Le président de l'ONSC reçoit l'écrivaine française Isabelle Vahé    L'Armée sahraouie cible des bases des forces d'occupation marocaines dans le secteur de Farsia    Conseil de la nation : poursuite des réunions du groupe de travail chargé de l'examen des deux avant-projets de loi relatifs aux partis et aux associations    Assises nationales sur le cinéma : le président de la République souligne la nécessité de sortir avec des recommandations permettant au cinéma algérien de retrouver son lustre d'antan    Jijel : Algerian Qatari Steel a exporté 700.000 tonnes de produits sidérurgiques en 2024    Mohamed Meridja distingué par l'Union africaine pour son engagement indéfectible envers le judo    Sonatrach prend part au Sommet économique et énergétique de la Libye    Assises nationales sur le cinéma : M. Ballalou met en avant le rôle de l'Etat dans la promotion du paysage culturel    Réhabilitation et extension du Barrage vert : des progrès satisfaisants concrétisés depuis la relance du projet    Conservation des forêts d'Oran : recensement des oiseaux migrateurs aquatiques dans huit zones humides    La 5e édition du "Ramadhan au Palais" du 4 au 26 mars au Palais des expositions    Oran : réception de la station de traitement des eaux usées d'Aïn El-Bia au second semestre 2025    Sport scolaire: création de dix ligues de wilayas dans le sud du pays    Le président de la République préside la cérémonie d'ouverture des travaux des assises nationales sur le cinéma    Guterres demande le retrait de l'armée sioniste du Liban "dans le délai convenu"    Ghaza: 9 martyrs et plusieurs blessés dans des bombardements de l'armée sioniste    Pétanque/concours national: la triplette de Tlemcen sacrée à El Oued    La Psy Ops Bruno Retailleau de l'establishment français contre l'Algérie    La BRI en coordination avec la Sûreté de daïra d'Aïn Madhi : « Deux dealers ont été mis hors d'état de nuire »    Un responsable sioniste annule les détentions administratives des colons illégaux    Le parti LFI trahi    Plusieurs taxes et redevances instituées        Démantèlement d'un atelier clandestin de confection de bijoux en or    Ligue des champions : Le MCA arrache la qualification aux quarts dans la douleur    Récupération de 8 têtes de cheptel volées    Deux trafiquants arrêtés avec 3.660 capsules de Prégabaline    Le handball national face à ses objectifs    Coupe de la Confédération (Simba SC- CSC) : Le Mozambicain Celso Armindo au sifflet    Caravane de formation sur les opportunités d'investissement et d'entrepreneuriat au profit des jeunes    Vers la création de grands pôles spécialisés dans la culture de céréales et de maïs en grain    Comment faire pour lire plus de livres ?    Journée nationale de la commune: un nouveau système de gestion des collectivités locales en 2025    Le Président Tebboune a reçu les responsables de médias    Le ministre présente ses condoléances suite au décès du Moudjahid Mohamed Hadj Hamou,    Frédéric Berger n'est plus        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



A la mémoire d'André Prenant
Publié dans El Watan le 17 - 12 - 2010

Sa mère, Lucie, était sévrienne et agrégée de philosophie ; sa sœur aînée, Jeannette Colombel, fut elle aussi philosophe, sartrienne et militante de la gauche de la gauche. Son père Marcel (1893-1983), était un biologiste renommé, professeur à la Sorbonne et au Collège de France, également à distance, d'une part de Mandel, de Lamarck et du darwinisme, et d'autre part de la « science populaire » lyssenkiste – entendons officielle soviétique. Il fut pourtant un ardent militant du PCF et un grand résistant, en Haute Saône, aux côtés de Pierre Durand, futur rédacteur en chef adjoint de L'Humanité. Devenu chef d'État-Major des FTP, il fut arrêté et déporté à Neuengamme en juin 1944.
