Si nous ne trouvons pas d'autre solution pour faire face à une demande nationale en hausse de gaz naturel, nous ne serons plus, dans deux à trois ans, en mesure d'exporter et par conséquent le pays sera en panne de recettes d'exportation.» Ces propos tenus par le ministre de l'Energie, M. Guitouni, devant les députés, la semaine dernière, n'ont suscité aucune réaction. Pas la moindre demande d'explication devant une telle affirmation qui va à contresens de tout ce qui s'est dit jusqu'à présent sur les réserves nationales d'hydrocarbures et plus particulièrement de gaz. A savoir que même dans l'hypothèse la plus pessimiste, si aucun gisement ne venait à être découvert entre-temps, la situation pourrait devenir préoccupante aux alentours de 2030. Ce contre-pied du ministre ne peut pas s'expliquer par une méconnaissance du dossier gazier national de la part du premier responsable du secteur… Ce serait un comble. Mais le comble, par contre, c'est qu'aucun parlementaire n'a bronché pour demander plus de détails et d'explications au ministre qui était auditionné à l'APN et qui n'a pas osé aller au-delà d'une sentence aussi catastrophique, alors qu'il était censé proposer devant les élus de la nation ne serait-ce que des pistes de solutions qu'il estime nécessaire de trouver avant trois ans afin d'éviter le risque de cessation d'exportation de gaz. Quant aux députés, ils se sont cantonnés à soulever des problèmes domestiques et de proximité, à savoir les retards ou les difficultés de raccordement de telle ou telle localité relevant de leur circonscription électorale, donnant l'impression de ne pas se préoccuper du devenir des exportations de gaz tel que décrit par le ministre. Donc le ministre en a trop dit ou pas assez. Trop dit, sans doute, en insistant lourdement sur l'augmentation irraisonnée de la demande interne en gaz, notamment dans la production de l'électricité dont bénéficient aujourd'hui plus de 90% des foyers à travers le territoire national, entraînant par là même une explosion de la consommation nationale en énergie. Le ministre n'a pas osé peut-être dire devant les députés que les prix encore bas en matière d'électricité et de gaz conduisent inévitablement à un gaspillage remarquable et encore moins pris «le risque» d'évoquer les moyens d'y mettre fin. Pas assez, par contre, pour ne pas avoir effleuré la question de la transition énergétique en matière de consommation de gaz et d'électricité, dans un pays comme l'Algérie qui bénéficie d'un ensoleillement de près de 300 jours par an et où les perspectives du solaire ne devraient pas être une simple vue de l'esprit. L'échéance mise en avant par M. Guitouni s'inscrit directement dans le court terme, puisqu'il parle de deux ou trois ans. C'est beaucoup moins que ce qu'il faut pour mettre en valeur et exploiter de nouveaux gisements gaziers conventionnels, sans parler des solutions non conventionnelles, comme le gaz de schiste ; là on s'inscrit dans des décades, entre 15 et 20 ans. Dans tous les cas de figure, cette «sortie» du ministre de l'Energie traduit, à l'image de son propre désarroi sur l'avenir des exportations du gaz face à l'explosion de la consommation interne, celui des décideurs qui ne sont pas capables de prévoir des solutions pour les pires situations.