Ces derniers concernent trois lourds dossiers liés à des marchés de gré à gré, accordés au bureau d'études privé CAD, pour le réaménagement du siège de Ghermoul, à l'italienne Saipem SPA/Algeria Saipem Contracting, pour la réalisation du lot 3 du gazoduc GK3, et à Contel-Funkwerk, pour l'achat d'équipements de télésurveillance et de protection électronique. Dernièrement, le juge a ordonné la saisie des biens d'Al Smaïl Mohamed Réda, conseiller de Funkwerk et en même temps patron de Contel-Funkwerk Algérie, et principal actionnaire de Contel holding SPA (3 villas, situées à Ben Aknoun, Birkhadem et Bir Mourad Raïs) ainsi que le gel des comptes en dinars et en devises de Contel Funkwerk, et du holding domiciliés dans les banques de Natexis Algérie, City Bank et BNP Paribas. Le magistrat a également saisi les biens des deux enfants de l'ex-P-DG de Sonatrach. Il s'agit d'une villa située à Birkhadem, d'un duplex à Aïn Allah, d'une Audi Q5 appartenant à Mohamed Réda Meziane et d'une villa à Bouzaréah, d'une BMW X5, biens de Fawzi Meziane. Le juge a gelé les comptes de Hachemi Meghaoui (ancien PDG du CPA) et son fils Yazid (tous deux actionnaires dans les sociétés d'Al Smaïl et conseillers de Funkwerk). L'ensemble des biens saisis avaient été acquis durant la période 2005-2010, relative à la passation de cinq marchés de gré à gré, obtenus par Contel-Funkwerk, pour l'acquisition d'équipements de télésurveillance pour un montant de 11,100 milliards de dinars (1100 milliards de centimes). Dans ce dossier, l'audition des responsables de la société allemande Funkwerk et de Contel Algérie a levé le voile sur de nombreuses zones d'ombre. A commencer par celles qui entourent les sociétés créées par Al Smaïl Mohamed Réda. En effet, en 2004, lorsque Al Smaïl, né en 1975, a sollicité Réda Meziane, son camarade de lycée, pour un rendez-vous avec son père, récemment installé à la tête de Sonatrach, il était le principal actionnaire de la Sarl Contel Algérie (et président de son conseil d'administration) qui représentait TVI, une firme allemande d'équipements de télésurveillance. Dans ce domaine, Al Smaïl avait déjà fait son entrée. Vers la fin des années 1990 et début 2000, sa société Sopite (créée en 1997) avait obtenu un important marché auprès du CPA, pour doter plusieurs dizaines d'agences de matériels de protection électronique. La relation qui se tisse entre Al Smaïl et Hachemi Meghaoui, alors PDG du CPA, ne va pas se rompre avec la fin de mission de ce dernier en 2005. Il devient conseiller financier de Contel, où son fils, patron de la Sarl All Road de transport de carburant, y exerce. Une fois le premier marché de gré à gré pour un montant de 1,97 milliard de dinars (197 milliards de centimes) obtenu en juin 2006 et le protocole de représentation de Funkwerk signé, il modifie les statuts de sa société et crée la Sarl Contel-Funkwerk, détenue à 27% par Contel et 73% par la société allemande Funkwerk, suivi quelques mois après de la création d'un holding. Les marchés se multiplient. Au nombre de cinq, ils atteignent le montant de 11,100 milliards de dinars, pour lesquels une commission de 4,5 millions d'euros aurait été versée par la partie allemande, sous forme de crédits et de contrats de consulting d'une durée de deux ans, avec des rémunérations allant de 10 000 euros jusqu'à 30 000 euros pour Al Smaïl, Meghaoui Hachemi et son fils Yazid ainsi que Mohamed Meziane. Lors de leur audition par le juge en tant que témoins, les représentants de Funkwerk apportent un nouvel éclairage. Ils révèlent avoir été contactés vers la fin de 2005 par Contel Algérie pour servir de sous-traitants à la société TVI, qui était sur le point d'obtenir des marchés avec Sonatrach pour la fourniture d'équipements de protection électronique et de télésurveillance. Après, c'est Funkwerk, grâce à Al Smaïl, qui sera choisie, mais à la condition de créer une nouvelle société de droit algérien avec Contel en Algérie. Une visite de l'usine allemande a été effectuée par des cadres de Sonatrach et un projet pilote dans ce domaine a été retenu par la compagnie à Hassi Messaoud, suivi du premier contrat de gré à gré d'un montant de 1,960 milliard de dinars obtenu en juin 2006 par Contel-Funkwerk. Celle-ci est détenue à hauteur de 73% des parts par les Allemands et 23 % par Contel. Les responsables de Funkwerk expliquent ne pas être au