Se produisant pour la première fois dans son pays, l'Algérie, à la salle Ibn Khaldoun d'Alger, Hasna El Bécharia est une chanteuse et guitariste à l'âme soul, diwan et rock. Interview-transe ! Le concert de la salle Ibn Khaldoun et votre toute première scène à Alger et en Algérie. Un non-sens... Oui, effectivement, je me produis pour la toute première fois à Alger sur une scène nationale. Je suis déjà venue à Alger, à l'âge de vingt ans pour animer un mariage et passer à la télévision. Mais on m'a rabrouée et découragée. Je ne suis plus revenue jusqu'à aujourd'hui (presque 30 ans après). On m'a promis des choses mais sans lendemains. A l'époque, j'avais emprunté 10 000 DA pour me rendre, ici, à Alger, à la radio. Je suis très émue et contente de jouer dans mon pays, l'Algérie. Je vois que vous avez des bouts de pansements sur tous les doigts. Ce n'est pas un effet d'attitude à la Michael Jackson ? Rires. Non, j'ai mal aux doigts et de me suis blessée jusqu'au sang en jouant du guembri. C'est un instrument traditionnel conçu pour les hommes. C'est très difficile. Parce que le guembri nécessite la force d'un homme et non celle d'une femme. Vous ne jouez plus du guembri... Cela fait longtemps. Vous savez, dans ma prime jeunesse, mon père ne voulait pas que je joue du guembri parce que c'était un instrument masculin et non féminin. Je n'ai retouché au guembri qu'en 1999, depuis que je suis en France. C'est Mohamed Allalou qui voulait que j'emporte avec moi le guembri en France. J'avais joué en duo avec Souad Massi, Chérifa, Malik et Wahida. Ainsi qu'avec d'autres comme Kateb Amazigh, Karim Zyad, un duo guembri à guembri. Le guembri est sacré à ce point... Ben, oui ! Quand je joue, au nom de Dieu, je fais mes ablutions d'abord avant de toucher le guembri. Dans ma jeunesse, mon père qui était un maître des gnawa, m'avait conseillé de ne pas toucher au guembri. J'étais insouciante, je ne savais pas que cet instrument sacré (Dekir Allah, religieux). Mais dès qu'il allait aux champs, je prenais le guembri pour apprendre. Je me cachais sur le toit de la maison. Quand il me cachait le guembri, je confectionnais mon propre guembri avec des planches, des cordes viscérales Vous avez une véritable passion pour la guitare électrique... Je meurs pour la guitare électrique. C'est vital. Cette passion fut grâce à un Espagnol, Gomez, qui était luthier, il vendait des guitares et des amplis à Béchar. C'est lui qui m'a conseillé d'utiliser une guitare électrique. Alors, j'ai pris le car pour Oran, toute seule. J'avais 19 ans. J'ai acheté une guitare électrique et un ampli. Et à Béchar, ça a chauffé avec le son électrique. Vous avez « électrifié et survolté » le son de Sidi Billal... J'ai voulu gonfler le son. Avec le luth, les gens n'entendent pas très bien. Vous êtes rock et même blues... Oui, blues. Ce soir j'avais mal aux doigts. Sinon, j'aurais joué du blues. J'étais fatiguée. Hasna, vous êtes connue par l'after-concert, dans les loges... Même quand je suis fatiguée, Dieu et le Prophète Mohamed m'aident. J'ai la force pour cela. Quand je joue du guembri, je suis en transes. Avant et après le concert, on est toujours en fête. Cela vient de Béchar. La musique est une thérapie. C'est dans les veines et le sang. Vous êtes très croyante... Oui, Rabi Moulana (Allah). Cette force, c'est une grâce de Dieu. Vous n'êtes pas contente de la sortie de votre album Djazaïr Djohara... Un éditeur d'Oran l'a piraté sans que je perçoive les droits d'auteur. Le piratage n'est pas normal ! Hasna s'investit dans le combat des femmes... Vous savez, avant même que je n'émigre en France, j'accueillais, chez moi, une vingtaine de femmes démunies et exclues de la société. Côté projets... J'ai des projets d'album en Italie avec Ginio Benato et en Egypte avec Fethi Salam. Lors de la dernière tournée en Italie, on m'a décerné le prix de la Mediterranéo qui m'a été remis par le ministre italien de la Culture. On a donné un concert de solidarité en faveur des victimes du tsunami, pour la Palestine et aussi sur le CD 20 ans barakat pour les droits des femmes.