Son fils André échappe de justesse aux agents nazis venus l'arrêter. Il rejoint au printemps 1944 le maquis d'Achères, près de Fontainebleau. Après le démantèlement du maquis, on le retrouve adjoint du colonel Fabien et résistant sur les marges Lorraine-Luxembourg-Belgique jusqu'à l'arrivée des forces américaines ; puis il suit jusqu'en Allemagne les destins de l'armée de Lattre. Jeune adhérent au PCF, baignant dans un milieu familial militant, André a été tôt engagé en politique. Il est après-guerre un inébranlable militant communiste, un temps aux côtés, entre autres, d'Annie Kriegel. Jeune militant, il distribue force tracts devant l'Institut de Géographie de Paris, à l'angle des rues Gay Lussac et Saint Jacques, où se trouvait naguère la bibliothèque Augustin Bernard, bien connue des chercheurs voués à l'étude du Maghreb.
André Prenant est reçu premier à l'agrégation de géographie en 1948. Géographe pur, on lui doit plusieurs écrits sur l'Algérie, du Constantinois à la région de Tlemcen, de la géomorphologie à la démographie. Il est, avec son aîné André Nouschi et son puîné Yves Lacoste, l'un des auteurs de L'Algérie, passé et présent [1], paru en 1960. Nonobstant la marque de fabrique communiste des Éditions sociales, ce livre, riche d'approches nouvelles, marque une étape décisive dans l'historiographie décolonisée de l'Algérie. Et pourtant, les auteurs avaient bataillé entre eux – le superviseur et préfacier Jean Dresch dut arbitrer notamment entre Nouschi et Prenant pour aboutir à la version définitive du tome 1. Mais le tome 2 qui devait suivre ne parut jamais – le public eut droit au passé, pas au présent : le PCF dut redouter que soient abordée ses positions relatives à la guerre d'indépendance algérienne, mise à jour la prégnance de sa stratégie de Front populaire et son cautionnement de l'engagement dans la guerre coloniale[2]. Et, aux temps premiers de l'Algérie indépendante, il aurait été, aussi, incongru de jeter un regard tant soit peu critique sur le jeune pouvoir algérien. Élargissant ultérieurement ses centres d'intérêt, André Prenant publie aussi en 1997 un livre remarqué, écrit avec Bouziane Semmoud, englobant Maghreb et Proche-Orient[3].
Sa thèse de doctorat, qui devait traiter de l'évolution démographique de l'Algérie, avait été entreprise sous la direction de Jean Dresch. Ce dernier lui fit bénéficier à partir de 1954, plusieurs années durant, de l'aide du CNRS. La thèse fut pourtant sans cesse ajournée et elle ne fut finalement jamais soutenue. André Prenant, sans cesse sur le qui-vive, toujours à la pointe de la recherche, avait d'autres chantiers plus immédiats – il fut entre autres conseiller de l'Algérie pour les recensements de 1966 et de 1977. Il eut aussi de douloureux soucis personnels/familiaux, qui durent s'ajouter aux tiraillements intimes que lui valaient ses convictions politiques affirmées.
Parmi les trois auteurs, tous originellement communistes, de L'Algérie, passé et présent, il est celui qui quitte le parti en dernier, probablement au moment où Georges Marchais est remplacé à sa tête par Robert Hue en 1984 – André Nouschi, lui, l'avait quitté dès 1948, Yves Lacoste en 1956. Malgré ses désaccords avec le parti, André Prenant resta au parti quatre décennies durant. Résolument dressé contre le coup d'État du 13 mai 1958, puis contre l'OAS, il fut aussi, dans une modestie qui répugne à l'auto-héroïsation, un opposant politique de la Ve république. Témoin sensible de l'intérieur, et dans la douleur, des blocages communistes, il fut à la fois internationaliste et Français de France.
