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Le conflit du Moyen-Orient, l'impossible paix
Publié dans El Watan le 04 - 01 - 2011

Le conflit du Moyen-Orient est le sujet qui a donné lieu, depuis 1948 au sein des Nations unies, au plus grand nombre de résolutions : 255 au 18 octobre 2006, soit environ 1 sur 7, et une moyenne de 4 par an.
Revenons très brièvement à la genèse de ce conflit. Le 29 novembre 1947, l'assemblée générale de l'ONU vote à la majorité des 2/3, avec le soutien des grandes puissances (USA, URSS, France), une résolution sur le partage de la Palestine. Cette résolution portant le numéro 181 prévoit «la création de deux États indépendants, arabe et juif, ainsi qu'un régime international particulier pour Jérusalem». Dans la troisième partie de ce plan, il est indiqué que «commenceront d'exister deux Etats en Palestine, deux mois après l'achèvement de l'évacuation des forces armées de la puissance mandataire et, en tout état de cause, le 1er octobre 1948 au plus tard.
Les frontières de l'Etat arabe, de l'Etat juif et de la ville de Jérusalem seront les frontières indiquées dans les parties 2 et 3 ci-dessous. La période qui s'écoulera entre l'adoption par l'Assemblée générale de ces recommandations sur la question palestinienne et l'établissement de l'indépendance des Etats juif et arabe, sera une période de transition». Seuls treize Etats se sont alors prononcés contre cette résolu-tion : l'Afghanistan, l'Arabie Saoudite, Cuba, l'Egypte, la Grèce, l'Inde, l'Iran, l'Irak, le Liban, le Pakistan, la Syrie, la Turquie et le Yémen.
Deux Etats, un juif et un arabe, sont donc créés. Seulement, personne ne jugea utile de demander l'avis des 1 142 000 Palestiniens qui vivaient alors sur ce territoire. Le découpage prévoyait un Etat arabe de 12 000 km2 peuplé par 735 000 Palestiniens, dont 10 000 juifs et un autre Etat, juif, de 14 200 km2, peuplé de 498 000 juifs, dont 407 000 Palestiniens. Les 205 000 habitants, dont 100 000 juifs de Jérusalem, étaient placés sous régime international. Jérusalem devait être constituée en corpus separatum, sous statut international, sous l'autorité du conseil de tutelle(1) au nom des Nations unies.
Les Nations unies désignèrent le comte Bernadotte Folke en qualité de médiateur pour essayer de dénouer la crise. Ses premières constatations ont porté sur la question des réfugiés palestiniens : «En ma qualité de médiateur, je suis convaincu que mes efforts ne pourront être poursuivis avec succès que si une solution est trouvée aux aspects les plus urgents du problème que pose la grande calamité humaine affectant 330 000 réfugiés palestiniens dénués de tout. La situation de ces réfugiés est désespérée. 30% sont des enfants de moins de cinq ans qui vivent presque entièrement sans nourriture, sauf quelques faibles approvisionnements en farine.» Le comte Bernadotte affirmait aussi : «Ce serait offenser les principes élémentaires que d'empêcher ces innocentes victimes du conflit de retourner à leur foyer, alors que les immigrants juifs affluent en Palestine et, de plus, menacent de façon permanente de remplacer les réfugiés arabes enracinés dans cette terre depuis des siècles». Il a critiqué «le pillage sioniste à grande échelle et la destruction de villages sans nécessité militaire apparente».
En 1948, le comte Bernadotte Folke est assassiné à Jérusalem par le groupe sioniste Stern, originellement le LEHI (acronyme en hébreu de Lohamei Herut Israel «combattants pour la liberté d'Israël») ; les autorités britanniques le surnommèrent groupe Stern, en référence au nom de son premier dirigeant, Abraham Stern. Les membres du groupe Stern, responsables du meurtre du comte Bernadotte, n'ont jamais été poursuivis. Nathan Yalin Mor, responsable politique du groupe, fut élu à la Knesset en janvier 1949, le tireur qui a assassiné le comte, Yeoshua Cohen, devint le garde du corps personnel de Ben Gourion dans les années 1950, Yitzhak Shamir, le chef des opérations du Lehi, deviendra quant à lui Premier ministre à deux reprises. Suite à cet acte, le conseil de sécurité adopta la résolution 57 le 18 septembre 1948, condamnant l'attentat sans plus(2).
