Il ne s'appelle pas Vendredi et ne connaît pas Robinson. Lui, c'est Djemaï (prononcer « Djem3i ») mais c'est juste une coïncidence. Car c'était vendredi. Ou samedi, selon l'ancien week-end. Plus d'un mois après le changement de week-end, l'Algérie patine encore entre deux jours qui n'en sont pas et un week-end semi-universel, ou un demi-week-end semi- professionnel. Mais bref, Djemaï voulait régler sa facture de téléphone ce vendredi, c'est-à-dire l'ancien jeudi, seule journée où il est relativement libre parce que le vendredi, l'ancien, c'est-à-dire samedi, il travaille en plus pour arrondir ses fins de semaine dans une imprimerie qui fabrique les nouveaux calendriers, puisque il a fallu jeter les anciens. Mais bref encore, Djemaï a trouvé l'agence de téléphone fermée un vendredi matin. On lui a dit que ce n'est plus le jeudi mais le vendredi puisque le vendredi est devenu un samedi. Oui, mais, a-t-il demandé, on est vendredi, donc c'est comme un jeudi d'avant. Donc c'est ouvert. Non, on lui a dit de revenir samedi, comme le vendredi d'avant. Oui, mais avant, a expliqué Djemaï, je travaillais le vendredi et vous étiez fermés. On lui a dit de revenir le week-end prochain, le temps que tout se stabilise un peu. Djemaï a tenté d'expliquer qu'il travaillait le samedi, parce qu'il travaillait avant le vendredi. Emu, l'agent de sécurité lui a dit qu'il ne fallait pas qu'il travaille le samedi, pas plus que le vendredi d'ailleurs, et de son propre avis, il ne fallait pas qu'il travaille tout court. Djemaï n'a donc pas pu payer sa facture et aujourd'hui il n'a plus de téléphone. Mais il fait la prière tout le vendredi pour qu'on lui rende son ancien week-end. Selon Djemaï, il y aurait quelqu'un en haut lieu spécialement chargé de rendre fous les Algériens. Mais comme cette personne ne travaille pas le week-end, Djemaï a décidé de ne devenir fou qu'une semaine sur deux.