La plupart de nos entreprises sont structurées dès leur création pour répondre à une demande nationale où la compétition étrangère n'est pas envahissante. Mais de nos jours, très peu de secteurs sont à l'abri des assauts des firmes internationales. Certes, il y a des activités qui s'internationalisent très peu, comme les services de coiffure, le petit commerce, etc. Mais la vaste majorité des biens et services s'échange dans des marchés de plus en plus globalisés. Il faut donc défendre bec et ongles ses parts de marché. Et ce n'est pas chose aisée. Dans ce domaine, nous avons une bonne leçon à méditer. Elle nous provient de l'expérience asiatique. Dans ces pays, la plupart des entreprises s'internationalisent très tôt même si leur marché interne leur assure une bonne rentabilité encore pour de nombreuses années. Mais ils savent que la pérennité de l'affaire passe par le test de l'exportation. Si vous êtes incapables d'exporter, vous êtes en danger, ne cessent de répéter les hauts managers aux ingénieurs et aux travailleurs. Il est vrai que l'Etat conçoit les politiques monétaires et fiscales orientées principalement vers les facilitations à l'exportation. Mais les entreprises elles-mêmes étaient convaincues qu'il est de leur intérêt vital de s'engager dans des opérations d'exportation. Exporter, c'est risquer Les responsables savaient que la décision est risquée, que les chances de réussir à court terme étaient minces, mais tout de même ; les avantages sont multiples. On peut mesurer l'écart de performance et le niveau qu'il faudrait atteindre pour espérer activer durablement. Il faudrait alors mettre en œuvre toute une panoplie d'instruments pour se hisser à un niveau d'efficacité acceptable. On analyse les méthodes de développement humain des concurrents, le management de l'information, leur manière de gérer les stocks, la recherche, le développement et le reste. On procède au reverse ingénierie. C'est-à-dire, décortiquer les produits ou les services des concurrents en examinant méticuleusement chaque pièce pour améliorer les siennes. Cette opération est à la limite de la légalité mais la vaste majorité des entreprises la pratique. Le fait de vouloir exporter met de la pression sur la direction, les cadres et les travailleurs pour s'améliorer et hisser leur niveau de performance. Si on travaille ensemble, dans le même but et selon les règles de ce qui est connu en management, la barre que l'on s'est fixé volontairement à un niveau très élevé va se transformer en formidables opportunités d'immenses progrès dans tous les compartiments de l'entreprise.La lecture de l'histoire des affaires est édifiante à ce sujet. La plupart des entreprises, qui se sont internationalisées très tôt, ont connu des performances supérieures à celles qui avaient uniquement des ambitions nationales. A la fin des années quarante, l'entreprise Honda était mal préparée pour affronter la compétition internationale sur ses activités de base : la vente de motocyclettes. On connaissait mal le marché américain. Mais les dirigeants insistaient sur l'apprentissage qui découlerait d'une internationalisation précoce. Il est vrai que l'environnement des affaires était beaucoup plus propice. Néanmoins, les managers eux-mêmes étaient convaincus que les faiblesses technologiques et managériales ne pouvaient que s'améliorer avec l'exportation. Et qui dit que lorsqu'on s'internationalise on concurrence toujours les grosses pointures ? N'y a-t-il pas des niches que l'on peut servir ? L'expérience de Honda le montre. Elle croyait que le seul segment porteur était celui de la grosse moto où Harley Davidson résignait sans partage. Mais à leur grand étonnement, des centaines de milliers de petits commerçants voulaient des petites motocyclettes pour faire les courses ou livrer les clients. La conquête de ce segment avait permis à l'entreprise de constituer un trésor de guerre pour attaquer les segments des grosses motos et par la suite démarrer la construction de véhicules. Ainsi, Honda découvrit que pour réussir, ses capacités d'innovations technologiques étaient insuffisantes et que la stratégie marketing était une condition sine qua none de réussite dans les affaires. Certes, essayer d'exporter est coûteux en termes de temps et de ressources. Le manager pense que ce n'est pas le moment ; qu'il doit s'améliorer d'abord. Ainsi, il reporte année après année la tentative d'exportation. En réalité, il n'est jamais trop tôt pour exporter mais souvent trop tard. Analyser la concurrence L'information constitue un précieux facteur-clé de succès pour exporter. Seul le développement et l'utilisation de l'intelligence humaine la surclassent en importance. Nous avons deux types de lacunes importantes que nous avons constatées lors de nos nombreux diagnostics des systèmes d'information. La première concerne le mix information interne externe. Les entreprises qui investissent dans la modernisation du système d'information commandent un matériel haut de gamme et font circuler à 99% de l'information interne sur les stocks, les dépenses, les ventes et une panoplie d'indicateurs de gestion très utiles. Mais point d'information sur les concurrents, les marchés et les clients alors qu'ils constituent les renseignements les plus précieux pour réussir une affaire. Si votre système d'information n'intègre pas ces éléments, il est urgent de le remettre en ordre. Il faut que l'information externe soit prépondérante qu'elle dépasse les 60% des flux d'information. Une seconde carence a trait à l'identification des sources d'information. Beaucoup de managers hésitent à y consacrer des ressources. L'information est intangible et il est difficile d'évaluer sa contribution au résultat final. Sa rentabilité n'est pas appréciée à sa juste valeur, même si elle est capitale. Par ailleurs, il est souvent complexe dès le départ d'identifier la source des données par un non professionnel. Mais le management de l'information est devenu un métier parmi les activités de l'entreprise. Les grandes entreprises lui consacrent des directions importantes, les moyennes des sous-directions ou des chefs de département et les petites externalisent auprès des chambres de métier, de commerce ou s'abonnent à des bases de données spécialisées. Aujourd'hui, l'intelligence économique s'érige de plus en plus comme une discipline à part entière, une spécialité en management des entreprises. Un professionnel sait que la plupart des informations dont on a besoin pour effectuer son travail s'obtiennent à partir des analyses de marché et des rapports de gestion des concurrents. L'analyse, le tri, la transmission et les recommandations sont également effectués par ses professionnels. Il faut leur faire confiance. L'essentiel demeure une vision et un soutien sans faille de la haute direction. Conclusion Exporter est une culture. Beaucoup d'entreprises s'en servent pour mobiliser l'entreprise autour des objectifs de hisser leurs performances au niveau mondial.On se souvient des patrons des entreprises coréennes qui emmenaient leurs managers et ingénieurs écouter les clients européens et américains critiquer au niveau des supermarchés les produits Samsung, Hyundai et autres. Piqués dans leur amour-propre, les Coréens ont réajusté leurs produits pour améliorer le rapport qualité/prix de leurs produits. Mais la réussite d'une telle opération ne peut être dissociée également de l'amélioration du climat des affaires. Un pays peut avoir un secteur financier, une administration experte et amie du monde des affaires, un système de formation performant, un marché foncier propice à l'expansion et tout un dispositif favorable à l'exportation. Il peut prétendre alors encourager l'exportation et développer l'efficacité interne. Dès lors que ces entités découragent le monde des affaires, l'exportation devient un vain mot, un vœu pieux et un leurre. Un Etat qui désire encourager l'exportation commence par instaurer un dialogue permanent avec les opérateurs économiques au sein d'une institution clairement dédiée à cette pratique, promouvoir des secteurs de formation et de recherche scientifique efficace et améliorer méthodiquement et méticuleusement l'environnement des affaires. C'est une question de priorité politique et de pratiques managériales.