Depuis, les Nations unies n'ont cessé de produire des résolutions rappelant le principe de la création de deux Etats, du retrait des territoires occupés et de l'illégalité du Mur de séparation(3) et du respect de la légalité internationale. Les Nations unies ont même assimilé le sionisme à un racisme jusqu'au 16 décembre 1991 où Israël a pu obtenir, après des années de bataille, l'annulation de la résolution 3379 du 10 novembre 1975.
Malgré toutes ses déclarations et résolutions, c'est un aveu d'impuissance et d'échec qui se lit. Les Nations unies, complètement marginalisées par les USA du processus de paix, ont produit un nombre inimaginable de résolutions identiques, demandant entre autres l'application des résolutions déjà adoptées(4). Il faut rappeler que les Etats-Unis ont systématiquement opposé leur véto à toutes les résolutions condamnant Israël. Sur les 82 vétos exercés par les Etats-Unis depuis 1970, 29 ont stoppé net les condamnations à l'encontre d'Israël, en raison de sa politique agressive au Moyen-Orient et 40 autres vétos pour s'opposer, cette fois-ci, à l'adoption de résolutions sévères sans condamnation à l'encontre d'Israël. Les Etats-Unis utilisèrent en 1972, pour la première fois seuls le véto, pour éviter une résolution censurant Israël. Depuis lors, c'est devenu le plus important utilisateur du véto, principalement contre des résolutions critiquant la politique d'Israël.
Les Etats-Unis ont même opposé leur véto en 1980 sur le droit à l'autodétermination du peuple palestinien(5), devenant le seul Etat avec Israël à ne pas reconnaître le peuple palestinien. Quant à la dernière agression de la bande de Ghaza par Israël, ils se sont opposés au rapport Goldstone(6) émis par les Nations unies. Comment imaginer un rôle à l'ONU dans ce contexte, alors qu'elle est la seule à pouvoir trouver une solution loin des oppositions communautaires : les juifs solidaires d'Israël et les musulmans des palestiniens ?
Le conflit s'est enlisé dans quatre guerres israélo-arabes, de multiples confrontations armées, deux guerres au Liban, deux Intifadas dans les territoires occupés palestiniens et une guerre à Ghaza. Ce conflit s'éternise et tend à devenir une nouvelle «guerre de 100 ans» qui alimente l'extrémisme dans le monde musulman et en Occident. Il s'agit là d'une question complexe et multidimensionnelle qui ne peut se prêter à des explications simplistes. On sait cependant, 60 années après le début de ce drame, quelle est tout au moins la voie à prendre pour espérer la paix.
Si au début les Etats arabes ont refusé à Israël la qualité d'Etat et le droit à l'existence, c'est maintenant l'Etat hébreux qui refuse de reconnaître l'existence de l'Etat palestinien. Or, la création de deux Etats conformément à la résolution 181 des Nations unies est la seule voie à suivre parce que la seule qui puisse mener à la paix. Seulement, la politique que mènent les extrémistes palestiniens d'un côté, et Israël de l'autre, obscurcit la solution de paix. Alors que l'Etat d'Israël s'affiche comme l'unique et réelle démocratie du Moyen-Orient, sa politique(7) extrémiste va à contresens des principes moraux et des appels de paix, pourtant à la base des préceptes démocratiques. «La stratégie israélienne du rapport de force est une constante. Cela ne changera pas, car Israël considère qu'aucune négociation ne lui sera jamais favorable.» Depuis l'assassinat de Rabin, aucun gouvernement israélien ne veut réellement la paix, et encore moins l'actuel cabinet Netanyahu. Toutes les politiques élaborées par le gouvernement israélien dans le passé et qui se sont avérées, comme par hasard, celles suivies récemment par l'administration Bush en Irak, ont conduit la région à plus d'instabilité, de guerres et de désastres.
