APN : le président de la commission des affaires étrangères s'entretient avec le chef de la délégation du Parlement iranien    Liban: 29 personnes tombent en martyres dans une frappe de l'armée sioniste sur Beyrouth (nouveau bilan)    Sétif: signature de 7 conventions entre NESDA et la direction de la formation professionnelle    Canoë - Kayak et Para-Canoë/Championnats arabes 2024: l'Algérie sacrée championne, devant l'Egypte et la Tunisie    Athlétisme / 10 km de la Saint-Nicolas : Victoire de l'Algérien Saïd Ameri    Le Général d'Armée Saïd Chanegriha en visite officielle à l'Etat du Koweït    Ouverture de la 70e session de l'AP-OTAN à Montréal avec la participation du Conseil de la nation    Travaux publics: coup d'envoi du 20e SITP avec la participation de 232 exposants    Le président de la République préside une réunion du Conseil des ministres    Borrell appelle les Etats membres de l'UE à appliquer la décision de la CPI à l'encontre de responsables sionistes    Rencontre entre les ministres de l'Education nationale et des Sports en prévision du Championnat national scolaire des sports collectifs    Examens de fin d'année session 2024 : début des inscriptions mardi    Mandats d'arrêt contre deux responsables sionistes: la Bolivie appelle à l'application de la décision de la CPI    Journée d'étude à Alger sur l'entrepreneuriat en milieu universitaire    Génocide en Palestine occupée : L'OCI salue les mandats d'arrêt de la CPI contre deux responsables de l'entité sioniste    L »importance de la stabilité des marchés pétroliers et énergétiques soulignée    Les cours du pétrole en hausse    Les six nations qui n'iront pas à la CAN-2025    CAN féminine 2024 : L'Algérie dans un groupe difficile en compagnie de la Tunisie    Le huis clos pour l'ASK, l'USMAn, le CRT, et le SCM    Foot/Jeux Africains militaires-2024: l'équipe nationale remporte la médaille d'or en battant le Cameroun 1-0    Les pratiques frauduleuses de certaines marques de charcuterie dévoilées    Le procureur de la Cour pénale internationale exhorte tous les pays à coopérer sur les mandats d'arrêt    La Chine exprime son soutien au mandat d'arrêt contre Netanyahou et Gallant    Conférence sur l'importance de l'expertise scientifique    Arrestation de deux individus pour trafic de drogue dure    Les auteurs du cambriolage d'une maison arrêtés    Timimoun commémore le 67e anniversaire    Générale du spectacle «Tahaggart… l'Epopée des sables»    Irrésistible tentation de la «carotte-hameçon» fixée au bout de la langue perche de la francophonie (V)    Tunisie: ouverture des Journées Théâtrales de Carthage    Tlemcen: deux artistes d'Algérie et du Pakistan lauréats du concours international de la miniature et de l'enluminure    Nâama: colloque sur "Le rôle des institutions spécialisées dans la promotion de la langue arabe"    Le président de la République préside la cérémonie de prestation de serment de la nouvelle Directrice exécutive du Secrétariat continental du MAEP    L'ANP est intransigeante !    Les ministres nommés ont pris leurs fonctions    L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



La bataille d'Alger : un tortionnaire nommé Jean-Marie Le Pen
Publié dans El Watan le 22 - 02 - 2012

Bien évidemment, avant ce vote, les ultras recouraient sans scrupules à une violence urbaine dépassant de loin celle engagée par le FLN. La bombe de la rue de Thèbes ne visait-elle pas indistinctement les femmes, les enfants et les vieillards de La Casbah ? Soixante-dix personnes périssent dans cet attentat du 10 août 1956, perpétré par des ultras. Le cerveau de l'opération fut le futur chef de l'OAS, André Achiary. En revanche, après le vote des pleins pouvoirs, les paras sont chargés tout bonnement de nettoyer la ville. C'est là qu'un para se distingue par sa cruauté. Il s'agit bien évidemment du réactionnaire Jean-Marie Le Pen. En effet, ce dernier rejoint, après l'envoi du contingent, le 1er REP (Régiment étranger de parachutistes). Bien qu'il ait été élu député en janvier 1956, ce jeune poujadiste s'engage, en signe de solidarité avec les paras, pour une période de six mois. En janvier 1957, le lieutenant de réserve, Jean-Marie Le Pen, arrive donc à Alger.
