Les camps du président, Hamid Karzaï, et de son principal adversaire, Abdullah Abdullah, revendiquaient hier la victoire dès le premier tour de l'élection présidentielle afghane, qui s'est déroulée dans un calme relatif salué par la communauté internationale. On s'attendait à une journée électorale sanglante en Afghanistan. Il n'en fut rien. Encadrés par 300 000 soldats afghans et étrangers, 17 millions d'Afghans étaient appelés, jeudi, aux urnes pour des élections présidentielle et provinciales. Pas de violences majeures à signaler. 48 heures après le scrutin, les camps des deux principaux candidats à l'élection présidentielle afghane, le chef de l'Etat sortant, Hamid Karzaï, et son ancien ministre des Affaires étrangères, Abdullah Abdullah, crient victoire, chacun de son côté. Le directeur de campagne de Karzaï a ainsi affirmé, hier, que les résultats partiels annonçaient une « large victoire » dès le premier tour pour le président sortant. En Afghanistan, la majorité absolue est requise pour être élu dès le premier tour. Dans la foulée, Abdullah Abdullah le rival de Karzaï, se dit confiant en sa victoire et dénonce des fraudes de l'équipe Karzaï. Il parle de « bourrage des urnes », de « menaces contre les organisateurs et les observateurs des élections », de représentants gouvernementaux « usant et abusant de leur pouvoir contre les autres candidats » que Karzaï.La commission électorale a affirmé que les résultats officiels ne seraient pas proclamés avant la fin de la semaine prochaine et a demandé aux directeurs de campagne des candidats de faire preuve de patience et de prudence. La participation semble faible. Selon les premiers chiffres, elle pourrait être bien inférieure aux 70% comptabilisés lors du scrutin présidentiel de 2004. Autre sujet de préoccupation : la sécurité, encore précaire dans certaines provinces du pays. Plus de 130 incidents ont été recensés par les autorités afghanes. Neuf civils et une quinzaine de membres des forces de sécurité ont été tués dans des attaques perpétrées sur l'ensemble du territoire. Deux soldats britanniques ont également été tués le jour des élections. Karzaï et la réconciliation nationale Il l'a affirmé, s'il était réélu, Hamid Karzaï se penchera sérieusement sur la question de la réconciliation nationale. Il s'agit de négocier avec les talibans une amnistie en échange d'un retour à la paix. Un programme existe déjà, il est baptisé Programme pour la réconciliation (Tahkim-e Solh, PTS) et supervisé par la Commission afghane nationale indépendante pour la paix et la réconciliation. Le PTS – mis en route en 2005 – est un programme soigneusement étudié. Mais son bilan est plutôt maigre à en juger par son impact sur la rébellion, qui ne faiblit pas. Les Etats-Unis ont toujours considéré ces efforts de « réconciliation » avec la plus grande inquiétude, mais la nouvelle Administration américaine a changé de point de vue et souhaite engager un dialogue avec des « talibans modérés ». Mais comment négocier avec les talibans ? Les insurgés, repliés au Pakistan, n'ont pas un seul chef, mais plusieurs, et que dire à ces talibans « réconciliables » ? Accepteront-ils les termes du marché, à savoir qu'ils pourront intégrer le pouvoir politique en échange de la reconnaissance de la Constitution, la renonciation à la violence et l'acceptation de la présence militaire étrangère ? L'offre a déjà été souvent fermement rejetée par les talibans. Mais dans l'hypothèse où d'autres chefs talibans pourraient être tentés, un obstacle juridique surgirait : la liste des personnes visées par les sanctions des Nations unies adoptées par le Conseil de sécurité en 1999. L'existence de cette liste rend impossible tout contact avec ceux qui y figurent. Les conseillers du président Karzaï veulent envoyer un signal fort en direction des talibans, reste à définir le signal.