Le marché bancaire algérien connaît une situation de surliquidités exceptionnelle – plus de 2800 milliards de dinars enregistrés fin 2008 – tirée essentiellement des exportations des hydrocarbures, de l'épargne des ménages et des mises à disposition par le Trésor dans le cadre de l'assainissement des portefeuilles des banques. Ces mêmes banques peinent depuis plusieurs années à transformer ces surliquidités en crédits. Ceci, alors que les milieux économiques critiquent la gestion du financement de l'économie nationale, peu encline à ouvrir les vannes des crédits pour financer les entreprises nationales. Pour le 1er semestre 2009, le taux de liquidités au niveau des banques a connu une contraction de 10,4%, selon les chiffres fournis, dimanche dernier, par Mohamed Laksaci, gouverneur de la Banque d'Algérie. Sur ce point précis, Arslan Chikhaoui, responsable du bureau d'études Nord-Sud Ventures, et expert en questions économiques internationales, explique ce recul des liquidités par la baisse des recettes des hydrocarbures entraînée par « une chute importante » des cours de pétrole. Qualifiant de « dangereux » le fait de maintenir en somnolence des sommes aussi importantes dans les banques publiques au lieu de créer un environnement adéquat pour le financement de entreprises nationales, notre interlocuteur souligne que cette politique est symptomatique d'une « panne de créativité et de dynamisme » de la place bancaire. « La Banque d'Algérie n'a pas joué son rôle de moteur dans l'économie algérienne. Les banques ne sont en fait que des caisses de dépôt. Elles ne doivent pas dormir indéfiniment sur un matelas financier qui n'est pas mobilisé », analyse-t-il. Estimant « impératif » que les pouvoirs publics saisissent cette aubaine (surliquidités, ndlr) pour fouetter une économie diversifiée, M. Chikhaoui plaide pour une dynamisation du marché bancaire par la mise à disposition de ces surliquidités aux opérateurs économiques. « Les banques doivent changer de comportement. Elles doivent jouer leur rôle de banques universelles qui proposent des services aux consommateurs et participent à la création d'un marché bancaire et financier mobile, où s'approvisionneront tous les opérateurs. Elles ne doivent plus être dans une situation improductive. Elles n'ont pas le choix, d'autant plus que l'Algérie est en quête d'arrimage à l'économie mondiale », précise-t-il. Il faut dire que de nombreux économistes et opérateurs économiques n'ont pas cessé de tirer la sonnette d'alarme sur un système bancaire qualifié de « presque obsolète » malgré la série de réformes engagées. En revanche, les tenants du discours officiel ne semblent pas effarouchés par ce repli des liquidités. « La cause principale de ce recul des ressources est liée à la chute des prix de pétrole. Mais il faut retentir que ce recul n'aura pas de conséquences sur le financement de l'économie nationale. Cette situation est normale et ce repli des liquidités ne sera pas un handicap pour la poursuite du niveau de financement de l'économie », affirme un haut responsable, sous couvert de l'anonymat, en rappelant que le taux de crédits accordés dans le cadre des opérations du financement de l'économie a augmenté de près de 8% pour le 1er semestre 2009. D'après lui, la place bancaire algérienne est « en situation où la capacité d'absorption des ressources n'est pas encore atteinte ». Rassurant, il dira encore que l'Algérie est loin de la situation de certains pays du monde, qui ont été obligés de renflouer les caisses des banques. « On dispose encore d'une marge de manœuvre de 2 à 3 ans », conclut-il.