Selon Oded Yinon,(8) «la décomposition du Liban en cinq provinces préfigure du sort qui attend le monde arabe tout entier, notamment l'Egypte, la Syrie, l'Irak et toute la péninsule arabique. Au Liban, c'est déjà un fait accompli. La désintégration de la Syrie et de l'Irak en provinces ethniquement ou religieusement homogènes, comme au Liban, est l'objectif prioritaire et à long terme d'Israël, sur son front Est ; à court terme, l'objectif est la dissolution militaire de ces Etats. La Syrie va se diviser en plusieurs Etats, suivant les communautés ethniques, de telle sorte que la côte deviendra un Etat alaouite chiite, la région d'Alep, un Etat sunnite et à Damas, un autre Etat sunnite hostile à son voisin du Nord verra le jour ; les Druzes constitueront leur propre Etat, qui s'étendra sur notre Golan peut-être et en tout cas dans le Haurân et en Jordanie du Nord. Cet Etat garantira la paix et la sécurité dans la région à long terme : c'est un objectif qui est, dès à présent, à notre portée ».
Très peu d'indices actuellement sont en faveur de la résolution de ce conflit. Le président Obama semble avoir renoncé à imposer à Israël l'arrêt des constructions de nouvelles colonies en Cisjordanie et la perte du contrôle du congrès par sa majorité le dissuadera définitivement de s'opposer au puissant lobby israélien sans lequel aucune réélection n'est possible. Sommes-nous donc tentés de dire qu'il ne faut pas encourager l'espoir quand il y a peu de raisons d'espérer. Le déchirement des fractions palestiniennes ne fait qu'accélérer le délitement de la cause arabe et la fin programmée du peuple palestinien.

Note de renvois:
1) Le conseil de tutelle a disparu en 1994 ; il avait été créé en vertu du chapitre XIII de la charte afin de surveiller l'administration des territoires sous tutelle et de faire en sorte que les gouvernements, qui en étaient chargés, préparent les territoires et les populations à des référendums d'autodétermination.
2) U.N. Document A. 648, p. 14, déposé le 16 septembre 1948. Sur l'assassinat du comte Bernadotte, voir le rapport du général A. Lundstrom (qui se trouvait assis dans la voiture de Bernadotte, rapport adressé, le jour-même de l'attentat (17 septembre 1948) aux Nations unies. Puis le livre publié par ce général pour le 20e anniversaire du crime : L'assassinat du comte Bernadotte, imprimé à Rome (éd. East. A. Fanelli) en 1970, sous le titre : Un tributo alla memoria del Comte Folke Bernadotte.
3) Dans l'affaire des conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé, la CIJ a rappelé que le droit d'Israël de défense et protection de la vie de ses citoyens contre les attaques palestiniennes ne la dispense pas de respecter le droit international (CIJ avis 9 juillet 2004 paragraphe 141).
4) La résolution 1685 du 13 juin 2006 «demande aux parties concernées d'appliquer immédiatement sa résolution 338 (1973) du 22 octobre 1973». 33 années séparent les deux résolutions qui recommandent la même disposition.
5) Résolution 58/163 sur le droit du peuple palestinien à l'autodétermination qui réaffirme son droit à un Etat palestinien indépendant.
6) Désigné par le Conseil des droits de l'homme des Nations unies pour établir un rapport sur l'opération militaire appelée «Opération Plomb Durci» dans la Bande de Ghaza, le juge Richard Goldstone a remis ses conclusions le jeudi 15 septembre 2009 dans un document appelé par les médias Rapport Goldstone. Le 16 octobre 2009, Le Conseil des droits de l'homme des Nations unies adopte une résolution condamnant l'absence de collaboration d'Israël à l'enquête de la commission conduite par le juge Godlstone.
L'adoption a été faite avec 25 voix pour, 6 contre (dont les Etats-Unis) et 11 abstentions. Israël, comme à son habitude par la voix de son ministre de l'Information, a déclaré que «le rapport Goldstone est tout simplement une expression d'antisémitisme» parce qu'il avait accusé Israël d'avoir commis des crimes de guerre dans la bande de Ghaza.
7) « La stratégie israélienne du rapport de force est une constante. Cela ne changera pas car Israël considère qu'aucune négociation ne lui sera jamais favorable» : L'impuissance de la puissance édition fayard Bertrand Badie.
8) Les intérêts stratégiques d'Israël publié en 1982 ; analyste du ministère des Affaires étrangères israélien.


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