Une simple altercation verbale pour un motif anodin se transforme en une bataille rangée d'une violence aveugle où le sang a coulé sans heurter les états d'âme des belligérants. Ni la morale sociale ni les codes juridiques ne font autorité, désormais, devant la force de l'instinct grégaire et les pulsions animales. La violence est décidément devenue le moyen de prédilection des citoyens algériens pour exprimer leur mécontentement ou régler leur litige, même les plus anodins. L'on assiste à une multiplication de rixes entre bandes rivales, des batailles rangées entre tribus et même des altercations familiales mortelles. Ainsi, jeudi dernier à M'sila, dans la ville de Magra, une simple partie de dominos entre les membres d'une même famille a tourné au pugilat. Des dizaines de personnes armées, munies de faucilles, de gourdins et de couteaux, se sont livrées une véritable bataille rangée. A son issue, il a été enregistré la mort d'un jeune père de famille, âgé de 28 ans, 19 blessés et l'arrestation de 15 personnes. Les causes des différents incidents régulièrement rapportés par la presse sont pour la plupart tout aussi anodines. Ainsi, la daïra de Seddouk, dans la wilaya de Béjaïa, a vécu, à la mi-août dernier, de violents affrontements entre jeunes de deux villages de la commune de M'cisna. La raison de cette « guerre tribale » n'est qu'un tournoi de football intervillages. Débutés à cinq minutes de la fin de la rencontre qui opposait les équipes des deux villages rivaux, les échauffourées se poursuivront des jours durant, engendrant des dizaines de blessés et occasionnant la destruction de nombreux édifices publics et privés. Il n'est par ailleurs pas rare qu'une simple dispute de voisinage, entre commerçants et clients ou pour une place de parking, ne vire à la bagarre générale. Les deux belligérants s'échangent des insultes, parfois des coups, et détalent pour appeler en renfort, frères, cousins et amis.Il y a quelques jours, la localité d'El Outaya, dans le nord de Biskra, s'est transformée en champ de bataille à la suite d'un accident de la circulation. Les propriétaires des deux véhicules ne se contentant pas d'établir un constat en bonne et due forme en viennent aux mains. Les familles de ces derniers ont été appelées à la rescousse et se sont dépêchées sur les lieux munies d'armes blanches. La bataille a pris fin grâce à l'intervention des éléments de sécurité, mais on dénombre pas moins de huit blessés graves et plusieurs véhicules complètement détruits. Parfois ce sont des quartiers entiers qui vivent dans la hantise d'une « guerre de gangs », comme ce fut le cas la semaine dernière à Dergana. Un vendeur de bananes agresse un enfant, qui ameute « ouled el houma ». Ces derniers, accompagnés de « copains », affrontent, en pleine ville, la bande rivale, afin de régler des comptes. Cette tendance à se faire justice soi-même traduirait, selon les experts, d'un manque de foi dans la justice et la perte de confiance des citoyens en l'équité de ceux qui sont censés faire régner la loi. Mais pas seulement, la violence semble avoir pris racine dans les mœurs devant un Etat totalement absent.