Tout au long de la chaîne du frais, les métiers de la production et de la distribution des fruits et légumes requièrent un savoir-faire pointu, une expertise fine, qui contribuent à l'ajustement des quantités et à la maîtrise de la qualité tant gustative que sanitaire. Mais aujourd'hui, de nombreux dysfonctionnements entravent l'écoulement des fruits et légumes le long de la chaîne : «Producteurs – négociants – mandataires – grossistes – détaillants – consommateurs». Il y a lieu, par conséquent, de créer des structures d'arbitrages d'intérêts actuellement divergents.Structurer la filière ‘fruits et légumes' algérienne d'amont en aval (de la fourche à la fourchette) est donc l'impératif de l'heure.Mais pour mener à bien cette mission, encore faut-il intégrer les dix notions essentielles suivantes : 1) Marchés de gros Irremplaçables pour assurer l'approvisionnement des commerces alimentaires, pôles de développement territorial et acteurs incontournables de l'économie locale et régionale, les marchés de gros sont au cœur de la filière ‘fruits et légumes' en raison des missions qu'ils sont tenus de remplir à savoir : – 1) Proposer une offre concurrentielle (qualité, prix et largeur de gamme) adaptée aux besoins spécifiques des acheteurs professionnels ; – 2) Partager l'intérêt commun de préférence à l'exploitation du rapport de force entre client et fournisseur ; – 3) Veiller à l'ininterruption et la rapidité des flux de marchandises ; – 4) Réduire les coûts logistiques ; – 5) Accroître la vitesse de rotation des stocks et la productivité des opérateurs ; – 6) Améliorer la qualité de l'organisation de manière à satisfaire les attentes clients ; – 7) Et garantir l'indispensable pluralité de la distribution. Malheureusement, force est de constater que les marchés de gros ne sont plus les acteurs d'un développement territorial et durable et ne jouent plus leur rôle économique et social. Fonctionnant chacun en « nombriliste », ils ne peuvent isolément atténuer l'irrégularité des flux ni même la volatilité des prix. Aussi, multiplier les marchés de gros, les moderniser, les mettre aux normes et améliorer leur productivité sans créer un office interprofessionnel des ‘fruits et légumes' est une entreprise vouée à l'échec pour deux raisons évidentes. L'Interprofession agit par approche spécifique par métier et veille à l'enchaînement global des processus. Elle signe son efficacité à deux égards : – 1) Dans l'apport de réponses pertinentes aux attentes de chaque métier ; – 2) Et dans l'accomplissement des missions globales (en lieu et place des missions parcellaires) à même de rendre compétitives les diverses entreprises d'une même filière. 2) Qu'est ce qu'une interprofession ? Une interprofession est une association prévue par la loi, qui fédère des syndicats de métiers (associations représentatives au niveau national des différentes professions d'une filière appelées aussi familles professionnelles) autour d'objectifs communs à toute une filière. Ce qui unit une interprofession, c'est l'enchaînement de métiers autour d'un même produit. Une interprofession finance son action grâce à des cotisations volontaires (voulues par les membres qui la composent), rendues obligatoires par la loi (CVO : Cotisation volontaire obligatoire). Une interprofession est un organisme de droit et d'initiative privés. Principe de fonctionnement L'interprofession des fruits et légumes réunit l'ensemble des acteurs de la filière, de la production à la distribution. Elle rassemble et représente paritairement les organisations professionnelles de la production et du commerce des fruits et légumes. Elle réunit de fait deux collèges représentatifs de la structure de la filière fruits et légumes. Pour rendre possible le dialogue entre les différents partenaires professionnels et lui permettre de jouer concrètement le rôle qui lui est assigné, l'Interprofession doit fonctionner selon 3 grands principes : Le principe de représentativité garantit aux pouvoirs publics la participation globale de la filière dans la prise des décisions. Le principe de Parité, qui attribue à chacun des deux collèges (Production et Distribution) 50% des voix, assure le respect mutuel des familles professionnelles. Le principe de consensus renforce la qualité des décisions. Il garantit le respect des minorités et des particularités des familles. Mission de l'interprofession Elles se résument à trois objectifs prioritaires pour favoriser la rentabilité et la croissance des entreprises de la filière : • Veiller aux conditions légales et réglementaires de l'action interprofessionnelle (validité et contrôle des accords interprofessionnels) ; • Connaître les marchés (offre, demandes, évolution des tendances de consommation…) ; • Promouvoir les fruits et légumes frais et les métiers. Dialogue interprofessionnel Au service des professionnels de la filière fruits et légumes frais, l'Interprofession : • Anime plusieurs «Groupes de travail produit » (composés de professionnels mandatés par toutes les familles professionnelles) qui sont un lieu d'échanges