Est-ce l'éveil de l'opposition togolaise, elle, qui ne s'est manifestée que dans deux communiqués, prudemment rédigés ? Les premières manifestations de rue ont, en effet, eu lieu hier dans la capitale togolaise où a été investi un nouveau pouvoir, un pouvoir dynastique ou encore putschiste comme l'avait clairement déclaré l'Union africaine (UA) obligeant gouvernements étrangers et organisations, à ne pas s'y placer en deçà. Il s'en est pourtant trouvé qui jouaient subtilement sur les mots, en appelant par exemple au retour de la démocratie au Togo, laquelle tout compte fait n'a jamais existé, et le président togolais défunt, Gnassingbé Eyadema, n'était en rien un démocrate pour avoir organisé sa propre succession et désigné son propre fils à la tête du pays. La première manifestation de l'opposition, localisée dans un seul quartier de la capitale, a été sévèrement réprimée. Deux manifestants ont été tués par balles et deux gendarmes grièvement blessés samedi à Lomé lors d'une manifestation de l'opposition dispersée par les forces de l'ordre, a annoncé le ministre de l'Intérieur, François Akila Esso Boko. Des soldats se sont déployés pour venir en renfort à la police et à la gendarmerie dans un quartier populaire de la capitale, où se déroulait la manifestation et où des heurts se poursuivaient toujours en fin de matinée. Selon la version des faits donnée par le ministre, « un groupe de gendarmes était encerclé par des manifestants au niveau (du quartier) de Bé-Kpota, ils allaient être lynchés par la population. Pour se dégager, ils ont fait des tirs de sommation qui ont malheureusement atteint deux personnes, deux manifestants qui sont morts », a-t-il expliqué. A l'appel de six partis d'opposition dont l'Union des forces de changement (UFC, de Gilchrist Olympio en exil), environ 3000 personnes s'étaient rassemblées hier matin dans le quartier de Bé, fief de l'opposition, pour protester contre le coup d'Etat du président investi Faure Gnassingbé. Il s'agit du plus important rassemblement de l'opposition depuis l'investiture le 7 février de Faure Gnassingbé. Les heurts se sont déroulés dans ce quartier. Les manifestants se sont heurtés aux gendarmes qui ont essayé de disperser la foule en lançant des grenades lacrymogènes et en chargeant. Le gouvernement a interdit, depuis lundi, toute manifestation pour une durée de deux mois, période du « deuil national » décrété suite à la mort, samedi, du président Gnassingbé Eyadema. Les autorités ont, depuis lors, renouvelé leurs mises en garde contre les éventuels « fauteurs de troubles », prévenant d'une « réaction énergique » des forces de l'ordre. Le président du Rassemblement pour le soutien de la démocratie et du développement (RSDD, opposition modérée), qui avait organisé vendredi matin un rassemblement à Lomé dispersé par la police, devait en organiser un autre hier. Les manifestations ont été interdites par les autorités depuis lundi, et ce, pour deux mois. En fin de matinée, les heurts se poursuivaient dans tout le quartier de Bé, quadrillé par les forces de l'ordre, a-t-on constaté et où la police et la gendarmerie ont reçu le renfort de l'armée. Venu au pouvoir à la faveur d'un coup d'Etat, le général Gnassingbé Eyadema est décédé le 5 février à l'âge de 69 ans après 38 ans de règne sans partage à la tête du Togo. Son fils, Faure Gnassingbé, désigné par l'armée togolaise et confirmé comme son successeur par l'Assemblée nationale après une révision constitutionnelle, a prêté serment le 7 février. Trois radios et une télévision privées ont, par ailleurs, été fermées vendredi soir à Lomé par les autorités togolaises pour des « raisons fiscales », a-t-on appris hier de source officielle. C'est le processus de normalisation.