L'interpellation manu militari de Benfodil pour sa pièce théâtrale Les Borgnes ou Le Colonialisme intérieur brut, sur un site romain de Tipaza, le 13 août 2009, constitue une atteinte grave à la libre expression artistique en Algérie. Elle traduit clairement l'intention des pouvoirs publics d'empêcher toute forme d'initiative échappant à son contrôle tatillon. Elle dénie aussi à tout artiste ou écrivain le droit de pouvoir choisir librement la façon et le lieu de diffusion de son œuvre et de ses idées. Si Benfodil a délibérément choisi de faire une lecture publique de sa pièce théâtrale « sans autorisation », c'est parce qu'il est conscient que la création artistique et littéraire ne doit pas fonder son existence en demandant quelque « copyright » aux pouvoirs publics. C'est au contraire dans une totale liberté que toute création intellectuelle doit trouver la plénitude de son épanouissement. Si nos théâtres régionaux avaient pris l'habitude d'ouvrir leurs portes à nos dramaturges, sans ostracisme aucun, la pièce Les Borgnes ou Le Colonialisme intérieur brut aurait été certainement jouée en salle. L'intérêt soudain manifesté ces derniers temps par le ministère de la Culture pour porter à la scène les auteurs algériens est en totale contradiction avec le sort réservé aux auteurs maudits, ceux peut-être qui proposent des œuvres mettant en cause l'ordre établi. Pour manifester sa solidarité avec Benfodil, le café littéraire de Béjaïa lui a récemment lancé une invitation pour nous faire une lecture publique de sa pièce « sans autorisation ». Rien ne doit arrêter la liberté de création et de diffusion des arts et des lettres. Le café littéraire de Béjaïa Le 21 août 2009