A l'endroit du PCF, il voyait sans doute où le bât blessait, il savait concevoir, sinon formuler des critiques idoines de veine libertaire, tout en ployant sous la nécessité de leur incarnation par un parti proclamé révolutionnaire, fût-il aux antipodes de l'approche libertaire, et englué dans ses stratégies de pouvoir franco-françaises. André Prenant était de naturel entier et impulsif. Je l'ai rencontré une première fois à Alger en 1963. L'entrevue fut aigre-douce quand fut abordé l'anticolonialisme du PCF. J'eus alors le sentiment que, si André Prenant n'était peut-être pas sur le fond en désaccord avec ce que lui lançait le jeune effronté, il s'irritait qu'on en pût parler avec une ordinaire liberté de ton insoucieuse des dogmes et des monuments.
Épris de l'Algérie, il s'y rendit dès 1946. Il fut nommé professeur à Alger en 1949 ; il y enseigna jusqu'en 1953 au « petit lycée » de Mustapha – le lycée Gautier –, avant de rejoindre la Sorbonne comme assistant, et, in fine, l'université de Paris VII-Jussieu. Entretemps, il avait choisi de retourner à Alger où il enseigna à l'université de 1962 à 1966. Il fit partie de cette génération de « Pieds rouges », qui épousèrent alors les espoirs que l'Algérie indépendante suscitait de par le monde. Cela ne l'empêcha pas de formuler en privé des critiques sur l'appareil politique dirigeant, sa politique économique et sa phraséologie islamo-révolutionnaire. Je rencontrai André Prenant une deuxième fois, à Paris en 1992, alors que je codirigeais, avec Annie Rey-Goldzeiguer, le DEA Maghreb à l'université Paris III-Sorbonne nouvelle. Nous abordâmes alors la question de l'appareil de pouvoir qui enserrait l'Algérie. Il fut visiblement contrarié qu'un autre que lui s'essaie à cet examen critique : le jeune quadra que j'étais alors disait les choses crûment en essayant de les théoriser dans la lignée des réflexions de Max Weber sur la bureaucratie à domination légale et du Gramsci analyste des dégénérescences bureaucratiques – c'était il est vrai avant le climax de la décennie noire.
André Prenant ne cessa jamais, ni de tenter de promouvoir les liens entre Algériens et Français ni d'être attentif à l'Algérie. Il manifesta sa solidarité avec les opposants algériens persécutés, emprisonnés et torturés, dont les militants du PAGS, le parti communiste algérien clandestin ; cela alors que le PCF privilégia longtemps les relations avec un pouvoir d'État algérien qui à l'époque Boumediene se réclamait démonstrativement du socialisme, tout en travestissant la nécessaire arabisation au nom d'un Islam formel dogmatisé non moins démonstrativement en rituel identitaire réactionnaire.
Pendant la décennie noire, André Prenant critiqua à la fois le pouvoir algérien rentier de l'appareil militaire et l'islamisme militant, lequel provenait pour moi, certes des blocages et des ressentiments accumulés, mais aussi, volens nolens du moule d'un authentique obscurantisme d'État. Il y avait chez André Prenant une droiture militante, mais, devant se mouvoir entre plusieurs feux, elle était troublée dans la mesure où la réalité ne correspondait guère à ce qu'il avait pu rêver, à la ligne qui symbolisa si longtemps ses rêves : la butte témoin symbole de ses rêves était le Parti.
Mais, même après l'avoir quitté, il resta jusqu'au bout un homme de conviction actif, un franc-tireur courageux, un manifestant infatigable : le même militant, le même internationaliste, toujours français, toujours ami de l'Algérie, toujours promoteur des liens entre les deux rives de la Méditerranée. Ces rapports désormais se construiront sans lui mais, espérons le, dans l'inspiration que son engagement, toute sa vie durant, voulut leur donner.



------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
[1]Éditions sociales, Paris, 1960, 453 p.
[2] L'Humanitédu 28 février 1956 avait titré « Guy Mollet aux Algériens : guerre à outrance si vous ne déposez pas les armes ! ». Et le 12 mars, les 146 députés communistes votaient les pouvoirs spéciaux au gouvernement Guy Mollet.
[3]Maghreb et Moyen-Orient. Espaces et sociétés, Ellipse, Paris, 1997, 256 p.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.