Quoi qu'il en soit, l'armée française n'attend, depuis quelque temps, que ce feu vert. Cette occasion se concrétise, en effet, le 6 janvier 1957, lorsque le président du Conseil accorde les pouvoirs civils, à Alger, aux militaires. Selon François Mayle, dans Histoire secrète de la Ve République : «Sur décision du gouvernement de Guy Mollet, ce sont maintenant les parachutistes qui assurent le maintien de l'ordre et pourchassent les partisans du FLN. La torture et les exécutions sommaires sont, comme l'avoueront plus tard le général Jacques Massu puis le général Paul Aussaresses, largement pratiquées».
Toutefois, bien que tous les militaires français ne soient pas les adeptes de la torture, à l'instar du général Jacques Paris de Bollardière, les réactionnaires, comme le lieutenant Le Pen, n'hésitent pas à utiliser les plus vils procédés. Cependant, après les mesures d'éloignement visant notamment les opposants à la torture, la voie est désormais libre. D'une façon générale, et sous prétexte que la torture est utilisée pour sauver d'autres vies, la torture est mécaniquement utilisée par les paras. D'ailleurs, après la fin de la guerre, Le Pen ne cherchera pas à se dérober. Dans un témoignage recueilli par le journal Combat du 29 novembre 1962, Le Pen ne reniera pas l'emploi de la torture.
«Je n'ai rien à cacher. J'ai torturé parce qu'il fallait le faire», rapporte le journal Combat. Mais là où le bât blesse, c'est que les victimes ne sont pas forcément des combattants. Pour le moment, la préoccupation des paras n'est pas de faire le tri parmi la population. Dans cet exercice, Le Pen va très vite se distinguer. Chargé des missions de renseignement par le général Massu, le lieutenant Le Pen accomplit sa mission avec un excès de zèle. Lors de l'une des descentes punitives dans le quartier de La Casbah, il se conduit – et c'est le moins que l'on puisse dire – de façon inhumaine.
Selon François Mayle : «Le 2 mars 1957, vers 22 heures, un groupe d'une vingtaine de parachutistes dirigé par un grand lieutenant blond fait irruption au 7 rue des Abencérages, petite ruelle située dans La Casbah, chez Ahmed Moulay, 42 ans, un militant du FLN. Toute la famille dort dans cette maison ordonnée autour d'un patio à ciel ouvert. La femme et le fils d'Ahmed Moulay n'auront aucun mal à reconnaître Jean-Marie Le Pen comme étant le chef de l'expédition : quelques semaines plus tard, sa photo fait la une des journaux algérois quand le général Massu lui remet la croix de guerre». En effet, ce jour-là, la famille assiste, sans qu'elle ne puisse être du moindre secours, à l'agonie du père. Les paras, sous les ordres de Le Pen, projettent le supplicié du haut des escaliers.
Après l'avoir passé à tabac, le militant du FLN est attaché aux deux piliers se trouvant dans le patio. Le cauchemar d'Ahmed Moulay ne s'arrête pas là. Telle une hyène dans la savane, le lieutenant ne lâchera pas sa proie jusqu'à ce qu'elle meurt. Cette affaire, comme des milliers qui lui ressemblent, aurait pu en rester là. Bien que son auteur n'ait jamais été inquiété pas la justice, une journaliste du journal Le Monde, en l'occurrence Florence Beaugé, va mener un travail d'investigation et remettre par la même occasion l'affaire sur la scène médiatique. Sans rentrer dans la polémique franco-française, étant donné que l'enquête est parue entre les deux tours de l'élection présidentielle de 2002, des preuves accablantes corroborent la thèse de l'implication de Le Pen dans cet assassinat.
