Pour satisfaire au rituel prophétique prescrivant de rompre le jeûne avec des dattes et du lait, les familles se sont contentées de quelques Deglet Nour de l'année dernière, jalousement gardées. S'il y a bien un fait marquant le secteur de la consommation, relevé par de nombreux habitants de la reine des Ziban, en ce Ramadhan 1430, c'est bien le manque flagrant de dattes sur les étals des marchés et des commerces spécialisés. Fruit miracle des oasis, sur lequel repose tout un pan de l'économie locale de Biskra, qui est la wilaya de la datte par excellence, celui-ci est pourtant introuvable. En effet, à Tolga, Bordj Ben Azzouz, Lioua, M'lili, Oumache, Sidi Okba et bien d'autres communes où croissent d'immenses palmeraies, les entrepôts et les immenses chambres froides sont désespérément vides de toute marchandise. On y procède au nettoyage, à la désinfection minutieuse et à l'entretien des moteurs et des appareils électriques en prévision de la prochaine récolte qui débutera au début de l'automne pour se terminer vers la fin de l'année. Les unités de conditionnement sont à l'arrêt. Ainsi, cette année, les familles de Biskra se sont contentées, pour satisfaire au rituel prophétique prescrivant de rompre le jeûne avec des dattes et du lait, de quelques Deglet Nour de l'année dernière, jalousement gardées, de Ghers ou de M'naggar, datte de saison croquante et juteuse sur sa partie jaune et molle et sucrée sur sa partie brune, vendue de 150 à 300 DA le kilo par des revendeurs squattant les alentours du marché central de Biskra. Quelques commerçants du centre-ville proposent aussi quelques barquettes « rescapées de la dernière cueillette », avouent-ils, mais ces fruits de catégorie inférieure, de surcroît rendus rabougris et acides par de mauvaises conditions de stockage, attirent peu de clients. Force est de constater qu'en dépit d'un patrimoine phoenicicole global de 4,5 millions de palmiers, dont la moitié est productif et qui, selon les estimations des professionnels, produiront, cette année, quelque 2 millions de quintaux de dattes dont 80 % de Deglet Nour, la rareté de la datte n'aura jamais été aussi palpable que ces jours-ci. L'approche de la saison de la récolte de dattes suscite chez bien des interlocuteurs questionnés à ce propos de l'espoir. « Les 2 millions de quintaux de dattes attendus pour cette année ne peuvent en aucun cas suffire à la consommation interne du pays et aux besoins des exportateurs. Il est absolument nécessaire de poursuivre les efforts pour étendre les superficies plantées de palmiers dattiers afin de prévenir l'augmentation des besoins en dattes », explique un jeune technicien de l'agriculture. Et d'ajouter : « Même avec l'entrée en production de près de 2 millions de palmiers dans très peu d'années, la production locale de dattes ne couvrira ni les besoins du marché national allant crescendo, ni ceux des exportateurs qui ont le souhait d'augmenter le volume de leurs transactions ». Il prône d'étendre, dès à présent, les superficies dévolues à la culture des palmiers car, explique-t-il, avec seulement 3,6% de sa superficie consacrés à la culture des palmiers dattiers, la wilaya de Biskra a indéniablement, au même titre que d'autres wilayas du Sud, comme El Oued et Ouargla, un formidable potentiel à développer dans le secteur de la phoéniciculture. « Le chômage ne devrait pas exister avec de telles perspectives. Si nous ne voulons plus connaître de pénurie de dattes telle que celle-ci et rester dans le quintet des pays exportateurs de dattes constitué de la Tunisie, de l'Arabie Saoudite, de l'Iran et des Etats-Unis cultivant en Californie d'excellentes variétés de dattes et gagnant de nouveaux marchés chaque année, il ne faut pas dormir sur nos lauriers », dira-t-il.