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Algérie : paysage sociolinguistique et alternance codique
Publié dans El Watan le 01 - 03 - 2012

En effet, comme bon nombre de pays dans le monde, l'Algérie offre un panorama assez riche en matière de multi ou de plurilinguisme. Cette situation ne manque pas de susciter des interrogations quant au devenir des langues et du français dans ce pays. Il est à signaler que les langues en présence sont le berbère et ses diverses variétés (le mozabite, le kabyle, le chaoui, etc.), l'arabe dialectal algérien, l'arabe classique ou littéraire et le français.
La langue arabe
Après l'indépendance de l'Algérie, l'arabe standard est devenu la langue officielle et nationale pour des raisons politiques et idéologiques plus que linguistiques. Pourtant, cette langue n'est pas utilisée couramment par la population dans la vie quotidienne. C'est une langue essentiellement écrite et absolument incompréhensible à l'oral pour un public arabophone illettré. Il faut ajouter qu'actuellement, des administrations telles que celles du secteur industriel et financier continuent à travailler en langue française(1) et que la presse écrite est en grande partie francophone.
L'Algérie a mis en place l'arabisation par le biais du système éducatif. Cela a donné une place importante à cette langue qui est utilisée dans la littérature moderne et les mass media. La Constitution de 1989, dans son article 3, stipule que «l'arabe est la langue nationale officielle» ; c'est ainsi que cet idiome tend à s'imposer dans des secteurs tels que l'administration, l'enseignement, la presse et les médias (de plus en plus utilisé par la catégorie cultivée du monde journalistique, surtout lors des interviews et des débats politiques ou littéraires).
Cependant, en raison d'un fort taux d'illettrisme, cette forme de langue n'est comprise que par le public scolarisé. Nous pouvons, approximativement, évaluer que la quasi-totalité des Algériens ne communiquent qu'en arabe algérien ou en berbère. L'arabe standard reste donc en dehors de la pratique linguistique quotidienne, cette situation est résumée par GrandGuillaume lorsqu'il explique que «sans référence culturelle propre, cette langue est aussi sans communauté. Elle n'est langue parlée de personne dans la réalité de la vie quotidienne (…) »(2)
L'arabe algérien
L'arabe algérien est dénommé péjorativement dialecte et considéré inapte à véhiculer les sciences et à être enseigné à l'école. Les textes officiels n'en font pas, ou rarement, mention. Cependant, l'arabe dialectal algérien demeure la langue largement majoritaire, il est la langue maternelle d'une grande majorité d'Algériens (première langue véhiculaire en Algérie). C'est la langue orale (nourrie de nombreux emprunts étrangers). L'intégration de ces emprunts, notamment français, est marquée par des flexions phonologiques résultant de l'influence du substrat local. Par ailleurs, des accents typiques caractérisent les parlers régionaux. En outre, on constate des variations linguistiques(3) propres à chaque région ; on distingue ainsi le parler oranais, algérois, de l'Est algérien… Avec ces variantes régionales, leurs fluctuations et leurs nuances, elles ne constituent cependant aucun obstacle à l'intercompréhension.
Selon l'origine socioculturelle des locuteurs, nous sommes en mesure de distinguer, en Algérie, les parlers ruraux des parlers citadins – en particulier ceux d'Alger, Constantine, Jijel, Nedroma et Tlemcen – et de voir se dessiner quatre grandes régions dialectales : l'Est autour de Constantine ; l'Algérois et son arrière-pays ; l'Oranais, puis le Sud, de l'Atlas saharien aux confins du Hoggar. Ainsi, l'arabe dialectal constitue la langue de communication de tous les jours, l'outil d'expression spontané. En effet, cette langue est le véhicule d'une culture populaire riche et variée. C'est la langue du monde affectif des locuteurs, de la production culturelle, de l'imaginaire. Nombreux sont les pièces théâtrales, les chansons, les films produits dans cette langue. Par ailleurs, cette langue témoigne d'une formidable résistance face à la stigmatisation que véhiculent à son égard les normes culturelles dominantes.
La langue berbère
Etymologiquement, le mot berbère remonte à une période lointaine : «Le terme berbère est dérivé de barbare, cette dénomination est étrangère aux communautés qui utilisent cette langue, il est le produit de l'ethnocentrisme gréco-romain qui qualifiait de barbare tout peuple, toute culture et toute civilisation marquée du sceau de la différence.»(4) Le statut de cette langue a connu de grands changements à travers les siècles (conquêtes arabes du Xe siècle, colonisation, arabisation à l'indépendance, revendications linguistiques, culturelles et identitaires des populations berbérophones).
La langue berbère est la langue maternelle d'une communauté importante de la population algérienne. Elle est principalement utilisée en Kabylie, dans sa variante la plus répandue d'ailleurs, le kabyle, dans les Aurès, le chaoui, et dans le M'zab, le m'zab, mais aussi dans d'autres régions du Sahara, du Maghreb et de l'Afrique subsaharienne. C'est une langue essentiellement orale qui ne peut être fusionnée avec d'autres langues comme l'arabe classique ou l'arabe dialectal, mis à part certaines analogies au niveau de la structure (langue de la famille chamito-sémitique).