et d'informations entre tous les maillons de la filière au travers de réunions de préparation, de suivi et de bilan de campagne ; • Favorise au maximum l'interactivité et les échanges entre les participants ; • Développe un rôle de veille et d'information économique au service de la filière ; • Met à disposition des professionnels des analyses de marché synthétiques et rapides ; • Favorise une meilleure adéquation entre les besoins des collectivités publiques et les réalités du marché afin de développer la consommation des fruits et légumes frais dans ce secteur ; • Participe à des études de fond sur la consommation des fruits et légumes frais et des comportements alimentaires ; • Relève les contraintes et attentes de chaque métier, repère les voies de progrès et bâtit un argumentaire ‘atouts / faiblesses' entre les solutions possibles apportant un gain de compétitivité à la filière. Accords interprofessionnels Les accords interprofessionnels, instruits par les «Groupes de travail produit» et acceptés par les familles professionnelles, sont proposés à l'agrément des Pouvoirs publics. Ils fixent des règles pour éliminer la non-qualité et réguler les marchés. Commission économie de l'interprofession Créée dans le cadre d'un projet interprofessionnel, la Commission économie est le lieu de concertation des acteurs de la filière pour toutes les problématiques ‘produits – marchés'. Elle constitue également un centre de ressource d'informations économiques et réglementaires. Une ressource économique et réglementaire La Commission économie met à disposition des professionnels des informations en rapport avec la réglementation en vigueur concernant notamment : l'hygiène des produits et des denrées alimentaires, l'autorisation et le refus d'autorisation de certaines allégations de santé, les additifs pouvant être employés dans la fabrication des denrées destinées à l'alimentation humaine, la mise sur le marché de produits biocides, les limites maximales applicables aux résidus de pesticides, le mode de passation des marchés publics pour les fruits et légumes à l'état frais et l'accord – cadre de fourniture des produits frais. La Commission économie met aussi à disposition des professionnels des données chiffrées sur la filière : indicateurs, suivis de tendance, panels de consommation, statistiques douanières, analyses et bilans économiques, publication périodique de conjoncture par produit… La Commission économie est structurée en groupes de travail, composés de représentants de tous les maillons de la filière. Ce mode de fonctionnement lui permet d'exploiter au mieux la richesse des métiers et des compétences au sein de la filière. Dans ces groupes, tous les partenaires professionnels peuvent s'impliquer, s'enrichir de la réflexion des autres et faire avancer un projet commun. Elle travaille selon deux approches : Une approche verticale par produit : Les Groupes de travail produit sont un lieu d'échanges et d'informations entre l'amont et l'aval. Une approche horizontale par thème : Certains des projets concernant l'ensemble de la filière sont portés par des groupes thématiques transversaux. 3) Certification des services du commerce de gros en fruits et légumes L'Interprofession propose un référentiel de qualité de services portant sur les engagements pris par l'entreprise envers ses clients. Les engagements de l'entreprise du commerce de gros sont les suivants : • Aucune commande n'est expédiée sans avoir été approuvée conforme aux exigences acceptées, • Avoir une bonne maîtrise de la qualité de ses fournisseurs, • Préserver la qualité des fruits, légumes par la maîtrise des processus • Respecter l'horaire de livraison défini avec le client en tenant compte des règles de sécurité, • Assurer un accueil disponible, nominatif et personnalisé du client, • Assurer le professionnalisme de toute l'entreprise pour mieux servir le client, • Assurer la mesure de la satisfaction du client selon des critères à déterminer. 4) Activité transport-logistique La performance logistique est au cœur de la stratégie de compétitivité des industries agroalimentaires. Or les fruits et légumes sont en retard par rapport à l'agroalimentaire. Il faut donc rapidement optimiser la logistique pour rentabiliser les activités agricoles. L'activité Transport – Logistique des fruits et légumes est très spécifique, très saisonnière, avec des contraintes fortes de ‘ramasses' auprès d'un tissu de producteurs diffus. Les contraintes de livraison sont également fortes (en flux tendus) car il faut à la fois rationaliser les flux aval (livraisons entre les plateformes logistiques et les marchés de gros ainsi que les magasins de la grande distribution) et les flux amont (mise en place de plateformes de consolidation dans les bassins de production). La stratégie consiste à réexpédier les produits issus de cette consolidation vers des dizaines de plateformes régionales. On notera que trois grandes centrales logistiques (à Bouira, Constantine et Sig) seront bientôt opérationnelles ainsi que d'autres de moindre importance (notamment à Aïn Defla, Biskra, El Oued, Tlemcen et Annaba). Identifier les partenaires logistiques ne suffit pas, il faut aussi faire le diagnostic logistique (outil de benchmarking) préalablement à toute solution de massification des flux et de mutualisation des ressources sur les plateformes d'approvisionnements. Historiquement les PME ont fait malheureusement preuve d'individualisme à cet égard. En effet, face aux réels problèmes de coordination, aux coûts élevés des transports, à la difficulté de maintenir un niveau élevé de service, au manque de visibilité sur la demande des clients et à l'absence de standard pour mesurer les performances logistiques, elles ont toujours paru bien dépourvues en raison de leur : – ignorance des enjeux stratégiques de la logistique et des solutions de mutualisation, – absence d'information sur les bonnes pratiques logistique, – manque de ressources externes pour coordonner l'orientation – client et développer conjointement l'organisation horizontale et le système d'information adéquat (installation des progiciels dédiés au management de la chaîne d'approvisionnement et de la relation client ainsi que la maintenance informatique). Dans cet ordre d'idées, et à mesure que les coûts de transport augmentent et que les délais de livraison demandés par les clients distributeurs diminuent, des solutions logistiques pour la planification et l'optimisation des chargements voient leur intérêt croître. Ces solutions, qui intègrent une fonction de prédiction et de visualisation (modélisation 3D des palettes), calculent à la fois et le poids et le volume des palettes chargées pour proposer un plan de chargement en fonction des règles d'orientation, d'empilement, de priorité et de calendrier de livraisons. 5) Double traçabilité • La traçabilité totale des données est obtenue grâce au nouveau standard de code à barres des fruits et légumes. Il permet en effet d'adresser les commandes aux producteurs en mode EDI (échange de données informatisé) et de recevoir de la part de ceux – ci, de la même manière, des informations sur les marchandises expédiées à la plateforme de consolidation. Les données dont la traçabilité sera totale de bout en bout concerneront, entre autres, les paramètres d'identification, la ventilation verticale pour les différentes catégories et la ventilation horizontale pour les différents calibres. On notera l'existence sur le marché de solutions de traçabilité qui permettent d'avoir instantanément : – Une traçabilité descendante des inputs (intrants) aux clients ; – Une traçabilité ascendante du produit fini aux fournisseurs ; – Un contrôle de concordance entre produit à expédier et commande. • La traçabilité de la chaîne de froid consiste, quant à elle, à enregistrer en temps réel la température, l'humidité et le taux d'éthylène pour prédire la durée de vie des fruits et légumes (et donc de la DLC) en fonction de leurs conditions de transport. 6) contrôle systématique des produits sur le double plan sanitaire et qualitatif L'arrêté interministériel du 8 janvier 1994, relatif à la qualité et à la présentation des fruits et légumes destinés à la consommation, indique que les produits doivent être conformes aux usages admis en la matière à savoir : • Entiers et propres, • Dépourvus d'humidité extérieure ou de traces anormales de produits de traitement, • Sains et exempts d'attaques d'insectes ou de maladies, • Indemnes de défauts nuisant à leur comestibilité ou à leur aspect, • D'un degré de développement et de maturité appropriés, • Homogènes (la partie apparente du contenu du colis ou du lot doit être représentative de l'ensemble du contenu). Pour se conformer à la normalisation en vigueur, le contrôle aval est indispensable. Or il diffère sensiblement selon que l'on opte pour une agriculture intensive, raisonnée ou biologique. On distingue toutefois trois types : • Le contrôle sanitaire qui consiste en l'analyse de résidus des pesticides ; • Le contrôle à la fois sanitaire et qualitatif qui consiste à détecter les produits impropres à la consommation en raison de facteurs aussi bien endogènes qu'exogènes. Sur le plan phytopathologique, on recense entre autres : les bourgeonnements, les décompositions, les dommages d'insectes, les dommages de congélation, les meurtrissures, les contusions, les cicatrices, les moisissures, les reverdissements, les degrés d'astringence ou de dessèchement interne. • Le contrôle qualitatif qui consiste à effectuer des analyses multicritères relatives au poids (calibre moyen), à la fermeté (mesure de la force maximale de pénétration), à la teneur en sucre (degrés Brix), à l'acidité (malique et critique), à la jutosité (jus / matière sèche) et à la discrimination (creux et vitrescents pour les melons). Ces analyses aboutissent à l'obtention d'un indice qualité tenant compte du stade de maturité, de la qualité gustative et du potentiel de conservation des produits. – Pour les fruits, les laboratoires automatiques de contrôle permettent d'effectuer des tests avec une précision non tributaire des aléas liés aux mesures effectuées manuellement et surtout de fournir des résultats sous forme de « fiche d'identité » des produits testés. – Pour les légumes, les technologies récentes de tris complexes à haute cadence et haute résolution permettent de détecter les défauts chromatiques et morphologiques, et de supprimer les corps étrangers (foreign material) et les matières végétales étrangères (extraneous vegetable matter). 