Le scrutin présidentiel togolais, du 4 mars, s'est soldé par la victoire du président sortant Faure Gnassingbé avec près de 61% des suffrages exprimés, contre 34% pour son concurrent de l'opposition Jean Pierre Fabre, selon les chiffres officiels annoncés samedi. Or, l'opposition crie au scandale, convaincue de la victoire de son candidat, qui affirme avoir remporté le scrutin. Dimanche, ses partisans étaient nombreux à manifester dans les rues de la capitale togolaise et les forces de l'ordre ont fait usage de bombes lacrymogènes pour les disperser. Aussitôt après, l'opposition s'est concertée pour organiser la riposte. Dans une déclaration rendue publique dimanche, le Front républicain pour l'alternance et le changement (FRAC), composé de trois partis soutenant Jean Pierre Fabre, ont invité “les populations togolaises et toutes les forces démocratiques à une marche qu'il organise mardi à travers les rues de Lomé pour protester contre les résultats frauduleux du scrutin du 4 mars”. Prévoyant une réaction violente des autorités, “le président élu Jean Pierre Fabre et le FRAC lancent un appel à la résistance (et) demandent aux uns et aux autres de ne pas faiblir”, ajoutent les auteurs de la déclaration. C'est un scénario devenu classique en Afrique et tous les ingrédients sont réunis pour embraser le pays dès demain si les autorités s'avisent à réprimer la manifestation de l'opposition. Au Nigeria, c'est encore une fois l'alerte maximale après des affrontements intercommunautaires, qui auraient fait jusqu'à 500 morts, selon le porte-parole du gouverneur Jonah Long, chiffre qu'aucune autre source n'a encore confirmé. Le village de Dogo Nahawa, au sud de la ville de Jos dans l'Etat du Plateau, a été attaqué, dimanche à trois heures, par des paysans musulmans de l'ethnie Fulani, qui se sont livrés à un massacre à la machette, occasionnant au minimum une centaine de morts, des villageois chrétiens, selon les rescapés. Le mobile de l'attaque est encore obscur, mais ce type de tragédie s'est déjà produit dans le nord du pays en 2000, lorsque des musulmans radicaux ont voulu imposer la charia islamique. Ces évènements interviennent sur fond de crise politique. Le président Umaru Yar'Adua, dont la convalescence en Arabie Saoudite a duré plus de trois mois avant qu'il ne rentre au pays, a été déchu par le Parlement qui l'a remplacé par son vice-président Goodluck Jonathan. Bien qu'issus du même parti, les deux hommes ont des personnalités tout à fait différentes et l'un comme l'autre ont leurs partisans. À moins d'une année de l'élection présidentielle, le pouvoir central du Nigeria est pour le moins fragilisé. Avec plus de 150 millions d'habitants et classé parmi les plus importants exportateurs de pétrole au monde, lorsqu'il est lui-même stable, le Nigeria constitue une force de stabilisation dans l'Afrique de l'Ouest. Beaucoup d'observateurs pensent d'ailleurs que si le pouvoir n'était pas affaibli au Nigeria, le dernier coup d'Etat au Niger n'aurait peut-être pas eu lieu. Un coup d'Etat militaire a en effet eu lieu à Niamey, mettant fin au règne largement contesté du président Mamadou Tandja. Ce dernier était lui-même arrivé au pouvoir après un coup d'Etat et, après dix ans de pouvoir, il s'est rendu coupable d'un coup d'Etat constitutionnel l'année dernière pour se maintenir au pouvoir. Aujourd'hui, un gouvernement civil est à l'œuvre et les putschistes, qui bénéficient d'une certaine adhésion populaire, promettent le retour à une Constitution plus démocratique et la tenue d'élections libres, sans toutefois fixer d'échéances. La Guinée a connu, pour sa part, une succession de drames et de rebondissements depuis l'assassinat par des militaires du président Joao Bernardo Vieira le mois de mars 2009. Coup d'Etat du capitaine Dadis Camara, qui avait promis d'organiser une élection présidentielle et qu'il ne briguerait pas personnellement le poste, avant de se raviser : massacre à ciel ouvert dans un stade où se rassemblait l'opposition, tentative d'assassinat du chef de la junte par son propre aide de camp et installation d'un autre officier à sa place. Des discussions ont été ouvertes avec l'opposition démocratique, la situation est quelque peu apaisée, mais elle reste globalement précaire. Après une tentative de coup d'Etat en 2002 suivie d'une guerre civile qui a duré jusqu'en 2007, la Côte d'Ivoire peine toujours à organiser une élection présidentielle dans des conditions acceptables, alors que le mandat de Laurent Gbagbo a expiré en 2005. Au contraire, la dissolution, il y a quelques semaines, du gouvernement et de la Commission électorale indépendante, avec comme conséquence le report sine die du scrutin présidentiel prévu pour début mars, a replongé le pays dans une atmosphère de guerre civile et on a enregistré une dizaine de morts et des dégâts matériels considérables. La médiation du président burkinabé Blaise Compaoré a porté ses fruits, un nouveau gouvernement est composé et une autre commission électorale est à l'œuvre pour préparer des élections à la fin du mois de mai ou au début du mois de juin. La crise est donc momentanément jugulée, mais le scrutin présidentiel reste un rendez-vous à haut risque. Ce ne sont-là que quelques exemples de pays africains qui ont fait parler d'eux récemment. On peut multiplier à profusion les exemples d'Etats africains où les dirigeants s'installent à vie, grâce à des simulacres d'élections, où les coups d'Etat relèvent du fait culturel et où le pouvoir se lègue de manière quasi dynastique. C'est que, de quelque côté que l'on prenne le problème, les dirigeants sont au centre du tumulte et à son origine. L'Afrique est malade de ses dirigeants.