Catastrophique », « lamentable », « très précaire », « désastreuse »… Les journalistes algériens ne lésinent pas sur les qualificatifs pour exprimer leur ras-le-bol général. Quand on leur demande de donner leur avis sur leur situation socioprofessionnelle, ils en parlent sans retenue et sans ménagement. Ils ne ratent aucun aspect. Et pourtant, ils continuent à souffrir en douce. Désorganisés, les professionnels des médias ne font rien pour changer leur situation. Ce n'est pas pour manque de prise de conscience, mais souvent par crainte ou par démission. Pour lever le voile sur la réalité de la presse nationale, nous avons donné la parole à quelques-uns de nos confrères. Leurs points de vue abondent tous dans le même sens. Les jeunes journalistes comme les plus anciens partagent tous le même avis. « Je dirais que la situation des journalistes algériens est lamentable », affirme d'emblée Hadjar Guennafa, 23 ans, journalistes au quotidien la Tribune des lecteurs. Bien qu'elle vienne juste d'entamer sa carrière de journaliste, cette jeune fille se dit déjà « désabusée ». Notre interlocutrice évoque en particulier les conditions de travail dans la rédaction. « Je connais au moins trois journalistes qui sont rémunérés à 4000/mois et sans qu'ils soient déclarés à la Sécurité sociale », dit-elle. Pour les plus expérimentés, le constat est sans appel. Pour Mohamed Mehdi, journaliste au Quotidien d'Oran, la situation des journalistes algériens est « catastrophique ». « Nous sommes devenus des remplisseurs de pages de journaux et non plus des journalistes. Le journaliste actuel est mesuré au nombre de signes qu'il écrit, pas à la qualité de l'information qu'il ramène. Chaque matin, il lui est demandé de produire un papier sans toutefois bénéficier des moyens qu'il faut pour le faire », déplore-t-il. Mohamed Mehdi critique, dans ce sens, certains éditeurs qui n'offrent pas les moyens élémentaires à leurs journalistes. « Je n'ai pas le droit de généraliser, mais je pense que la majeure partie des rédactions (arabophones et francophones confondues) veulent faire un New York Times avec les moyens d'un petit journal. Dépenser moins, c'est le maître mot des éditeurs », estime-t-il. Poursuivant son analyse, il souligne la haute tension dans laquelle vivent les journalistes algériens. « Avec des salaires minables, un effectif affreusement insuffisant, un manque flagrant de formation, les journalistes subissent une charge insupportable », précise-t-il. Comme lui, d'autres confrères imputent ce constat aux journalistes, aux patrons de presse et à l'Etat. Pour Rabah Abdellah, journaliste au Soir d'Algérie, la situation de précarité des journalistes est due en particulier à deux facteurs : « L'absence d'organisation des journalistes et la démission des autorités qui doivent imposer l'application de la loi. » Selon lui, les résultats de cette situation son connus : Les journalistes sont surexploités, sous-payés et stressés en permanence. C'est le même constat fait par Ali Boukhlef, journaliste au quotidien la Tribune. « Pour remédier à cette situation, les journalistes doivent s'organiser, les autorités doivent imposer l'application des lois et les entreprises de presse doivent penser à améliorer le cadre de vie de leurs employés », lance-t-il. Outre la question des salaires et les conditions de travail dans les entreprises, les journalistes algériens se plaignent également du manque de logement. Beaucoup d'entre eux passent la nuit dans des hôtels à bas prix, des hammams ou bien dans des habitations de fortune qu'ils louent en groupe et à des prix exorbitants. Soit, les professionnels de la plume ne disposent d'aucun moyen de récupération qui leur permet d'élever encore leur niveau et de mieux informer leurs lecteurs. Même le statut des journalistes, promulgué en 2008, reste lettre morte. Il n'est suivi d'aucune mesure susceptible de changer le quotidien des journalistes algériens.