On devait avoir un gouvernement au four et au moulin, après le scrutin du 17 mai c'est l'effet inverse qui nous a été servi. La hausse vertigineuse des prix des produits de consommation a mis à nu l'impuissance de l'équipe gouvernementale à répondre aux préoccupations quotidiennes du citoyen. Le divorce entre les électeurs et la classe politique dans son ensemble trouve là une de ses réponses les plus cinglantes: la traduction de l'échec annoncé des responsables qui n'ont pas su ou pas pu se hisser au niveau des aspirations des couches populaires. L'échec aussi d'une Alliance présidentielle autour de laquelle est articulée la composante du staff gouvernemental. Les trois partis (FLN, RND et MSP) qui forment ce «conglomérat» soutiennent corps et âme le programme du président de la République. C'est d'ailleurs autour de ce point que s'est fait le consensus. Après l'abstention massive qui a marqué le scrutin du 17 mai (65% d'électeurs ne se sont pas rendus aux urnes), vint un été qui a plongé la classe politique et les membres du gouvernement dans une profonde léthargie. La hausse des prix sans crier gare s'est frayée un couloir dans un champ politique visiblement en jachère. Le réveil est brutal. Un assommoir. Le gouvernement et les partis politiques ont la gueule de bois. Ils semblent tétanisés. Les citoyens, eux encaissent sans broncher. Fatalité? Résignation? Impuissance? Ou bien par dignité tout simplement. C'est sans doute tout ce cocktail à la fois. Ils doivent faire face à la crise récurrente du logement et du chômage, laquelle semble s'être abattue sur eux comme une malédiction. La paupérisation a tissé sa toile. C'est une frange importante de la population qui est prise dans ses filets. Les villes algériennes se «bidonvillisent». Les ordures sont partout. Les maladies aussi. L'hygiène est le baromètre qui devrait fixer le degré de civisme atteint par les Algériens. Curieusement, ce point n'est pas la priorité du gouvernement. Des pouvoirs publics qui sont incapables d'assurer une hygiène décente et un environnement digne de ce nom à leurs citoyens ne peuvent prétendre les représenter. En dehors de ce problème, c'est toutes les réformes qui sont en veilleuse. Justice, éducation, santé, culture...On a l'impression de faire du surplace. Beaucoup de dossiers sont dans les tiroirs. Des projets, des réflexes qui font penser aux politiques menées dans les pays de l'ex-Union soviétique: celles de l'économie planifiée. Les chantiers connaissent un retard considérable. L'objectif du million de logements d'ici à l'horizon 2009 a de fortes chances de ne pas être atteint. L'Aadl a beaucoup promis à des clients qui attendent depuis des années. Le secteur de la santé est mis à contribution. On commence même à parler de maladies du pauvre. Bel Abbès défraie la chronique. Une mystérieuse maladie est apparue. Elle met en émoi le ministère de la Santé. Amar Tou, le ministre de la tutelle, est submergé. La peste? La rumeur circule. La rue s'en empare. A Bgayet c'est «l'angine blanche» qui tient le haut du pavé. Près de 200 policiers sont hospitalisés. Quelques jours plus tard, la maladie aux mêmes symptômes fait son apparition chez les sapeurs-pompiers. Etrange phénomène. Serait-ce la maladie des corps constitués? Le secteur de la culture fait parler de lui. «Alger, capitale de la culture arabe». Les langues se délient sur sa gestion. La ministre de la Culture se sépare de Lamine Bechichi et de Kamel Bouchama. Quel est le nom du «commissaire» de cet événement? Le président de la République était absent lors de l'ouverture. Y marquerait-il un désintéressement? Ou serait-il en désaccord avec la manière dont il est mené? Nous n'en saurons pas plus. Le secteur agricole, de son côté, a du mal à décoller. Des milliards de dinars lui ont été consacrés dans le cadre du Programme national pour le développement agricole (Pnda). Il ne produit pas assez. On est encore loin de l'autosuffisance. Les importations agricoles coûtent environ 3 milliards de dollars par an à l'Algérie. Cette dernière qui dispose de 1200km de côtes n'a pas développé de stratégie efficace dans le domaine de la pêche. Un secteur discret, des plus effacés même. Le poisson demeure hors de portée du revenu moyen du citoyen. Le tourisme est toujours à l'état embryonnaire. Il ne dispose que de peu d'infrastructures répondant aux normes internationales. Le parc hôtelier est en plein chambardement. Quelques centaines de touristes étrangers ont visité le Tassili et l'Ahaggar. On crie victoire. Le Maroc voisin ne vise pas moins de 6 millions de touristes par an. Une activité sur laquelle repose l'économie du Royaume marocain. Pendant ce temps-là, trois ou quatre ministres se démènent comme de beaux diables. Amar Ghoul, omniprésent sur le terrain, Abdelmalek Sellal et Chakib Khelil, qui est à la tête d'un secteur de l'énergie, véritable poumon de l'économie algérienne. Le ministre du Commerce, M.El Hachemi Djaâboub, est, quant à lui, sur le gril. Chargé du contrôle et de la régulation des prix, il est au-devant de l'affiche. Il a été auditionné hier par le président de la République. Les investissements directs étrangers (IDE), sur lesquels repose la stratégie industrielle, se font rares. Les investissements étrangers ne sont pas légion. Il y a les Emiratis, bien sûr. Ils comptent mettre sur la table 25 milliards de dollars en dix ans. La réforme financière et bancaire en sommeil, ajoutée à l'obstacle dicté par le foncier, sont des arguments suffisants pour faire reculer le plus téméraire des investissements. Tout le monde garde en mémoire les images de ministres sévèrement tancés par le chef de l'Etat lors de ses fameuses tournées d'inspection. Les ministres se savent sur la sellette. Quelles sont les têtes qui vont tomber?