courant de la commission de 6,5% (1,100 million d'euros) dont Al Smaïl a parlé. Mais ils précisent que lors de la réunion avec ce dernier en Allemagne, les dirigeants de Funkwerk avaient accepté de prendre en charge les dépenses effectuées entre mars, avril, juin et novembre 2005, dans le cadre des démarches entreprises pour l'obtention des contrats, notamment la prise en charge de 400 personnes ayant participé à une conférence à l'hôtel Sheraton, à Alger, mais aussi les frais de voyage en Allemagne et à Hassi Messaoud. L'ensemble de ces factures avaient été évaluées dans un premier temps à 881 320 euros. Des crédits pour justifier les virements Pour donner à ces montants un justificatif comptable, un crédit de 650 000 euros a été accordé à Al Smaïl, en tant que personne physique et non en tant que PDG de Contel, une somme qui englobe aussi les dépenses à venir. Pour eux, il est plus facile de procéder à des virements vers le compte d'une personne physique que celui d'une société, d'autant, soulignent-ils, que Contel, que dirige Al Smaïl, n'avait pas de compte en euros. Ce virement a été effectué en deux parties, en octobre et en novembre 2008. Plusieurs autres sommes ont été transférées sous forme de prêts sans que le taux d'intérêt ou l'échéance de remboursement ne soient définis. Ils citent : 45 000 et 40 000 euros en 2006, 120 000 euros, 100 000 euros et 60 000 euros en 2009. D'après les responsables de Funkwerk, ces fonds devaient servir à la création en France d'une société par Al Smaïl. Pour ce qui est du contrat de consulting établi avec Al Smaïl, pour un salaire mensuel de 30 000 euros, sur une période de deux ans, les responsables de Funkwerk précisent qu'il a été signé après les trois marchés obtenus auprès de Sonatrach vers septembre 2007, en contrepartie des services qu'il a effectués en son nom et non au nom de Contel pour l'obtention des marchés. Ces prestations ont été estimées à 200 jours d'exercice, en Allemagne et en Algérie. A ce titre, Al Smaïl a reçu 15 virements, deux en 2007, onze en 2008 et deux en 2009, d'un montant de 30 000 euros chacun. D'autres virements ont été effectués: 60 000 euros en septembre 2008, 50 000 euros et 50 000 euros en octobre 2008, 60 000 euros un mois après et 60 000 autres en janvier 2009. En tout, Funkwerk a viré au compte d'Al Smaïl, sous forme de prêts ou de rémunération, un montant de 2,385 millions d'euros. Pour ce qui est du contrat de consulting, qui fait état de cette commission de 6,5% sur les marchés obtenus, Funkwerk révèle que cet accord a été signé en application de deux autres conventions entre la société allemande et Contel Algérie. La première, en 2007, porte sur les services entre les deux parties, suivie d'une autre en 2008 relative aux travaux supplémentaires (au contrat). L'objectif de ces deux accords est de prendre en charge toutes les prestations de services accomplies par Contel dans le cadre du marché qu'elle a eu auprès de Sonatrach en payant toutes les factures présentées d'un montant global de 237 500 000 DA. Les contrats de consulting avec Hachemi Meghaoui, pour une durée de deux ans, et une rémunération mensuelle de 10 000 euros, disent-ils, ont été accordés pour sa qualité d'ancien PDG d'une banque publique, ayant une connaissance en matière de mouvement de fonds vers l'étranger, tout en étant informé de sa qualité d'actionnaire au sein de Contel Algérie. Les virements effectués sur son compte à Paris ont atteint 300 000 euros. Son fils Yazid a obtenu le même contrat, mais pour un salaire de 8000 euros, afin de prendre en charge toute la procédure de dédouanement et de transfert des équipements (depuis l'arrivée à la frontière tuniso-algérienne jusqu'à Hassi Messaoud). Les virements ont été effectués à son compte à Paris, pour un montant total de 230 000 euros. Interrogés sur le montant de 650 000 euros versé par Funkwerk au compte d'Al Smaïl en France, et qui a servi à l'achat d'un appartement à Paris, au nom de Mme Meziane, épouse de l'ex-PDG de Sonatrach, les témoins déclarent qu'il s'agit d'un prêt accordé à Al Smaïl, tout en disant ignorer ce que ce dernier allait en faire. Des révélations qui lèvent le voile sur une partie du dossier. Celui-ci s'achemine vers la dernière étape, celle de la qualification des faits, bien sûr après les auditions de récapitulation et qui pourront commencer dès la fin du mois de mai.