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Moderniser l'administration, repenser les procédures
Publié dans El Watan le 11 - 10 - 2009

Les citoyens suivent avec beaucoup d'attention les réformes que l'Algérie est en train de mener et les chantiers en cours pour se hisser au rang des pays modernes et développés. Des répercussions remarquables peuvent se faire sentir d'ici quelques années, surtout en termes d'infrastructures.
Il y avait beaucoup à faire sans doute, c'est pourquoi plusieurs chantiers ont été initiés mais un domaine reste inerte et sans réforme visible. Ce champ n'avance pas dans cette bataille, la « simplification administrative » qui aboutit à la « bonne gouvernance ». Ce domaine très important et qui concerne pourtant la vie quotidienne de tous les Algériens, n'est affecté d'aucun signe de changement. Il faut savoir qu'une administration trop complexe, trop lourde joue en défaveur de la population. Elle favorise les « pratiques » du favoritisme, la corruption, la rachwa et les passe-droits. Elle démotive les citoyens. Elle crée une atmosphère d'incertitude et de tension permanente. Elle contribue à déstabiliser l'ordre et le système en place et à créer un mépris permanent envers l'administration. En outre, et précisément pour le cas algérien, elle propulse le phénomène des harraga, ces gens qui ont malheureusement perdu espoir en tout, alors que tout devait être à leur disposition. Ces gens ne cherchent pas l'argent, ils cherchent la dignité, la considération et surtout l'orientation et c'est là que le bât blesse, l'administration est trop rigide pour leurs donner satisfaction. Tout l'enjeu est justement de considérer le citoyen algérien comme étant le centre d'intérêt unique pour l'Etat et le mettre au cœur de toute réflexion aboutissant à une « bonne gouvernance » qui vise à régler ses problèmes administratifs.
Quand notre pays est classé à la 131e place dans le monde de la création d'entreprises, en 2007, le Maroc l'est à la 51e et la Tunisie à la 68e. II faut 24 jours et 14 procédures pour créer une SARL (sources : quotidiens algériens, juin 2008). Et quand le rapport économique de Davos classe l'Algérie 83e sur 133 en 2009, il ya de quoi s'alarmer. Si on ne parle que de cet exemple, cela veut clairement dire que les lourdeurs bureaucratiques persistent et qu'elles ont comme origine, d'une façon ou d'une autre, l'administration. L'enjeu en vaut la peine puisque simplifier l'administration crée la confiance et motive les gens à s'occuper, à entreprendre et surtout à donner le meilleur de ce qu'ils ont. Le changement est possible si chaque service touchant les citoyens ou en relation avec eux fait son travail de clarification des procédures avec une bonne dose de volonté. Le changement se concrétisera rapidement et le résultat se fera sentir à partir de l'année suivante. Ceci est tout à fait possible. D'un côté, l'Etat souverain est lui seul garant de l'application de ces procédures. Et de l'autre côté, dès lors que les citoyens sont informés et qu'ils savent que, dans tous les cas, leurs intérêts sont protégés et non exposés à la bonne volonté des agents administratifs. A ce moment-là et, seulement à ce moment-là, le sentiment de confiance réapparaîtra et règnera. Comment moderniser alors l'administration ? Il y a lieu de clarifier les procédures pour chaque acte ou chaque cas où le citoyen est amené à interagir avec les services administratifs. L'agent peut jouer un rôle de blocage si les procédures ne sont pas claires. Les procédures doivent être, dans un premier temps, clarifiées, simplifiées et affichées à l'entrée de chaque institution. La technique du Business process management (BPM) est une technique très simple mais très robuste pour créer n'importe quel processus, dans n'importe quel environnement.
