Rien ne vaut l'ONU et ses institutions spécialisées, en tête desquelles l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, les sciences et la culture (Unesco) si l'on devait tenir compte des coups de gueule, des pétitions, des tractations diplomatiques et autres crispations qui ont marqué l'été et même les mois précédents. Est-ce que c'est l'élection du nouveau directeur général de l'Unesco qui justifie cette manifestation d'intérêt ou s'agit-il d'une bien plus grande opération qui consiste à s'assurer le contrôle des organisations internationales et, par voie de conséquence, encadrer le futur patron de cette institution. Pourtant, jusqu'au début de cette année, très peu s'intéressaient à cette institution, malgré le retour en 2002 des Etats-Unis après quatorze années d'absence, le nouveau président américain Barack Obama ayant même désigné un ambassadeur au sein de cette organisation, signe évident de la normalisation. Et puis, il y a un enjeu non négligeable qui mobilise bien plus que prévu. Des candidats d'abord, neuf au total, selon la dernière liste de l'Unesco, après un premier tri. Il est vrai que chacun compte ses chances. La Russie envisage de briguer ce poste, son candidat étant l'ancien vice-ministre des Affaires étrangères. C'est d'ailleurs à Moscou que l'on a eu la formule heureuse pour décrire cette opération comparée à l'organisation des Jeux olympiques. Sauf que « la différence réside dans le fait que l'olympiade constitue un projet à usage unique, alors qu'en cas de victoire, nous (les Russes, ndlr) serons théoriquement en mesure de diriger l'Unesco pour de nombreuses années. Il s'agit d'une chose importante pour l'image du pays ». Mais, vue cette fois d'Israël et par de nombreux groupes de pression qui gravitent autour des pouvoirs occidentaux, l'Unesco intéresse beaucoup plus que les Jeux olympiques. Il y a une forte connotation idéologique. Retour donc sur cette élection que l'on dit toujours arrangée même si le favori, c'est-à-dire l'Egyptien Hosni Farouk, présenté comme un personnage très controversé, subit des attaques violentes et fortes. Au soir du 17 septembre, soit dès le premier tour, M. Hosni, ministre de la Culture depuis une vingtaine d'années dans son pays, serait sûr de bénéficier des voix de 32 des 58 pays membres du conseil exécutif de l'Unesco qui siègent selon le principe de la rotation. Suffisant pour battre ses 8 adversaires et devenir le premier Arabe à diriger cette institution depuis sa création, en 1945. C'est d'ailleurs pour cette raison que l'on parle de consensus arabe sur le candidat égyptien, éliminant de fait d'autres candidatures comme celle de l'ancien ministre algérien des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui. L'Egypte, qui a mobilisé tout son appareil diplomatique, a ratissé large et obtenu de nombreux engagements de pays occidentaux. La principale concurrente de son candidat, l'Autrichienne Benita Ferrero-Waldner, commissaire européenne aux Relations extérieures, a reconnu la semaine dernière à Stockholm qu'elle ne pourrait même pas disposer d'une position commune des Européens sur sa candidature, sans doute pas » de position commune des Européens sur un candidat dès le premier tour du processus de désignation du futur directeur général de l'Unesco, a déploré Mme Ferrero-Waldner. Le problème, c'est qu'« il y a trois candidats » venant de l'UE, a fait remarquer le ministre italien des Affaires étrangères, Franco Frattini. Outre Mme Ferrero-Waldner, de nationalité autrichienne, l'ambassadrice lituanienne à l'Unesco, Ina Marciulionyte, et l'ambassadrice de Bulgarie à Paris, Irina Bokova, sont également sur les rangs. Les 9 candidats – parmi lesquels un vice-ministre russe des Affaires étrangères, Alexandre Iakovenko, et l'ex-ambassadrice de l'Equateur à Washington, Ivonne Baki – seront départagés par un vote à cinq tours au maximum. Le candidat désigné sera ensuite confirmé en octobre par la conférence générale, l'assemblée plénière des 193 membres de l'Organisation. Voilà donc pour la procédure, place maintenant aux attaques contre le favori, dont on se plaît, sur de nombreux sites, à énumérer ses propres déclarations pour en faire un anti-israélien et un antisémite. Comme le fait d'avoir déclaré qu'il brûlerait lui-même les livres israéliens qu'il trouverait dans les bibliothèques de son pays. Personne ne tient compte du contexte et pour beaucoup, M. Hosni devait se sentir dans l'obligation de dire à une opinion égyptienne, révoltée par la répression israélienne, ce qu'elle voulait entendre, même si cela n'a aucun sens, l'Egypte étant le premier de trois pays arabes à avoir reconnu Israël et établi avec lui des relations diplomatiques. Il n'est donc pas attaqué sur des atteintes à la liberté d'expression comme le lui reproche l'opposition égyptienne. Tout en affirmant regretter de tels propos, Farouk Hosni se défend de tout antisémitisme et affirme fonder son action sur « la réconciliation entre les peuples ». « Au moment où il faut se mobiliser contre les forces de la régression et de l'enfermement communautaire, partout à l'œuvre, le choix d'un Arabe, d'un musulman, d'un Egyptien serait, au-delà de ma personne, un formidable message d'espoir », a-t-il écrit dans une tribune publiée par un quotidien français, un droit de réponse à des attaques d'une rare virulence. Il ne manque pas lui aussi d'appuis, y compris dans les milieux israéliens. Tout semble – en principe du moins – acquis pour le candidat égyptien et il n'est pas inintéressant de prendre en compte les tractations qui ont suivi sa candidature. En ce qui concerne par exemple les Etats-Unis, dont on dit qu'ils étaient eux aussi opposés à sa candidature. Mais cette impression semble sans le moindre fondement depuis le 4 juin, date à laquelle le président Barack Obama avait choisi la capitale égyptienne pour s'adresser au monde arabe et musulman. Mais à l'inverse, très peu se sont souvenu du parcours de celle qui apparaît comme sa principale adversaire, l'Autrichienne Benita Ferrero Waldner. Ceux qui l'ont fait l'ont critiquée pour avoir siégé en tant que ministre des Affaires étrangères de son pays dans le gouvernement allié au parti d'extrême droite de Jorg Haider. Que cache ce subit intérêt pour une institution réduite au silence, sinon présentée presque comme un étouffoir des libertés ? C'est, se rappelle-t-on, la raison invoquée en 1984 par les Etats-Unis pour justifier leur retrait. L'Unesco plaidait pour un nouvel ordre de l'information. Dans le même temps – et peut-être surtout, dira-t-on – elle avait admis en son sein l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) avec le statut d'observateur. Une certaine passion entoure cette élection pour laquelle il est prévu cinq tours. La procédure a consisté, depuis quelque temps à identifier les différents candidats, c'est-à-dire tous ceux qui ont postulé au poste de directeur général à la date du 31 mai dernier, même ceux qui ont, entre temps, annoncé leur retrait. En tout état de cause, l'heureux élu sera connu le 23 de ce mois au plus tard, la procédure devant se poursuivre par la réunion de la conférence générale qui entérinera cette élection. A coup sûr, la passion se dissipera, mais après, dira-t-on ? En d'autres termes, quelle politique appliquera le prochain directeur général ? Certainement pas la sienne.