches sur le patrimoine et sur l'anthropologie. Nous voulons offrir une nouvelle forme du théâtre», a relevé Firas Khaled Erimouni. Dimanche soir, la pièce Chadhaya (Fragements) du théâtre régional de Sidi Bel Abbès a été présentée. Conçue par Hassan Assous, cette pièce, élaborée à partir d'une composition de textes divers de Kateb Yacine, a décroché le grand prix de la cinquième édition du Festival national du théâtre professionnel en juin 2010. Hasta que la muerta nos separe («Jusqu'à ce que la mort nous sépare») de la compagnie argentine Mû et le monodrame allemand La jeune fille et la mort de Ulrike Duregger ont été présentées samedi soir au public du TNA. A consulter : http://www.masrahdz.com