En attendant le adhan, que vous soyez pratiquant ou pas, éteignez votre télé et ouvrez un livre. Et s'il fait trop chaud pour vous lancer dans un essai ésotérique, prenez donc Un privé à Babylone. Un ami, écrivain lui aussi, Akli Tadjer, nous a conseillé de redécouvrir Richard Brautigan. Grand merci, mon ami ! Jubilatoire le livre, complètement déjanté, décalé. Un polar loufoque où l'absurde s'exhibe avec insolence. Et avec quel talent ! Du zèle dans l'excès à chaque phrase. Faut dire que les standards du polar explosent joyeusement dans une anarchie délirante. Faut vite oublier les Chandler, Hammett, Highsmith… Revoir ses clichés. Le personnage ressemble à Marlowe (incarné à l'écran par Humphrey Bogart) autant qu'un parpaing à la pierre taillée. D'abord Card, le privé paumé, ne roule pas en décapotable, ne séduit pas des blondes fatales, a un physique d'un affamé et la tête à Babylone. Oui, à Babylone, c'est son univers, là où il se réfugie malgré lui. Quand il est engagé pour un boulot où il faut un flingue, il n'a même pas de quoi se payer les balles pour ce flingue. Pour se déplacer, il prend le bus ou marche à pied, avec une seule chaussette. Et quand ça va mal, il s'évade dans ses rêves où il est un héros à Babylone. Faut dire que là-bas c'est un héros et il a même une amoureuse. C'est dire s'il préfère être à Babylone et non à San Francisco. Le roman noir américain prend des couleurs et perd ses codes. Card dynamite tout avec nonchalance. On a l'impression qu'il existe hors de la volonté de son créateur, Richard Brautigan. Un livre à ne pas prendre au sérieux. A lire pour rire, s'amuser et relativiser. Deux ou trois heures de franche rigolade. A consommer sans modération.