Si le Ramadhan est un mois d'abstinence, il booste néanmoins la consommation TV et internet des Algériens. La généralisation de l'accès aux chaînes satellitaires arabes et au Web ont entraîné un changement des habitudes sociales des familles pendant le mois sacré. L'usage d'internet n'est pas seulement orienté pour les besoins professionnels ; plusieurs jeunes profitent de ses fonctionnalités pour résister aux contraintes de jeûne, comme un passe-temps à travers le chat, la communication via les réseaux sociaux (Facebook, MySpace) et le téléchargement multimédia. Certains s'informent sur le licite et l'illicite. Les journées sont rythmées par les séries télévisées, mosalsalat, diffusées en grand nombre. Jusqu'en 2000, les séries égyptiennes avaient un quasi-monopole sur le marché de la fiction télévisée arabe. Aujourd'hui, les séries syriennes grignotent peu à peu ce monopole. Les chaînes veulent proposer une offre très large pour répondre à toutes les demandes. Un savant dosage fait de sitcoms, de comédies théâtrales et d'émissions religieuses ou culinaires. De quoi aiguiser l'appétit de leur public. Il faut garantir un festin de 30 jours. Nabil Karoui, de Karoui & Karoui, un groupe de communication à l'origine du projet Nessma TV, a déclaré : « Nous voulons présenter à notre public maghrébin un programme qui réunit l'essentiel de ce qu'il aime et de ce qu'il souhaite regarder selon les horaires qui lui conviennent. » Nessma TV présente à ses téléspectateurs deux séries phare de cette année : Bab Al Hara 4 qui sera diffusée aussi cette année sur MBC et le feuilleton Houdou Nessbi réalisé par Chawki Majri et écrit par le scénariste et écrivain syrien Khaled Khalifa. Cette nouvelle méga-production est une fiction politique et sociale qui relate les conditions périlleuses entourant le travail des journalistes arabes et étrangers, après l'invasion de l'Irak par les troupes américaines, en 2003. La télévision algérienne a investi l'humour avec, entre autres, Djamaï Family 2 et Souk El Hadj Lakhdar. Les Algériens se réconcilient avec la chaîne nationale durant ce mois particulier. En temps normal, ils regardent plus souvent les chaînes étrangères. Les séries, les sitcoms et les feuilletons captivent davantage les téléspectateurs et convainquent beaucoup plus qu'avant parce qu'ils collent plus à la réalité. Le public se sent proche des acteurs qui utilisent l'humour pour faire passer des messages... avec délicatesse, style l'émission El fhama. « Dès que je rentre à la maison, j'allume la télévision et je zappe d'une chaîne arabe à une autre. Je ne me lève que pour donner un petit coup de main à ma mère dans la cuisine », témoigne Zahia, une employée de bureau. Omar, fonctionnaire, préfère les émissions religieuses : « Une manière de se fortifier dans la maîtrise de soi et l'élévation spirituelle. » Internet a remplacé auprès d'une partie des jeunes les jeux de cartes : en effet, elle fréquente les cybercafés avant la rupture du jeûne pour « tuer le temps » et après le f'tour pour « passer le temps » ! Les femmes qui ont la connexion à domicile naviguent pour dénicher les bonnes recettes. Des chaînes européennes profitent de ce mois pour diffuser, en seconde partie de soirée, des reportages sur le Ramadhan non seulement en terre d'Islam mais aussi en Occident. Un fait est mis en exergue : ceux qui jeûnent en France, en Allemagne et ailleurs en Europe reconnaissent tous, quasiment avec les mêmes mots, qu'il s'agit d'une décision très personnelle. Ils insistent sur la dimension intérieure et spirituelle accrue que le jeûne revêt à leurs yeux, de ce côté-ci de la Méditerranée. Ils respectent l'observance de ce quatrième pilier de l'Islam au sein d'une communauté religieuse minoritaire, dans une société sécularisée. Dans les reportages réalisés dans les pays arabes, il est mis en exergue les spectacles spéciaux après le f'tour, donnant une tonalité festive à la vie nocturne.