Calèches et camions cohabitent aux abords du souk de Hassi Bahbah, le marché à bétail à 50 km de Djelfa. D'une superficie de plus de 5 ha, ce marché est considéré comme le plus grand d'Algérie. Eleveurs, acheteurs et intermédiaires de toute la région s'y retrouvent pour leur rendez-vous d'affaires chaque jeudi de la semaine, où pas moins de mille têtes sont vendues. Des affaires qui se font à la cadence des coups de sabots, des entrechocs de cornes et des bêlements d'animaux. Des bergers conduisent des bêtes dans leurs places réservées à l'aide de bâtons ou de cordes, parfois dans des calèches. Hommes et animaux se disputent l'espace, se côtoient, s'affrontent souvent. En dépit de la chaleur, de la poussière et de la fatigue, le tout est de pouvoir vendre ses bêtes. Krika Tamer Naïli, 45 ans, coiffé d'un trente- trois tours jaune et vêtu d'un burnous maron, est « mouel », ce jeudi. Il compte vendre un troupeau de plus de 300 têtes de moutons « Je n'attends pas l'approche de l'Aïd pour écouler mon bétail. De plus cette année, une maladie, la langue bleue, guette les moutons et j'ai peur de perdre ma seule richesse » confie-t-il. Au milieu de ce brouhaha, les moutons sont regroupés, les têtes croisées, formant une espèce de tresse. « C'est une tradition héritée de nos aïeuls, qui utilisent ce procédé pour ne pas perdre le bétail », explique fièrement Ali El Ouetouet, un autre éleveur de Sidi Bayzine, dans la wilaya de Djelfa. Les prix ce jour-là tournent autour de 25 000 DA pour un bélier et de 13 500 DA pour un agneau. « Cette année les prix risquent de s'envoler car les éleveurs n'ont pas encore rentré leur cheptel au marché, il y a pénurie ! » explique l'un d'entre eux. Et Messaoud de poursuivre : « Les mouels n'ont mis en vente que les agneaux, en dépit de l'importance de la production cette année, ils veulent faire des affaires, sinon que vont-ils faire avec leur cheptel ? ». Le téléphone sonne, Messaoud vient de recevoir un rapport sur les prix du marché de bétail de Mechria, l'autre place boursière du mouton, concurrente. Les prix sont en baisse, de gros troupeaux ont été vendus, le prix est fixé à 23 000 DA la tête. Les maquignons sont en ébullition, ils doivent agir. Une voix sage les calme : « Bientôt le marché reprendra de plus belle, du moment où il n'y a pas de camion immatriculé 16, il n y pas lieu de s'inquiéter… » note-t-il en sirotant son thé à la menthe. Saïd, un maquignon très connu dans la région, originaire de Tizi Ouzou, passe son temps dans les marchés de bétail de la région. En spécialiste, il explique les raisons de la flambée des prix : « Cette année la pêche est bonne, les mouels alimentent le marché au compte-goutte, histoire de garder les prix en hausse et ainsi faire de bonnes affaires » et de poursuivre « Le prix du mouton cet Aïd peut atteindre les 60 000 DA car personne ne veut vendre son bétail… »