Les prix de gaz naturel ont atteint leur niveau le plus bas en 7 ans, révèle le quotidien français le Monde, citant l'agence économique et financière Breakingviews.com. Aux USA, les prix ont baissé de moitié, à 3,096 dollars par million de British Thermal Units (MBTU), ajoute cette agence, en expliquant que cette chute des prix est due à l'accroissement de l'offre. Une situation de surabondance s'annonce pour le marché mondial, selon les différentes prévisions. Quid de l'Algérie ? Pays mono-exportateur, l'Algérie tire ses recettes à hauteur de 98% des hydrocarbures, notamment le gaz naturel dont elle exporte plus de 60 milliards de mètres cubes par an. Pour Sadek Boussena, professeur à l'université de Grenoble, la baisse des prix du gaz naturel a eu lieu dans les marchés spot où se négocient des contrats à court terme, notamment aux USA où le MBTU était cédé à 2,8 dollars hier, alors qu'il avait atteint une moyenne de 14 dollars et des pics journaliers de 21 à 22 dollars/MBTU en 2006 sur les marchés spot et futurs aux USA. L'Algérie, ajoute-t-il, ne commercialise approximativement que 10% de ses exportations de gaz sur ce marché. D'après lui, le prix du gaz algérien n'a pas connu un tel effondrement car « la plus grosse partie des exportations, soit plus de 80%, se réalise sous forme de contrats à long terme dont le prix est indexé sur le pétrole ou les produits pétroliers, et ces derniers malgré la baisse importante par rapport à l'an dernier sont tout de même restés à des niveaux convenables ». Pour étayer ses propos, M. Boussena rappelle que le MBTU vendu sous la formule de contrat à long terme est commercialisé entre 7,5 et 8,8 dollars/MBTU. « Cela reste un prix acceptable, même s'il a baissé de 3 à 4 dollars/MBTU par rapport à il y a une année », souligne-t-il. Estimant que « le marché spot permet parfois de mieux vendre », cet ancien ministre de l'Energie rappelle que Sonatrach a réalisé quelques bonnes affaires ces dernières années lorsque les cours du GNL avaient flambé sur les marchés US, asiatique ou britanique. « Réserver des volumes pour profiter du spot, c'est judicieux, mais l'expérience montre qu'il faut aussi se préserver des évolutions adverses et donc maintenir le gros des ventes sous forme de contrats à long terme avec la clause dite de Take or Pay », commente-t-il. Interrogé sur le risque que la baisse des prix s'installe pour longtemps, M. Boussena indique qu'« on peut, éventuellement, du fait du tassement de la demande et de la mise en production de nouvelles capacités, avoir d'ici une année des surplus de l'offre, qui peuvent faire chuter les prix ». Prudent, il dit encore : « Mais nul ne peut le prédire avec certitude, la demande de gaz naturel dans ces marchés est influencée par l'évolution de la situation économique et, sur ce point, beaucoup d'incertitudes demeurent. » Cependant, le gaz algérien est bien situé géographiquement : Sonatrach vend du gaz par pipe et par GNL, elle a de solides contrats à long terme, des volumes pour le spot, un portefeuille de clients, des marchés bien diversifiés, ce qui lui donne, par rapport à d'autres fournisseurs, quelques atouts qu'elle pourrait valoriser encore plus en allant investir dans les marchés en aval où les profits semblent très juteux. Concurrence Mourad Preure, expert international en hydrocarbures, abonde presque dans le même sens : « Depuis la directive sur le gaz, le marché gazier eu Europe s'est déréglementé en s'orientant vers des logiques de court terme alors qu'il a été construit sur des logiques de long terme. » Et d'ajouter : « Les prix de pétrole et du gaz sont liés. Seulement, dans le cas du gaz, il faut un certain temps avant que les impacts ne se manifestent. Le marché gazier n'est pas un marché captif. Le gaz a toujours eu des substitutions. » Pour M. Preure, l'arrivée en Europe de cargaisons de gaz naturel en provenance du Qatar constitue une concurrence de taille pour l'Algérie. « Cette forte concurrence va se manifester à l'avenir. Pour le moment, l'option GNL est coûteuse et les pays du Moyen-Orient vont construire des gazoducs pour son acheminement vers l'Europe », indique-t-il. Cependant, notre interlocuteur estime qu'il ne faut pas considérer ces nouvelles cargaisons d'environ 73 000 milliards de mètres cubes comme étant « une menace » pour l'Algérie. Actuellement évaluée à 55%, la dépendance gazière des pays de l'OCDE sera de 70% en 2030, selon cet expert. « L'Algérie doit se positionner comme un acteur et non pas comme une ressource », plaide M. Preure. Par ailleurs, il soulève certaines contraintes dont l'Algérie fait l'objet sur le marché gazier européen. « L'Europe invoque souvent des contraintes de souveraineté pour expliquer certains blocages. Il faut que le marché européen permette à l'Algérie d'accéder au client final. Il faut que l'Europe ait un regard nouveau », clame-t-il. Dans le cas contraire, M. Preure prédit un choc gazier en Europe dans le futur.