Le nouveau week-end algérien, s'étalant du vendredi au samedi au lieu et place du jeudi et vendredi, a montré très vite à l'épreuve des réalités son caractère irréfléchi et ses objectifs qui sacrifient manifestement les exigences économiques que la mesure est censée viser aux calculs politico-idéologiques étroits. Officiellement, ce nouvel aménagement dans le repos hebdomadaire qui fut pendant longtemps un sujet tabou en raison de la sacralisation de la journée du vendredi est justifié par des impératifs de réalisme économique. Dans ses relations d'affaires avec l'étranger, l'Algérie avait tout à gagner en s'insérant dans la logique du week-end universel même si pour des considérations religieuses elle s'est gardée de faire le grand saut pour s'aligner sur le reste du monde non musulman avec lequel l'Algérie entretient des liens économiques et commerciaux denses. Certes, il est trop tôt pour faire un bilan de la rentabilité économique du nouveau week-end, mais déjà de nombreux secteurs, parmi lesquels notamment ceux de l'éducation et de la presse, sont voués à connaître de graves perturbations dans leur fonctionnement dans le sillage de cette mesure. Le système éducatif devra connaître un profond bouleversement en termes de réaménagement des volumes horaires pour compenser la demi-journée de repos additionnelle dans le cadre du nouveau week-end de deux jours pleins mais aussi au plan des programmes et des autres questions pédagogiques les plus diverses. D'autres secteurs d'activités ne tarderont pas à découvrir les limites et les incohérences de cette nouvelle mesure qui s'avère plus pénalisante que valorisante pour le développement du pays sous toutes ses dimensions. La mort dans l'âme, de nombreux titres de la presse ont déjà fait connaître leur décision de ne plus paraître le vendredi, comme il était entendu au départ avec le passage au nouveau week-end, mais le samedi en raison de la fermeture des imprimeries publiques le vendredi. Les banques qui sont le poumon de l'économie d'un pays se retrouvent elles aussi dans une situation tout aussi bancale. La relation avec leur clientèle nationale est amputée d'une demi-journée, celle du jeudi matin qui permettait dans l'ancien système aux opérateurs économiques et aux particuliers de régler leurs problèmes. Le nouveau dispositif paralyse carrément le vie administrative, économique et sociale, voire même politique et culturelle du pays. Les salariés qui avaient organisé leur vie sociale autour de la journée de jeudi laquelle leur offrait l'avantage de disposer, d'une part, d'une demi-journée ouvrable pour se faire délivrer un document d'état civil ou retirer de l'argent de la banque et, d'autre part, de toute la journée de jeudi pour les loisirs et pour la satisfaction des autres besoins sociaux (faire ses courses hebdomadaires, le shopping) sont tout bonnement déboussolés avec le nouveau week-end. Le repos hebdomadaire qui vise dans l'entendement général à rompre le temps d'un week-end avec la routine du travail pour se ressourcer comme on peut, se retrouver en famille, se décompresser, faire ses emplettes pour la semaine, se décline comme une invitation à l'enfermement, à l'inactivité. En prenant cette décision qui bouleverse les comportements sociaux et d'une manière plus large toute la vie du pays, le gouvernement a-t-il réfléchi à toutes ces conséquences et à d'autres qui ne manqueront pas de peser lourdement sur le développement global du pays ? Le week-end, même dans les pays les plus conservateurs, n'est pas fait uniquement pour prier et dormir.