A notre arrivée, nous avons été mis sous escorte. Nous étions tout contents, nous disant que cet accueil nous a été réservé pour le prestige de la Côte d'Ivoire. On ne savait pas que c'était pour nous enfermer au village des artistes. C'était une très belle cité, construite pour le festival. Il faut féliciter le gouvernement algérien, car la construction s'est faite en neuf mois. Mais les deux écrivains ivoiriens que nous étions, Maurice Bandama et moi-même, avons été mis dans ce complexe où il y avait des groupes folkloriques. Ce n'était pas notre milieu. Nous avons été abandonnés dans ce lieu, sans programme, sans radio, ni télé, rien. Je n'ai rien vu du festival. J'étais prisonnière dans une cité. Nous n'avons participé à aucun colloque, aucune rencontre. Nous n'avons rien vu. Même pas la cérémonie d'ouverture. C'est vers la fin que j'ai rencontré un écrivain centrafricain. Il y avait d'autres écrivains, mais ils étaient logés ailleurs dans d'autres cités ou dans des hôtels. Il y avait sûrement de nombreux écrivains algériens et plusieurs autres venant d'Afrique. Mais nous ne savons pas la raison pour laquelle nous avons été logés au village des artistes. Le ministre ivoirien de la Culture et de la Francophonie, Augustin Komoé, a joué son rôle en venant nous voir. A cette visite, nous lui avons présenté notre problème. Il était accompagné de ses conseillers, de Monsieur l'ambassadeur de la Côte d'Ivoire en Algérie, d'une Algérienne membre de l'organisation du Panaf'. Nous lui avons dit que depuis notre arrivée, il n'y avait rien pour nous. Nous n'avions pas de programme et nous ne savions pas où se trouvaient les autres écrivains. Il a reconnu que notre présence à cet endroit était une erreur et que les écrivains ne devaient pas être là. Dès leur arrivée, ils se sont rendu compte que ce n'était pas la place des écrivains, car il y avait beaucoup de bruit. Ils nous ont promis que dès le lendemain nous serions déplacés et nous aurions nos programmes pour participer effectivement au festival. Ils sont partis et plus rien n'a été fait. Nous avons été abandonnés. On était pris en charge. Il y avait la restauration. Mais c'était des cantines. De grands restaurants. 2000 festivaliers, c'était du monde. On faisait la queue sous le soleil pour aller manger. Mais ce n'était pas cela le plus difficile. Ce qui nous a frustrés, c'est le sentiment d'être venus pour rien. Nous devions participer comme dans tous les festivals à des colloques, des rencontres, des débats. Les rencontres ont eu lieu mais sans nous ! Nous étions à 40 km d'Alger, très éloignés. Les manifestations avaient lieu en dehors de ce complexe. Nous n'avons assisté à rien. Nous étions en prison, la cité étant fermée par des grilles, avec des vigiles et policiers à l'intérieur. On ne pouvait pas en sortir. On ne sortait qu'avec un guide ou en délégation pour une mission bien précise. Les jeunes danseurs (ivoiriens) qui étaient avec nous au village des artistes avaient leurs programmes. Ils allaient à Tizi Ouzou et dans d'autres villes. Certes, les organisateurs ont leur part de responsabilité, mais je pense que nos autorités auraient pu faire quelque chose pour nous aider. J'ai vu l'ambassadeur d'un pays africain organiser des manifestations avec sa délégation. Cela signifie que notre gouvernement ne s'est pas impliqué. Il savait que ses ressortissants étaient là. Nous avons signalé notre problème. En plus d'être écrivain, Maurice Bandama est maire d'une commune, il a été PCA de la RTI. Moi, je suis universitaire. Je suis écrivaine et je crois avoir fait mes preuves en matière de culture. On ne peut pas aller jeter des personnes comme nous quelque part sans s'occuper d'elles. Lorsqu'on vous déplace, c'est avec des frais de mission, des per-diem. On ne peut pas déconsidérer des personnes jusqu'à ce point. Les conseillers du ministre sont mes collègues. On ne peut pas nous rabaisser, c'est humiliant. Je crois que nous n'avons pas été respectés. J'ai vu le ministre en aparté en lui faisant cas de ce que nous n'avions pas reçu de frais de mission ni de per-diem. Il a rien fait me disant que nous étions pris en charge jusqu'au café. Il a dit avoir donné des instructions à Abidjan pour nous faire parvenir une somme forfaitaire et qu'il espérait que ce serait fait bientôt. Je crois que c'était pour nous endormir. Source : www.abidjan.net