Grâce à une prise de conscience des berbérophones quant à leur acculturation par une arabisation généralisée, d'une part, et la volonté politique du pouvoir de désamorcer un risque de déséquilibre national, d'autre part, le berbère est devenu une langue nationale depuis avril 2002. Cette langue sera intégrée par la suite au système éducatif (certaines régions assurent un enseignement en langue berbère au primaire et au collège) et même introduite à la télévision avec un journal télévisé diffusé en chacune de ses variétés. Par ailleurs, c'est aussi une branche à l'université (licence en tamazight).
La langue française
Le français, langue imposée aux Algériens, a constitué un des outils fondamentaux utilisés par le pouvoir colonial pour parachever et accélérer l'entreprise de francisation qui a abouti à une «déberbérisation» des Algériens. Ce processus n'a pas pris fin après l'indépendance, mais s'est au contraire élargi à cause de la généralisation de l'enseignement du français. En une vingtaine d'années, le taux de scolarisation est passé de 5 à 70%.
De nos jours, le français est enseigné en tant que langue étrangère. Cependant, cette langue bénéficie d'un statut particulier parmi les autres langues étrangères. En effet, c'est encore la langue d'enseignement des matières scientifiques et techniques à l'université. Actuellement, après la réforme du système éducatif, l'enseignement du français est obligatoire à partir de la troisième année en tant que première langue étrangère. C'est dire que le français jouit encore d'une place privilégiée par rapport aux autres langues étrangères et que le plurilinguisme restera un fait national. De plus, le français est largement utilisé dans les médias (radio, télévision…), presse écrite, surtout avec le développement des paraboles et d'Internet. A. Queffec souligne qu'«on peut évaluer à 8 millions environ le nombre de locuteurs maîtrisant correctement le français».5)
Outre des phénomènes sociolinguistiques liés aux pratiques langagières des locuteurs algériens et des parlers régionaux du pays, nous enregistrons la présence de langues étrangères résultant de raisons historiques, politiques, socioculturelles, économiques ou autres. Le domaine des langues étrangères est très largement dominé par le français, l'anglais et l'espagnol occupant un statut inférieur circonscrit essentiellement dans les programmes scolaires et dans certaines sphères limitées du secteur tertiaire.
La situation de plurilinguisme en Algérie demeure complexe, en raison de la présence et de l'imbrication de plusieurs variétés. Cette diversité linguistique favorise l'apparition du phénomène de l'alternance codique assurant l'intercompréhension au sein de la société algérienne. Nous pouvons concevoir cette situation comme un élément positif qui met l'accent sur la capacité des locuteurs algériens à se mouvoir dans leur espace linguistique.
En effet, d'un point de vue sociolinguistique, la pratique de l'alternance codique est un acte volontaire et individuel et les déclencheurs de cette pratique discursive chez les Algériens sont aussi nombreux que variés et notamment complexes : (déficit lexical touchant les échanges verbaux des locuteurs, recours aux sujets interdits, poids de d'habitude, l'ensemble des contraintes sociologiques et situationnelles contribuant à l'émergence de cette pratique langagière).
Ainsi, le recours au code switching est parfois obligatoire, notamment dans certaines situations de communication où les locuteurs font appel à des sujets tabous ou interdits. Dans de telles situations, le français va intervenir, d'une part, pour éviter un éventuel blocage communicatif, d'autre part, il s'agit, d'une stratégie expressive d'évitement. Le recours à la langue française dans certains cas peut produire un effet un peu particulier chez le locuteur et peut créer une autre attitude chez l'interlocuteur.
Encore, la question du poids de d'habitude se pose comme une raison de l'alternance codique. Il convient de noter que ce phénomène qui relève du domaine du bilinguisme devient une stratégie langagière omniprésente dans toutes les couches sociales et au cours de la plupart des échanges verbaux. A titre illustratif, l'emploi fréquent du français dans le milieu universitaire par exemple obéit à une stratégie d'apprentissage. Les deux systèmes linguistiques en présence (français/arabe algérien notamment) sont fortement privilégiés au cours des conversations. L'utilisation alternée des langues chez les étudiants les mettent à l'aise et en confiance dans les situations de communication. Elle favorise l'échange et l'expression sans problème de compréhension.
Nous pouvons déduire à travers les échanges verbaux des Algériens que le code switching peut devenir une pratique courante chez le sujet bilingue, ce dernier se l'approprie et la manipule en tant que langue à part entière. Le discours métissé permet aux sujets parlants d'être dans le bain et de l'utiliser comme véritable instrument de communication et dans des contextes différents. Ils peuvent développer aussi leur compétence linguistique et socioculturelle.
Notes :
1 – Ajoutons que leur personnel ayant été formé en français.
2 – G. Grandguillaume, (1983), Arabisation et politique linguistique au Maghreb, Paris.
3 – Nous nous référons à l'accent
et à la géographie linguistique.
4 – A. Boukous, (1995), Société, langues et culture au Maroc : Enjeux symboliques.
5 – A. Queffec, Derradji. Y, Debov.
V, Smaali D, Cherrad. Y, Le français en Algérie : Lexique et dynamique des langues, Edition Duclot.
A. U. F, 2002.


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