« Le capitalisme c'est le mal, et on ne réforme pas le mal, on l'éradique pour le remplacer par le bien pour tous : la démocratie », lance Michael Moore dans Capitalism : a love story, son dernier brûlot sur la crise économique aux Etats-Unis, ovationné à la 66e Mostra. Dimanche, la Française Claire Denis dévoile de son côté White Material co-écrit avec l'écrivaine Marie Ndiaye. Mais les projecteurs sont braqués sur l'auteur de Bowling for Columbine, Oscar du meilleur documentaire en 2003 et de Fahrenheit 9/11, Palme d'or en 2004. Vingt ans après avoir filmé les ravages causés dans sa ville de Flint (Michigan) par des licenciements massifs chez General Motors (Roger et moi), Moore constate que « bien des villes aux Etats-Unis » sont aussi mal en point. « Une famille est expulsée de sa maison toutes les sept secondes et demie. C'est un chiffre frappant », a déclaré, samedi soir à Venise, l'Américain, à la veille de la projection de gala de son film, en lice pour le Lion d'or. Enfants en larmes à la rue ou forcés de dormir dans un camion avec leurs parents, familles ou retraités ruinés émaillent Capitalism : a love story. Car la grave crise actuelle frappe de plein fouet les Américains modestes, dont cet « activiste politique » s'est fait le porte-parole. Elle est liée, dit le film, à la collusion entre les grandes banques d'affaires et l'administration de l'ex-président George W. Bush, mais aussi à un travail de sape antérieur nommé « dérégulation », qui a permis à Wall Street de se transformer en « vrai casino où l'on peut parier sur n'importe quoi ». « Les gens ont permis à Wall Street de décimer l'infrastructure industrielle de notre pays pour dégager de plus grands bénéfices », a expliqué Moore. Car les Etats-Unis ne sont plus une démocratie mais une « plutonomie » où une infime minorité détient la quasi-totalité des richesses, affirme le réalisateur en voix off, reprenant le concept d'un économiste de la banque Citigroup. Quant au plan de sauvetage des banques de quelque 700 milliards de dollars adopté cet automne aux frais du contribuable américain, c'est un « coup d'Etat financier ». Dans une irrésistible séquence, le documentariste barre la luxueuse entrée d'une grande banque avec un ruban jaune portant la mention « scène de crime - ne pas franchir ». Alors, pourquoi la majorité ne se rebelle-t-elle pas ? C'est qu'elle croit pouvoir s'enrichir un jour, dit Michael Moore sur d'hilarantes images d'un petit chien qui saute désespérément en l'air pour atteindre un petit bout de gâteau, posé sur une table. Maniant habilement, comme à son habitude, interviews sauvages, images choc, ironie dévastatrice et commentaires à l'emporte-pièce, Michael Moore donne en vrac, quelques exemples des excès du capitalisme à l'américaine. Des compagnies aériennes sous-paient leurs pilotes au point que ceux-ci doivent prendre un deuxième emploi pour vivre, des promoteurs rachètent pour rien mais revendent au prix fort les maisons saisies par les banques. Et de grandes entreprises comme Bank of America, Citibank ou AT&T contractent des polices d'assurance pour leurs employés qui leur permettent, lorsque ceux-ci décèdent, de toucher un pactole. Très applaudi par la critique, Capitalism : a love story, qui se termine sur l'air de l'Internationale en version jazzy, poussera chaque spectateur à se mobiliser contre ce système, espère-t-il. Car un prêtre qu'il a interrogé l'assure : le capitalisme est « immoral, obscène, c'est le mal absolu ». Lundi, deux autres Américains sont attendus, Oliver Stone (South of the border) et Steven Soderbergh (The informant).