La ville de Tamesna, située à l'extrême nord-est du Mali, a connu samedi dernier en pleine journée de violents affrontements entre des narcotrafiquants qui escortaient un convoi d'une vingtaine de 4×4 (connus sous le nom de Steichen) bourrés de cannabis et de Touareg de la région. Selon des sources locales, les convoyeurs, des Brébiches (des Arabes), venaient de la localité d'El Khalil, située en territoire malien à quelques centaines de kilomètres de Bordj Badji Mokhtar, et devaient rejoindre la Libye, via le Niger, pour décharger leur cargaison. Arrivés à Tamesna, «ils ont été interceptés par des Touareg armés, notamment d'anciens rebelles qui les ont sommés de s'acquitter d'un droit de passage pour traverser la région targuie des Ifoghas. Ne prenant pas les menaces au sérieux, les narcotrafiquants ont tenté de poursuivre leur chemin en usant de leurs armes, surtout des fusils-mitrailleurs kalachnikov et d'autres pistolets d'assaut», raconte notre interlocuteur. règlements de comptes Il précise que l'accrochage aurait duré plusieurs heures, avant que le convoi ne continue son chemin dans le désert, mais amputé d'au moins la moitié de sa cargaison. Des deux côtés, les pertes sont énormes. Cinq morts parmi les narcotrafiquants et deux parmi les Touareg. Notre source affirme que le nombre de blessés pourrait être assez élevé, que ce soit du côté des convoyeurs ou de celui des attaquants, puisque d'importantes traces de sang ont été retrouvées sur certains véhicules vidés et abandonnés sur les lieux de l'accrochage. Depuis ces deux dernières années, la situation dans le nord du Mali ne cesse de s'enliser, faisant de la région non seulement un sanctuaire pour les phalanges d'Al Qaîda chassées de l'Algérie, mais également un havre de paix pour les barons du cannabis marocain et depuis quelque temps de la drogue dure sud-américaine convoyée par avion ou plutôt comme l'appellent les Maliens «Air Cocaïne» en quantités hallucinantes. L'inertie adoptée par Bamako laisse perplexe et suscite de lourdes interrogations quant à l implication de certains hauts responsables de l'Etat dans ces réseaux.
Sur les traces d'Al Qaîda Les règlements de comptes entre les membres des cartels vénézuéliens, espagnols, colombiens et même portugais en plein cœur de la capitale se multiplient et ne font jamais l'objet d'enquêtes policières ou judiciaires. Le démenti public exprimé par le président malien au sujet de l'atterrissage de deux Boeing bourrés de cocaïne, en dépit de la confirmation des faits par les responsables de l'Office des Nations unies contre la criminalité et la drogue (Onudc), montre que la structure est bien organisée et bien protégée des cartels du cannabis et des drogues dures dans le Nord, avec des ramifications au niveau de la capitale malienne. Ce Nord, qui a connu deux rebellions successives durant les années 1990 puis 2000, n'arrive plus à se remettre sur les rails de la paix et du développement faute d'une volonté politique à même de répondre positivement aux revendications combien légitimes de la population locale totalement livrée à la misère. Dans cette même région, les nouvelles sur les sept otages, cinq Français, un Togolais et un Malgache, enlevés d'une des bases de vie de Aréva, au nord du Niger par Abou Zeid, l'émir de la phalange qui active dans la bande sahélo-saharienne, deviennent de plus en plus rares. Des sources locales affirment que les captifs sont à chaque fois déplacés d'une région à une autre, alors que les négociations pour leur libération seraient au «point zéro». «Les négociateurs sont arrivés à remettre les médicaments à une des otages malades et dont l'état de santé se détériore», révèle notre interlocuteur. Les événements de samedi dernier n'ont, selon lui, aucune relation avec les terroristes d'Al Qaîda. «Ces derniers n'ont jamais tenté de contrôler la route de la drogue ou la drogue. Ils utilisent certains passeurs pour leur connaissance du terrain, rien de plus. Ils ont suffisamment d'argent, donc ils n'ont pas besoin d'ouvrir des fronts qui pourraient causer leur défaite dans la région», explique notre source. Elle rappelle la réunion qui a regroupé il y a plus d'un mois les chefs de tribus touareg pour arrêter un certain nombre de décisions liées à la nécessité de combattre et de chasser de leurs territoires les phalanges d'Al Qaîda. «Tout le monde était d'accord, mais il y a eu l'arrivée des sept otages enlevés du Niger qui a tout bloqué par peur de réactions imprévues de la part des terroristes. Tout est actuellement en stand-by», affirme notre interlocuteur. En tout état de cause, la situation au nord du Mali ne cesse d'inquiéter les plus optimistes et risque de devenir irréversible si les terroristes et les barons de la drogue ne sont pas pourchassés.