Parce qu'elle devait se faire exploser dans un marché populaire de Baâqouba mais y a renoncé à la dernière minute, Rania Ibrahim, 15 ans, a été condamnée à 7 ans et demi de prison. A 15 ans, les minettes connaissent leurs premiers émois, se pâment devant les posters des quatre garçons de Tokyo Hotel ou écoutent inlassablement les tubes de Britney Spears. Mais à cet âge-là, dans l'Irak sous occupation américaine depuis mars 2003, Rania Ibrahim a déjà vécu une vie d'adulte. A 11 ans, Rania a quitté l'école. A 14 ans elle s'est mariée avant de perdre son frère et son père suicidés dans deux attentats kamikazes. A 15 ans, elle a voulu mourir en martyr en se faisant exploser dans un marché populaire. Elle devait être la 39e femme bombe-humaine, mais elle a échappé à la mort in extremis. Jugée le 2 août à Baghdad par un tribunal pour enfants, elle a été condamnée à 7 ans et demi de prison. Enfant, Rania rêvait de devenir docteur ou enseignante. Peu portée sur les études, elle quitte donc prématurément les bancs de l'école. Issue d'une famille modeste, ses parents, qui la destinaient à une vie de femme au foyer, la marient à Hamid, un chômeur âgé d'une vingtaine d'années. Vite fait, vite casée. Mais à la place d'un mari pépère, la petite hérite d'un mari tueur sans foi ni loi. Membre d'Al Qaïda, Hamid est un assassin qui a à son actif une quarantaine de décapitations. Nourri de la haine et abreuvé de sang, cet homme veut faire de sa femme-enfant une kamikaze. Alors il la couvre de cadeaux, lui serine des serments sur le paradis éternel et lui promet mille et une réjouissances une fois arrivée dans les jardins d'El Ferdouss. Dimanche 24 août 2004. Il règne une chaleur d'enfer à Baâqouba, une bourgade située à 50 km au nord de Baghdad. Ce jour-là donc, Rania est prête pour le grand martyr. Aidée par sa cousine Widad, elle enfile, par dessous son abbaya noire, sa tunique léthale : une ceinture ceinte de 20 kilos d'explosifs. Elle boit un verre d'un élixir censé l'envoyer directement au paradis. En fait, il s'agit d'une mixture à base d'un jus et d'une drogue puissante, alors elle se dirige vers le marché populaire de Baâqouba. En guise d'ultimes recommandations, Widad lui susurre à l'oreille qu'au moment où elle déclenchera la charge fatale, elle verra éclore des fleurs devant ses yeux. Mais voilà, arrivée devant un check-point gardé par des miliciens sunnites, Rania hésite, panique et perd pied... Son comportement éveille la suspicion des miliciens qui ne se font pas prier pour procéder à son arrestation avant que la petite ne commette le carnage. Devant les juges, Rania plaide la manipulation. Plutôt indulgents, les magistrats lui infligent une peine de 7 ans et demi de prison. Assez pour lui faire méditer sur son acte avorté.