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Quand les intermédiaires dictent leur loi
À une semaine de l'AId, Djelfa en pleine effervescence
Publié dans Liberté le 01 - 12 - 2008

L'anarchie qui règne au marché hebdomadaire de Djelfa renseigne sur l'absence totale de l'Etat et la mainmise des spéculateurs sur cette véritable “Bourse” du mouton, à une semaine de l'Aïd El-Adha.
La fièvre des prix monte et atteint des seuils jamais égalés au marché aux bestiaux de Djelfa. Les prix de gros varient entre 20 000 et 35 000 dinars. Cette fièvre a également gagné les boucheries de la ville qui affichent le prix du kilogramme de viande à 600 dinars, alors qu'il n'était que de 400 dinars il y a un mois. Lundi dernier, le marché hebdomadaire était bondé de cheptel, d'acheteurs et d'intermédiaires. L'anarchie qui y règne renseigne sur l'absence totale de l'Etat et la mainmise des spéculateurs sur cette véritable “Bourse” du mouton, à une semaine de l'Aïd El-Adha. Difficile de faire admettre au simple citoyen les raisons de cette flambée des prix, au moment où le pays connaît une assez bonne année pluviométrique. “Effectivement, il a beaucoup plu cette année et les parcours de pâturage sont bien pourvus. Mais les éleveurs, touchés l'an dernier par la sécheresse, veulent récupérer leurs pertes”, avance le directeur des services agricoles de la wilaya de Djelfa, Ahmed Izzem, avant de préciser : “C'est l'offre et la demande qui déterminent les prix.” La wilaya de Djelfa, qui compte entre 2,5 et 3 millions de têtes d'ovins, est l'une des plus importantes productrices d'ovins, notamment en raison de l'élevage des brebis de qualité. Les services vétérinaires de la wilaya sont formels. “Tout le cheptel proposé à la vente est de bonne qualité sanitaire et tous les marchés aux bestiaux sont soumis au contrôle des équipes vétérinaires”, selon Ghediri Yacine, chef du service vétérinaire. Une affirmation contredite par la réalité, du moins au marché de gros de Djelfa où l'anarchie règne et où les spéculateurs dictent leur loi.
Le marché de Djelfa sous le contrôle des spéculateurs
Pis encore, des bouchers clandestins exercent à l'air libre et s'adonnent à des abattages clandestins, sur place. Nous l'avons constaté : une rumeur s'est vite propagée dans le souk annonçant l'arrivée de contrôleurs et, en un clin d'œil, des centaines de bouchers clandestins prennent la poudre d'escampette, leurs carcasses et leurs abats dans les bras. Chacun tente de cacher sa marchandise là où il peut. Cinq minutes après la panique, le calme revient au souk et les bouchers reprennent leurs étals clandestins le plus normalement du monde. La seule partie du marché de gros qui soit plus ou moins organisée est celle réservée aux bovins. Les veaux se vendent comme des petits pains et prennent presque tous la destination de la Kabylie où leur consommation est des plus élevées. Ici, n'entre pas qui veut et ne négocie pas qui veut. Dans le marché hebdomadaire de gros, qui s'étend à perte de vue, l'anarchie apparente cache mal une mainmise certaine des spéculateurs sur tout ce qui s'y trouve. Même les petits éleveurs, qui tentent de faire le mur et d'y introduire deux ou trois agneaux, sont vite interceptés et priés d“entrer dans les rangs”.
