Un choix qui devra être anticipé et guidé par un suivi médical adapté. Le docteur Aziz Daoud, diabétologue et endocrinologue, revient justement sur ce suivi et donne quelques conseils aux malades. Il relève que, d'après les résultats de l'étude Epidiar (Epidemiology of Diabete and Ramadan) menée auprès de 12 243 patients dans 13 pays musulmans, environ 43% des diabétiques de type 1 et 79% de ceux de type 2 jeûnent pendant le Ramadhan. Au niveau mondial, cela représente 40 à 50 millions de diabétiques qui jeûnent, a-t-il indiqué. «Le Coran exempte les malades du devoir de jeûne, surtout si le fait de jeûner peut avoir des conséquences néfastes sur la santé de l'individu. Les patients diabétiques et plus particulièrement les diabétiques de type 1 mal équilibrés et à haut risque de complications, font partie de cette catégorie de patients visés par cette exemption», a souligné le diabétologue, qui soutient cependant que beaucoup de patients insistent pour jeûner durant le Ramadhan. C'est pourquoi il est important que les professionnels de santé et surtout les patients soient au courant des risques potentiels associés au jeûne. Selon la même étude, le Dr Daoud précise que les diabétiques de types 1 et 2 ont ainsi respectivement 4,7 et 7,5 fois plus de risques d'hypoglycémie et 3 et 5 fois plus de risque d'hyperglycémie sévère (nécessitant une hospitalisation) au cours du Ramadhan. «Il existe également un risque plus élevé d'acidocétose chez les diabétiques (principalement de type 1) qui jeûnent, surtout s'ils étaient hyperglycémiques (très déséquilibrés) avant le début de la période de jeûne. Ce risque est d'autant plus élevé que de nombreux patients diminuent leurs doses d'insuline en estimant que pendant le Ramadhan, leur prise alimentaire est réduite, alors que pendant le f'tour, ils consomment des centaines de calories !», a-t-il indiqué. Et de préciser qu'il existe un autre risque auquel sont exposés les diabétiques pendant le Ramadhan : la déshydratation. «Celle-ci conduit à une hypovolémie et à une augmentation de la viscosité sanguine, donc à un risque d'hypotension orthostatique et de thrombose, en particulier chez les personnes âgées», a-t-il expliqué. Manger de façon équilibrée Pour le Dr Daoud, la prise en en charge de ces malades repose donc sur des recommandations que le praticien doit suivre : «Le praticien doit dans un premier temps classer le patient selon son risque de complications et préparer le jeûne un ou deux mois à l'avance, par une éducation et un traitement adéquats, afin de stabiliser au mieux le diabète avant le Ramadhan. J'insiste sur la nécessité d'individualiser les soins et convaincre les patients de surveiller fréquemment leur glycémie (surtout en cas d'insulinothérapie) et de manger de façon équilibrée, en évitant trop de graisses et de sucres.» Ainsi, les sucres complexes (lents) sont conseillés pendant le dernier repas (s'hour), tandis que des sucres simples sont plus appropriés pour le repas du f'tour. Dans tous les cas, il est conseillé d'augmenter les quantités d'eau ingérées avant et après le jeûne. Pour ce qui est de l'exercice physique, le Dr Daoud estime qu'un niveau normal doit être maintenu, mais tout excès est à éviter, en particulier avant le maghreb. Les prières des tarawih doivent être considérées comme faisant partie de l'exercice physique. «Tous les diabétiques devraient comprendre qu'ils doivent toujours rompre le jeûne en cas d'hypoglycémie, si leur glycémie passe sous les 0,70 g/l dans les premières heures de jeûne ou si elle excède les 3 g/l.» Pour les diabétiques de type 1, depuis l'avènement des insulines analogues (Lantus, Apidra et Humalog), différentes options sont possibles, combinant insuline lente et rapide avec des schémas appelés basal-bolus. Ainsi, peuvent jeûner les diabétiques de type 1 qui n'ont pas de problème particulier. Quant au traitement du diabète de type 2 par des antidiabétiques oraux, le spécialiste rappelle qu'il faut utiliser avec les plus grandes précautions les antidiabétiques oraux de la classe des sulfonylurés (tels que l'Amarel, le Daonil…) pendant la période de jeûne, à cause de leur risque d'hypoglycémie. Enfin, pour les femmes enceintes diabétiques ou atteintes d'un diabète gestationnel, il faut savoir que le jeûne présente des risques pour la mère et l'enfant. Dans le cas où la mère choisirait néanmoins de jeûner, il est recommandé une prise en charge en milieu spécialisé (diabéto-gynéco-obstétrique). La quasi-totalité des diabétiques peuvent jeûner, à condition de préparer la période du jeûne en consultant leur médecin bien avant son début, afin d'adapter le traitement et de faire un éventuel réajustement, notamment les premiers jours en se basant sur des contrôles glycémiques plus fréquents que d'habitude et au fur et à mesure de la progression du Ramadhan, a insisté le Dr Daoud.