Mis à part la tournée annoncée du chef de l'Etat dans la capitale pour inaugurer un certain nombre d'infrastructures, la date du 9 avril sera passée quelque peu inaperçue, la célébration du 2e anniversaire du deuxième mandat de M.Bouteflika se déroulant dans une grande discrétion. On est un peu loin du faste d'antan, et pour cause M.Bouteflika a choisi de placer ce deuxième mandat sous le double signe de l'action et de la sobriété. En cela, il se veut plus pragmatique que jamais. Ce même anniversaire nous invite également à faire des comparaisons. En l ‘occurrence, cette dernière peut être établie en remontant à 1995. Dix ans déjà, et pour ceux qui ont eu l'occasion de vivre en 1995, ils savent bien que les ponts sautaient, les voitures explosaient, des assassinats et des massacres collectifs étaient perpétrés. Sur ce plan, le pays retrouve une certaine sérénité, même si ce n'est pas encore la joie, et beaucoup de citoyens mettent cela à l'actif et au bilan du président Abdelaziz Bouteflika. La dette extérieure écrasait sous son poids une population qui n'en pouvait plus. Des entreprises mettaient la clef sous le paillasson, n'ayant plus assez de liquidités pour importer des matières premières et des inputs. Ainsi, lorsqu'on jette un coup d'oeil en arrière, on voit bien que L'Algérie a fait du chemin. L'aéroport international d'Alger était quasi désert, surtout après la bombe de 1992 (26 août 1992): un odieux attentat à la bombe dans le hall de l'aéroport d'Alger, Dar El Beïda, fait 9 morts et 128 blessés). et le détournement de l'Airbus d'Air France de 1994. Par conséquent, les tableaux synoptiques présentés au titre des deux dates sont diamétralement opposés. Au chaos de 1995 où l'Algérie partait en lambeaux, répond celui de 2005 dans lequel l'Algérie, même s'il est prématuré d'affirmer tout de go qu'elle est réconciliée avec elle-même, il est tout de même permis d'espérer qu'elle est sur la bonne voie, tant la paix est difficile à construire. Deux ans après la réélection du président Abdelaziz Bouteflika, les choses semblent avoir atteint leur rythme de croisière. Quatre volets peuvent attirer l'attention : le sécuritaire, la stabilité des institutions, l'économique, le diplomatique. Institutions : Le respect des délais et des échéances, au détriment de ceux qui voulaient imposer, par des arguments fallacieux, reporter les élections aux calendes grecques - en espérant jouer sur le flou et l'instabilité, ouvrant la voie aux turbulences de toutes sortes - donne une légitimité aux équipes dirigeantes. Car ne l'oublions pas, la crise politique et sécuritaire des années 90 reposait essentiellement sur un déficit en légitimité. Le retour à la vox populi a l'heur de rabattre le caquet de ceux qui aiment parler au nom du peuple, sans en avoir reçu mandat. Le sécuritaire : la concorde civile puis la Charte pour la paix et la réconciliation ont eu pour effet de mettre un terme à un conflit- interne remontant à 1992. L'économique : ce sont surtout la réduction de la dette extérieure et l'augmentation des réserves de change (près de 60 milliards de dollars) qui retiennent l'attention. Le lancement des grands chantiers d'infrastructures (autoroute, rocade des Hauts-Plateaux, Plan de développement du Sud) vient accompagner cet effort. En revanche, ça patine toujours dans le secteur des services, la réforme bancaire et financière, le tourisme. Des blocages à l'investissement et à la création d'entreprises subsistent toujours; au grand dam des opérateurs, des promoteurs et... des salariés eux-mêmes, voire des nombreux chômeurs qui ne comprennent pas qu'avec autant de moyens, l'Algérie n'arrive pas à amorcer le véritable décollage économique et à lever les verrous qui grèvent la croissance. Corruption, lenteurs bureaucratiques, détournements, abus de confiance, goulots d'étranglement, la liste serait longue de tous les boulets qui continuent de freiner l'avancée des créateurs d'emplois et de croissance dans ce pays. Dans le même temps, nos partenaires internationaux restent sceptiques quant à notre volonté de mener à bon port les réformes économiques, la défense des petits intérêts, notamment dans la distribution de la rente, passant avant les intérêts du pays. L'autre volet qui reste le parent pauvre des réformes est bien celui des médias: vouloir à tout prix brider l'ouverture médiatique, tout en menant une répression tous azimuts contre les écrits de presse a un impact négatif sur l'activité des créateurs et des intellectuels. La recherche scientifique et l'esprit inventif ne font pas bon ménage avec la censure et son corollaire, l'autocensure. Par ailleurs, s'il y a un secteur qui souffre du sous-investissement en Algérie, c'est bien celui de la communication, malgré le boom qu'a connu la téléphonie mobile. Quant aux grands chantiers du président, et qui furent lancés au tout début du premier mandat, l'éducation, la justice, la santé, l'habitat, on peut dire qu'il est sans doute trop tôt pour se prononcer. La bonne gouvernance elle-même en prend un coup devant les dysfonctionnements continus qu'on constate dans ces secteurs. Il n'y a qu'à voir la manière expéditive avec laquelle les élus retapent les routes en mettant une couche de bitume ou un coup de pinceau à l'occasion des visites présidentielles. Tant que cette grande hypocrisie reste de mise, on peut dire que le chef de l'Etat a du pain sur la planche.