7) Conformité à la codification internationale des fruits et légumes Tous les articles préemballés (*) [sans véritable marque commerciale] destinés à être vendus dans un point de vente à des consommateurs finaux sont concernés. Plus complète, puisqu'elle intègre notamment un préfixe pays et un code fournisseur, la nouvelle codification permettra d'assurer une traçabilité ciblée des produits tout au long de la chaîne d'approvisionnement. Elle contribuera aussi à la mise en place de tableaux de bord marketing qui faciliteront l'exploitation et l'analyse de données. Cette standardisation sera un grand pas en avant dans la capacité de la filière à optimiser ses processus logistiques. (*) Les produits préemballés sont des produits conditionnés emballés avant leur présentation à la vente dans un emballage tel que le contenu ne puisse être changé sans que l'emballage subisse une ouverture ou une modification. 8) Zeorefroidissement Le refroidissement après la récolte réduit les risques de développement microbiologique des produits. La maturation des légumes ou des fruits est aussi ralentie par la diminution de la synthèse de l'éthylène. Le zéorefroidissement permet d'économiser de l'énergie sur le futur stockage des fruits et légumes. Il permet aussi d'optimiser les flux dans la chaîne du froid (postrécolte, chambre froide et logistique).Les fruits et légumes frais palettisés sont refroidis de 20°C à 6-2°C en moins de 25 minutes à cœur par évaporation sous vide. Par comparaison, il faudrait 18 heures pour atteindre ce résultat dans une chambre froide. Le refroidissement se déroule en trois étapes : -1) baisse de la pression La pression est abaissée par paliers (gestion autonome du Zeobiofresh) jusqu'à que la tension de vapeur d'eau saturante corresponde à la température de réfrigération recherchée. – 2) refroidissement des éléments Le végétal se refroidit en cédant la chaleur latente de l'eau évaporée. Pour une diminution de 5 à 6°C, la perte de poids est estimée à 1% – 3) mise en pression La pression dans l'enceinte est maintenue à la valeur réglée afin de réaliser un palier nécessaire d'une température homogène dans le végétal. Puis la pression est ramenée à la pression atmosphérique. 9) ‘Plu' ou code d'appel prix Le système ‘PLU' d'identification des fruits et légumes frais vendus en vrac ou à l'unité permet gain de temps, rigueur des prix et complémentarité avec le système code à barres. Pour aider les consommateurs à faire le meilleur choix ‘qualité / prix / achat responsable', les fruits et légumes doivent être proposés à un prix juste (qui concilie les intérêts de toutes les parties prenantes de la filière), avec une référence variétale et une indication visible et lisible de leur origine. 10) Choix d'une approche commerciale fondé sur la juste valeur des produits La distribution des fruits et légumes est une variable de plus en plus importante en Algérie où l'aspect logistique est un point clé en raison du fort taux de pertes enregistré lors de la manipulation des produits frais qui se fait souvent dans l'ignorance des normes de cueillette / récolte, de mise en cageot, de chargement, d'empilement, de transbordement, de déchargement et de palettisation. Ceci dit, tenir compte de la spécificité du produit et du marché auquel il est destiné et le rendre physiquement accessible (au moindre coût et dans les meilleurs délais) sont une condition nécessaire, mais non suffisante, encore faut – il que ce produit soit au rayon approprié, dans l'étalage approprié, dans un assortiment approprié et à un prix approprié. Conclusion : Un Comité d'experts mixte FAO/OMS a recommandé une consommation quotidienne minimale de 400 g de fruits et légumes pour prévenir les maladies chroniques et de nombreuses carences en micronutriments. Les données actuelles montrent que pour l'Algérie cet objectif est loin d'être atteint. Nutrition, hygiène de vie saine, agriculture et environnement devraient faire naturellement partie des programmes scolaires. Nous devons investir dans nos enfants pour qu'ils maintiennent en permanence leur consommation élevée de fruits et légumes tout au long de leur vie. Pour ce faire, la filière algérienne des fruits et légumes devra, dans un futur proche, gagner en compétitivité. En d'autres termes, elle devra successivement : – créer un maillage, entre ses acteurs, à même de proposer une offre transversale et surtout rétablir l'équilibre entre l'amont et l'aval ; – jouer sur l'intervalle de temps réduit de la maturité des produits pour être plus concurrentiel – et procéder à une plus forte segmentation et créer des marques pour répondre aux contraintes de la distribution.