Les soirées « Mille et une news », organisées par le quotidien El Djazaïr news à la librairie Socrate à Alger, ont marqué les activités culturelles du mois de Ramadhan. Par l'originalité de l'idée et la pluralité des débats, ces soirées, clôturées mercredi soir, ont attiré des hommes de lettres, des journalistes, des artistes, des universitaires, des étudiants et des citoyens. Le lieu, selon Hmida Layachi, romancier, dramaturge et directeur du quotidien El Djazaïr News, est symbolique. « Nous avons voulu montrer qu'il est possible d'avoir un espace culturel autonome dans un quartier populaire. Nous avons transformé un garage en lieu intimiste où l'on peut échanger des idées. Un espace, animé par la société civile, où l'on peut faire beaucoup de choses. C'est une manière de souligner la dimension culturelle du journal », a-t-il expliqué, soulignant que la culture ne doit pas être l'apanage des institutions de l'Etat uniquement. Il existe, selon lui, beaucoup de jeunes talents qui ne demandent qu'à trouver des espaces pour s'exprimer. « Nous avons, par exemple, offert la possibilité à certains d'entre eux de présenter pour la première fois leurs monologues dans toutes les langues », a-t-il indiqué. Durant presque un mois, les débats à Mille et une news ont porté sur la chorégraphie, le roman, les festivals, l'édition, la presse, le soufisme et la télévision. « Le ton des débats était libre. Il est possible de changer ensemble les choses étape par étape. Le Ramadhan nous a donnés l'occasion de lancer l'idée. Et on se dit, est-il possible de faire sortir des intellectuels le soir pour débattre et pour se rencontrer comme ce fut le cas dans les années 1970 et 1980 ? », a ajouté Hmida Layachi. Après l'Aïd, la librairie Socrate abritera, chaque samedi soir, un Café littéraire. « Socrate deviendra un lieu de rencontres », a-t-il insisté. « Les Algériens peuvent respirer l'air de l'art et de la culture », a lancé le directeur d'El Djazaïr news dans une brève intervention de clôture avant de lire un extrait de son dernier roman Hawass (Hallucination). Extrait dans lequel la question récurrente était : « chkoun n'ta ? » (qui es-tu ?). Merzouk Hemiane a pris le relais pour présenter un one man show dans lequel il campait le rôle d'un prisonnier d'opinion écrivant une lettre à sa mère s'inspirant quelque peu de la célèbre chanson du groupe Debza (dont il était membre) B'ni qsourek. « J'étais arrêté par des chiens dans un impasse à la rue de la Liberté », dit ce détenu qui partage une cellule avec un sourd-muet et qui interroge : « Tu n'as pas critiqué l'Etat, puisque tu ne peux pas parler, pourquoi alors es-tu en pri- son ? ». En deuxième partie du spectacle, Merzouk a, avec finesse, évoqué l'état désastreux de l'école algérienne. Une école qui, selon la dernière blague dite par Aboubakr Benbouzid, ministre de l'Education, serait passée du stade « sinistrée » au stade... « classique ». Le groupe Debza a ensuite rappelé aux présents les folles années de la protest-song avec l'interprétation de Kedach Nfekkar, de Allez y et de Ouach Kerouak fil lécol ya wlidi. A la fin des années 1970, le groupe Debza a été créé par des étudiants de gauche, dont Omar Zeggane, Djamel Zenati Salim Bensedira, Mustapha Bacha, Abdelatif Bounab, Rabah Belaouane, Meziane Ourad et autres. Le groupe a connu sa gloire dans les années 1980, avec une intense activité musicale et théâtrale, et a subi la répression du pouvoir à plusieurs reprises. Debza a disparu de la scène culturelle depuis plusieurs années. Aggoun Abdallah, médecin de formation et ancien du théâtre de la rue d'El Harrach, a présenté un monologue sur Aouicha, 39 ans, en quête d'un CV (certificat de virginité) chez un praticien. « Un certificat de jeune fille », dit-elle à l'adresse du médecin qui lui conseille d'aller consulter « une doctoresse couturière » ! Muni de son gumbri, le jeune Zaki Mihoubi, du groupe diwan « Rihet el bled », a joué quelques morceaux connus du gnawi, musique à la mode. Ensuite, ce fut le tour de Salim Aggar, journaliste et cinéaste, de présenter son court métrage Panorama du cinéma algérien. Ce documentaire a été présenté en 2008 lors du Festival du film arabe à Oran. « C'est une rétrospective de tous les grands films algériens en seize minutes à commencer par La Bataille d'Alger. De 1967 à 2007, les grands moments du cinéma algérien sont répertoriés dans ce documentaire », nous a expliqué Salim Aggar. Selon lui, aucun réalisateur ne peut faire aujourd'hui un film de la taille du Vent des Aurès de Mohamed Lakhdar Hamina (sorti en 1966). « Dans le documentaire, il y a des images exclusives de Keltoum quand elle descendait les marches du Festival de Cannes », a-t-il ajouté. Salim Aggar, 41 ans, a déjà réalisé un moyen métrage, ça tourne à Alger (Filming in Algiers), dans lequel il relatait les conditions difficiles dans lesquelles travaillaient les cinéastes au cours des années 1990. Il a été assistant avec Lyès Salem dans la réalisation du court métrage Cousines. Lyès Salem, qui a connu le succès récemment avec le film Mascarades, anime actuellement une émission sur le cinéma qui est diffusée par TV5 Monde. Librairie Socrate : 28, Rue Boualem et Ahmed Khalfa (ex-Burdeau), AlgerTél : 021 63 70 26 et 021 66 36 93