En second lieu, il est important de fixer une durée maximale, justifiée pour traiter un dossier (appelée deadline ou date-limite). Si le dossier en question n'est pas traité en dedans de cette période, l'administration doit explicitement procéder à l'information du citoyen par écrit et par recommandé, si c'est possible ou seulement par lettre ou sms. Si rien de cela n'est fait, le dossier aboutit automatiquement. C'est un moyen simple et efficace pour verrouiller les manières inappropriées émanant des agents administratifs. Pour les cas où il n'ya pas de délai ou le délai est difficile à estimer, il est opportun de réfléchir à un autre mécanisme de verrouillage. En troisième lieu, il est inutile de demander une pile de documents à tous les coups. Non seulement par souci économique et environnemental, mais parce que cette manière est contreproductive. Chaque citoyen doit avoir une carte d'identité qui est censée être unique. Cette carte d'identité peut remplacer tous les papiers d'état civil pour la plupart des opérations courantes. Il y a sûrement des cas où la carte doit être utilisée en plus d'autres documents. Mais la réalité et l'expérience ont montré qu'il est tout à fait suffisant de travailler avec ce document seul. Pour constituer une carte d'identité, il est d'usage qu'un ensemble de documents et de preuves soient fournis. Ceux-là suffisent à donner la valeur d'identification unique à cette carte. Avec l'utilisation de l'informatique, on parle plutôt de carte d'identité électronique qui sera détenue par chaque citoyen. Elle contiendra toutes les informations sur lui, son état civil, sa résidence principale. Cette carte est une carte sécurisée à la manière des cartes bancaires. Plein d'autres documents ou d'autres options peuvent se greffer facilement sur cette carte, à la manière du permis de conduire ou de la carte grise. Dans ce cas, le risque d'erreur ou d'oubli peut diminuer au minimum. En outre, les Technologies de l'information et de la communication (TIC), permettent à différents services d'interagir facilement entre eux. En l'état actuel des choses, plusieurs projets dans ce sens existent ou sont en cours en Algérie. L'exemple du casier judiciaire est un exemple de réussite à tous les coups. Mais pourquoi ne pas le prendre comme noyau à une généralisation à tous les niveaux ? En sachant que la justice détient des informations pertinentes sur les citoyens, pourquoi ne pas ajouter d'autres modules à ce système, du genre retrait de l'acte d'état civil, de résidence ou d'autres documents ? Ce système sera utilisé, à la fois, par la Justice, l'Intérieur, l'Education ou tout autre organisme qui traite avec le citoyen. Chaque service aura ses accès et une visibilité sur ses propres modules.
La carte Chiffa est un autre exemple de réussite. Mais, en vérité, il ne suffit pas d'avoir une belle carte d'identité électronique facile à insérer dans son portefeuille pour réussir la simplification administrative. Plus que la carte, il faut un système d'information qui régissent les données stockées dans cette carte ainsi qu'un ensemble de mécanismes, de procédures claires ainsi que des aspects liés à la sécurité de son utilisation. Rapprocher l'administration du citoyen devient une réalité, puisqu'un seul clic de souris suffit à avoir les documents requis. Il devient inutile de se déplacer physiquement au local administratif, sauf dans des cas majeurs. Cette technique permet à coup sûr d'éliminer tout ce qui est inutile et superflu. Un seul exemple suffit de faire comprendre les choses : quelle utilité de demander un acte de naissance chaque année pour l'école ? Non seulement c'est un cas de gaspillage mais, en plus, cela ne sert absolument à rien. En présence d'un système d'information dans chaque école qui puise les informations depuis la carte d'identité de chaque élève, l'utilisation d'un acte d'état civil papier est d'autant plus inutile. Un autre exemple est le déménagement. Quand un citoyen déménage d'un lieu à un autre, son inscription dans la mairie de son nouveau lieu de résidence le radie automatiquement de l'ancienne mairie mais garde tout l'historique de tous ses déménagements. Il sera aussi automatiquement recensé pour le vote dans le chef-lieu de sa nouvelle résidence. Fini donc les abus. Plusieurs pays comme les USA, les pays scandinaves, la Belgique, l'Estonie, les pays de Golfe, etc. sont allés très loin dans cette démarche de simplification de l'administration. L'Algérie peut et sans aucune arrière-pensée s'inspirer de ces Etats qui ont fait des avancées considérables dans ce sens. En conclusion, il faut dire que repenser les procédures, créer les bons systèmes d'information, moderniser l'administration ne coûte que quelques millions d'euros, un coût qui est beaucoup moins important que de construire un morceau d'autoroute ou de moderniser les voies ferrées. Mais il aura le mérite de rendre la confiance aux Algériens en leur administration et en leur patrie. A première vue, cela semble acquis et facile à réaliser et la compétence 100% algérienne existe pour le faire, mais la volonté politique est une condition nécessaire et préalable à un pareil changement.


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