En effet, pour les besoins de son enquête, la journaliste rencontre le fils de la victime. Bien qu'il n'ait que 10 ans au moment des faits, Mohamed Cherif Moulay n'a rien oublié de ce jour terrible ayant emporté son père. «On a continué de le bourrer de coups. Dans les testicules surtout. Ensuite, ils lui ont fait ingurgiter de l'eau. Une quantité phénoménale. (…) Mon père n'arrêtait pas de gémir et de crier. C'était horrible. A un moment, il a perdu connaissance. De temps en temps, Le Pen hurlait : ‘‘Donne-nous un nom et tu as ma parole de soldat que tu seras épargné''. Mais il ne parle pas», raconte Mohamed Cherif à Florence Beaugé. Cependant, au moment où les paras l'embarquent, Ahmed Moulay est toujours vivant. De toute façon, les paras ne peuvent pas le laisser partir. Immanquablement, son mutisme incite davantage les gars de Le Pen à redoubler de férocité.
Pour le faire parler, les paras recourent à la gégène. Cela se passe dans un atelier d'un électricien, un partisan acquis à la cause de la colonisation. Cette fois-ci, le témoin est le beau-frère d'Ahmed Moulay, Rachid Bahriz. Citant ce dernier, Florence Beaugé écrit : «Ils ont repris la séance de torture, à l'électricité cette fois, raconte-t-il. A un certain moment, il y a eu un court-circuit. Tout d'un coup, j'ai entendu un cri, puis plus rien. (…) L'un des militaires a crié : ‘‘Mon lieutenant, il est mort !'' Les militaires le rhabillent, traînent son corps dans la rue et lui lâchent une rafale de mitraillette avant de s'évanouir dans la nuit. Officiellement, Ahmed Moulay a été abattu parce qu'il tentait de fuir». Quoi qu'il en soit, pendant la bataille d'Alger, des affaires de ce genre sont légion. Celle-ci retient l'attention, car son auteur a laissé, après son passage, des preuves palpables. En effet, le jour de l'expédition punitive, Jean-Marie
Le Pen égare une pièce à conviction. Dans les jours qui suivent, et à deux reprises, le lieutenant Le Pen revient chez les Moulay pour retrouver son arme. Mais le jeune Mohamed Cherif, du haut de ses dix ans, sait que la pièce est d'une importance capitale. «Il s'agit d'un couteau original, en acier trempé, long de 25 centimètres et large de 2,5 centimètres. Un poignard des jeunesses hitlériennes sur le fourreau duquel sont gravés ces mots : JM Le Pen, 1er REP», écrit encore François Mayle. Avec cette preuve matérielle irréfutable, il ne subsiste, du coup, aucun doute sur l'implication directe de Le Pen dans la liquidation d'Ahmed Moulay.
Toutefois, bien que la justice – et pourtant saisie – ne fasse rien, cette affaire montre à quel point la torture fut banalisée pendant la guerre d'Algérie. Encore une fois, les militaires français ne furent pas inhumains comme ceux qui ont dirigé la bataille d'Alger. Tous n'ont pas succombé à la tentation de faire souffrir. Certains ont tout fait pour qu'elle n'existe pas. En effet, dans une lettre à ses subordonnés, Jacques Paris de Bollardière s'est opposé à son emploi. «La tentation à laquelle n'ont pas résisté les pays totalitaires de considérer certains procédés comme une méthode normale pour obtenir le renseignement doit être rejetée sans équivoque et ces procédés rejetés formellement», écrit-il à ses subalternes. Hélas, cette opinion fut minoritaire au sein de l'armée. Après avoir fait connaître publiquement son opposition à l'emploi de la torture, le général est sanctionné «de soixante jours d'arrêt de forteresse». Comme quoi, dans un système colonial, les vertus démocratiques sont des concepts superflus.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.