“Il n'y a pas d'éleveurs dans le marché. Juste des intermédiaires.” L'affirmation vient de la bouche du secrétaire général de la Chambre d'agriculture de la wilaya de Djelfa, Mohamed Belhadi. Pour le vérifier, nous avons pris le soin d'accompagner un maquignon du quartier de Kouba, à Alger, qui avait fait le déplacement dans l'espoir de faire une “bonne affaire”. Mohamed, boucher de son état, avait fait le tour de plusieurs marchés aux bestiaux ces derniers temps, sans trouver ce qu'il cherche. De Djelfa, il reviendra bredouille. “Ce n'est pas normal d'acheter des agneaux à plus de 20 000 dinars au prix de gros. À quel prix je vais les revendre ? Je dois compter le coût du transport, celui du foin et de la location de l'enclos. Pour entrer dans mes frais et envisager une petite marge bénéficiaire, je devrais revendre ces agneaux au moins à 25 000 dinars. Qui en voudra dans mon quartier ?” Avec lui, nous vérifierons l'emprise des spéculateurs sur le marché de gros de Djelfa. Dès qu'il s'approche d'un troupeau, une meute de pseudo-acquéreurs vient renchérir. Il y en a même qui excellent dans l'art de la surenchère. Des moutons bien portants sont proposés à plus de 35 000 dinars. Le revendeur demande 38 000 dinars. Devant l'hésitation de Mohamed, un pseudo-acquéreur se lance et propose 37 000 dinars pour deux moutons qu'il remet, tout de suite, à la revente, juste à côté du troupeau. Une demi-heure, on retrouve les deux moutons dans le troupeau. Mohamed n'a pas mordu à l'hameçon. Connaisseur des marchés aux bestiaux, il ausculte le cheptel et nous lance : “Regardez-moi ces troupeaux. Ils vous proposent trois ou quatre bons agneaux dans un troupeau d'une vingtaine de têtes et le reste, vous aurez des ovins malades ou chétifs.” Mohamed est formel : “Ce que vous voyez ici, c'est de la poudre aux yeux. Ils veulent liquider le surplus. Les meilleurs moutons sont gardés dans les enclos. Il faudrait négocier dur pour les avoir.” Nous le vérifierons avec des revendeurs sur place. Tous affirment posséder des moutons de meilleure qualité, mais à des prix plus élevés, dans les enclos.
Le marché grouille de revendeurs. Nous y croisons Omar, un Algérois, d'habitude spécialisé dans la revente en gros des fruits et légumes. Il s'essaye, depuis deux ans, dans la revente des moutons de l'Aïd. Lui aussi risque de revenir bredouille. “À ces prix-là, je préfère attendre la semaine prochaine pour voir si les cours baissent. Ils nous prennent pour des pigeons. Ils croient qu'ils peuvent nous vendre au prix qu'ils veulent.” Rabah, un revendeur local, l'interrompt et lui lance : “C'est vous qui êtes la cause de la flambée des prix. Vous venez vous remplir les poches sur le dos des pauvres éleveurs.” Chacun y va de ses arguments, des coûts du transport, à celui de l'orge, en passant par les pratiques d'engraissement du cheptel, mais tous avouent qu'ils ne sont que des intermédiaires dans une longue chaîne où l'éleveur et le consommateur sont les dindons de la farce. Le secrétaire général de la Chambre des agriculteurs ne mâche pas ses mots pour désigner la source du mal : “Ce sont les intermédiaires qui dictent leur loi.” Belhadi Mohamed cite le cas du marché de gros où il est impossible de faire entrer un camion si l'on n'accepte pas de se soumettre aux prix fixés par les intermédiaires à l'entrée du marché, “au risque de voir le pare-brise voler en éclats, ou tout simplement tomber dans le piège des rumeurs distillées par les intermédiaires”. La rumeur. Voilà l'arme la plus redoutable des spéculateurs. C'est elle qui fixe la mercuriale et c'est elle qui décide si les affaires vont bien ou s'il faut attendre le prochain souk. Belhadi Mohamed est formel : “Tant qu'il n'y a pas de réglementation des marchés de gros, ce sont les spéculateurs qui dicteront leur loi.”
