Les affrontements entre forces de l'ordre et manifestants ont fait au moins 11 morts et 95 blessés à Lomé, depuis l'annonce de la victoire à la présidentielle du candidat du parti au pouvoir, apprend-on de sources hospitalières. Chassé par la pression internationale du pouvoir, dont il avait pris possession par la force à la mort de son père Eyadema le 5 février dernier, Faure Gnassingbé revient par la grâce d'élections contestées. Dès l'annonce officielle des résultats du scrutin présidentiel mardi après-midi, l'opposition a crié à la fraude. Des barricades enflammées ont été érigées dans plusieurs rues de la capitale Lomé pour résister aux assauts de forces de l'ordre. Son élection a mis le feu dans la capitale togolaise. Hier matin, de nombreux quartiers de Lomé étaient paralysés par les émeutiers de l'opposition bloquant la circulation automobile. Des barricades étaient également visibles dans le centre-ville où l'accès au grand marché est paralysé, ainsi que dans les quartiers de l'ouest, comme Kodjoviakope et Nykonapoe, vers la frontière ghanéenne, qui jouxte la capitale togolaise. Dans tous ces secteurs, rares étaient les magasins ouverts. La veille, des opposants en colère ont jeté des pierres sur les voitures, alors que les habitants se réfugiaient chez eux. Les chiffres rendus publics n'ont, apparemment, pas convaincu beaucoup de monde, à commencer par le candidat de l'opposition, Bob Akitani, auquel la commission électorale a accordé 38% des voix contre plus de 60% au profit du fils du défunt président sortant, Faure Gnassingbé. Ce dernier aurait bénéficié de 1,4 million de voix contre 841 000 à son rival. La proclamation de la victoire du représentant du pouvoir a eu pour conséquence de déclencher l'ire des partisans d'Akitani, dont la première réaction, mardi soir, a été de se cacher car, semble-t-il, craignant pour sa vie. “On nous a volé la victoire”, criaient des jeunes togolais en parcourant la ville tandis que d'autres s'attelaient à dresser des barricades. Cette violente réaction a causé un mouvement de panique parmi la population locale, dont l'objectif de la majeure partie était de regagner le domicile avant que la situation ne dégénère. “Ils marcheront sur nos corps pour aller à la présidence”, lançait un étudiant, alors qu'un tailleur renchérissait : “Plus de 30 ans que ça dure, et maintenant c'est le fils qui prend la relève, c'est la meilleure ! Mais soyez sûrs que ça ne se passera pas comme ça !” Cette dernière phrase traduit, on ne peut mieux, ce sentiment de ras-le-bol général des Togolais, qui ont eu à supporter pendant 38 ans la dictature de Gnassingbé Eyadema. Ils ne sont plus disposés à se plier à celle de son fils. Il n'a pas fallu beaucoup de temps aux forces de sécurité pour intervenir en lançant des grenades lacrymogènes contre les manifestants. D'épais nuages de fumée émanant de pneus brûlés montaient dans le ciel de Lomé du côté des quartiers favorables à l'opposition. Dans leur colère, les contestataires n'ont pas épargné les Européens, particulièrement les Français, qu'ils ont insultés. Quant au camp de Faure Gnassingbé, la joie était perceptible à travers la déclaration de son directeur de campagne : “Je suis très content de ces résultats. La démocratie déclare que le candidat avec la majorité des votes gagne et la population a voté pour son président.” Reste à savoir si la rue en colère acceptera facilement que Faure puisse succéder à son père dans le calme. Le candidat de l'opposition se proclame Président Le candidat de la coalition de l'opposition à la présidentielle, Emmanuel Akitani Bob, a affirmé, hier à Lomé, qu'il se proclamait président de la République du Togo, dans une déclaration aux Togolais faite devant des journalistes. “Togolais, Togolaises, votre président vous parle. oui, votre président, car nous n'avons pas perdu les élections présidentielles. Cette élection présidentielle du 24 avril 2005. Vous devez le savoir pour rester mobilisés”, a déclaré M. Akitani Bob. “Moi, Bob Akitani, et vous, l'avenir de notre pays au prix de notre vie, nous devons nous opposer à l'arbitraire. La lutte sera longue, mais la lutte populaire est invincible”, a-t-il ajouté. K. A.