Le gouvernement avait promis d' y apporter une réponse. Mais, pour le moment, l'anarchie profite grandement aux parasites. “Des jeunes viennent d'Alger et de partout remplir des camions en moutons et se remplir les poches. Qui les en empêche ?” se demande-t-il, avant d'asséner : “Personne ne ressort du marché de gros avec une facture et, pourtant, lorsque le fisc convoque le producteur, il lui comptabilise le prix de vente au détail. C'est-à-dire tous les profits tirés par la chaîne d'intermédiaires.” Les intermédiaires, étant dans l'informel, ne sont jamais inquiétés. “Il faut compter une trentaine d'intermédiaires entre l'éleveur et le consommateur”, dit M. Belhadi qui estime que “l'éleveur ne décide de rien du tout. Il est, comme le consommateur, otage des intermédiaires”. Pour lui, le marché du cheptel attire beaucoup de monde, dans la mesure où il participe grandement à la thésaurisation. Ceux qui disposent de sommes colossales y trouvent leur compte, sans avoir à rendre le moindre compte. “Cela leur rapporte dix fois plus que les taux d'intérêt des banques.” Les éleveurs se sentent frustrés, floués, en apprenant que leur cheptel arrive au consommateur à 25 000, voire 30 00 dinars, alors qu'il a été cédé à 10 000 dinars au maximum. Il faudrait se lever à l'aube, avant l'ouverture du marché de gros, et voir les spéculateurs imposer leurs prix, avant toute entrée d'un cheptel, pour comprendre le pourquoi de la flambée des prix. Que ce soit au marché de gros de Djelfa, celui de Birine ou celui de Hassi Bahbah, les mêmes pratiques et les mêmes spéculateurs font la loi, devant l'absence d'un Etat impuissant jusqu'à la complaisance. Pourtant, par le passé, une expérience a été tentée à Djelfa, qui consistait à réserver le marché du cheptel aux seuls éleveurs. L'expérience n'a pas tenu plus de deux ans.
Les parcours de pâturage squattés
Mais au-delà des fluctuations du marché, qui restent sous l'emprise des spéculateurs, il est une réalité amère que vivent les éleveurs de Djelfa : l'entretien du cheptel coûte de plus en plus cher et l'exercice du pâturage relève, présentement, de la gageure. Frappés par la sécheresse l'an dernier, ces éleveurs ont bénéficié d'une aide symbolique de la part du gouvernement, qui consiste en leur approvisionnement en orge à des prix soutenus (1 550 dinars le quintal, au lieu des 3 000 dinars sur le marché parallèle). Mais cette aide reste insignifiante. En effet, uniquement pour la wilaya de Djelfa, il faudrait au moins six millions de quintaux d'orge par an pour entretenir le cheptel. Alors que la wilaya de Tiaret, qui est la pourvoyeuse de la région en orge, n'en produit que 3,5 millions de quintaux par an, dans le meilleur des cas. La production nationale est, elle, estimée à 40 millions de quintaux. Ce qui fait que l'entretien du cheptel nécessite obligatoirement l'utilisation des parcours de pâturage. Or, et c'est là que le bât blesse, depuis quelques années, de nouvelles pratiques ont vu le jour dans la wilaya de Djelfa : l'éleveur doit payer pour utiliser les parcours, pourtant classés domaine public.
L'éleveur doit également payer pour s'abreuver des points d'eau situés sur les parcours. Des indus-occupants imposent des “taxes” aux éleveurs. Et face à la dégradation à grande échelle des parcours et de la steppe, c'est tout l'avenir du cheptel qui devient menacé. La wilaya de Djelfa, qui comptait quelque 2,5 millions d'hectares de parcours, n'en compte plus que 500 000 hectares. Et n'était la présence des équipes du Haut-Commissariat au développement de la steppe (HCDS), plus rien ne subsisterait. Pendant ce temps-là, les spéculateurs continuent à faire monter les enchères dans les marchés de gros du cheptel.
Des revendeurs venus des quatre coins du pays repartent avec des camions remplis de moutons. Beaucoup avouent qu'ils jouent au poker en achetant aux prix affichés actuellement, alors que d'autres préfèrent attendre la dernière semaine pour voir si la fièvre des prix tombe.
Sur la route menant de Djelfa à Alger, des camions remplis de moutons sont stationnés sur les bas-côtés de la route nationale. Les négociations se poursuivent, en deuxième, troisième et quatrième mains, au grand dam des éleveurs et, surtout, des consommateurs.
A. B.


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